UN ENFANT SUR DIX VIT AU MILEU DE LA GUERRE
Sous l’égide du Ministère des Affaires étrangères a été organisée mardi 21 février à Paris, avec le concours de l’UNICEF, une grande conférence sur les enfants victimes de conflits armés.
Cette conférence marquait le 10ème anniversaire des Accords de Paris sur les enfants soldats. Signés à ce jour par 108 États, ces accords ont doté la communauté internationale d’un ensemble de principes qui réaffirment les droits des enfants à la protection en toutes circonstances. Ils condamnent le recrutement ou l’utilisation de mineurs de moins de 18 ans dans les groupes armés. La répression de l’enrôlement et de l’utilisation d’enfants dans les conflits est devenue ainsi effective puisque ces actes ont été déclarés « crimes de guerre » et qu’ils sont à ce titre jugés par la Cour Pénale Internationale.
Lors de la conférence, les 105 pays signataires sont venus réitérer leur volonté de respecter le droit international et leur engagement à financer des mécanismes qui pourront protéger les enfants confrontés à des conflits. Trois nouveaux pays ont ratifié ces accords : la Birmanie, le Kazakhstan et la Tunisie.
Il faut savoir que, depuis dix ans, grâce aux Accords de Paris et au travers de l’action conjuguée des Nations Unies, de l’UNICEF, de nombreuses ONG et des pouvoirs publics locaux, 150 000 enfants soldats ont été démobilisés. Malheureusement chaque année des dizaines de milliers d’autres enfants se voient encore enrôler. Les Nations Unies ont dénombré 51 groupes armés qui retiennent des enfants en détention en vue de les utiliser soit comme soldats, soit comme bombes humaines.
Les enfants soldats sont les premières victimes de la guerre. Mais ils ne sont pas les seuls enfants à en souffrir. Loin de là. Aujourd’hui, un enfant sur dix vit dans un pays en guerre ou dans une zone touchée par un conflit armé.
Ces enfants sont exposés directement à une guerre qui peut durer des années ; ils peuvent être déplacés avec leurs familles, perdre leur maison, devenir des réfugiés ; ils sont souvent séparés de leurs parents ; la plupart souffrent de multiples formes de violences ; il leur arrive d’être témoins de tueries. Du fait de leur âge et de leur difficulté à maîtriser de tels événements, ils sont extrêmement vulnérables. Cette période de leur vie les marquera à jamais.
Les bombardements, ainsi que les risques liés aux engins non explosés, figurent également dans leur quotidien. En Syrie, des enfants de sept ans sont capables de citer le modèle des armes avec lesquelles ils sont attaqués. Dans certains pays, les pouvoirs publics vont jusqu’à détenir de manière arbitraire les enfants soupçonnés d’association avec des groupes terroristes. Dans la région du lac Tchad, certains enfants des rues sont enfermés de manière préventive, du seul fait de leur nationalité.
Les jeunes vivant dans des zones de guerre peuvent trouver un sens en s’engageant auprès d’une milice. Le fait de ne pas être scolarisé favorise l’enrôlement, notamment volontaire. L’éducation est alors un argument auquel recourent les factions armées pour recruter. Daech utilise la promesse d’éducation pour attirer de jeunes syriens dans ses rangs.
En temps de conflit, l’éducation est encore plus un enjeu crucial. Aller à l’école permet aux enfants de se reconstruire, en leur fournissant un cadre protecteur, un espoir d’avenir, des compétences que l’on ne pourra jamais leur enlever. La protection des écoles en temps de conflit est donc primordiale ; C’est pourquoi nous nous réjouissons que la France soit l’un des premiers grands pays occidentaux à avoir adopté la Déclaration pour la Sécurité dans les Écoles dont l’objectif est de sanctuariser ces lieux de vie pour les enfants. Le président Hollande a confirmé l’engagement de la France à ce propos lors de la conférence.
Les conflits qui affectent des populations déjà en situation de vulnérabilité, contribuent à perpétuer pauvreté, analphabétisme et mortalité infantile. Ces crises dérobent aux enfants leur enfance, leur famille, leur sécurité, leur éducation, leur santé, leur équilibre psychosocial et leur chance d’un avenir meilleur.
Partout où la guerre sévit, la communauté internationale se doit de déployer des efforts considérables pour protéger tous les enfants pour leur donner accès à l’école et pour leur procurer les moyens de retrouver peu à peu une vie presque normale. Et pour, s’agissant des enfants enrôlés dans les groupes armés, faire en sorte que ces deux mots, « enfants » et « soldats » ne soient plus jamais associés dans le futur.
Jean-Marie Dru, Président de l’UNICEF France.
Cette tribune de Jean-Marie Dru a été publiée initialement sur www.lesechos.fr, puis reprise sur LinkedIn. Vous pouvez suivre Jean-Marie Dru sur Twitter @jeanmariedru