Un grand rendez-vous manqué !
Je me souviens très bien de cette première entrevue avec Édouard, un retraité dynamique de l'armée française qui souhaitait vivement échanger autour de son projet. Il occupait le poste honorifique de Secrétaire Général au sein de son association. Son programme était simple et rempli de belles intentions. Édouard recherchait tout simplement à sélectionner un prestataire de transport pour livrer sur les bases navales de Brest ou Toulon "leur récolte" préalablement "ramassée" en région normande.
En réalité, cette association avait comme raison d’être de réussir à récupérer d'anciennes machines à coudre sur l’ensemble du territoire national afin de les offrir à des couturières sénégalaises.
Vous ne trouvez pas, chers lecteurs, que c’est une merveilleuse initiative ?
Le projet pouvait avorter si Édouard, le responsable de cette association à but non lucrative de la Loi 1901, échouait par l'absence d'un prestataire dévoué à leur cause. Je précise que cette prestation transport devait s'effectuer si possible sans facturation du Transporteur. Notre société avait accepté, sans hésitation, ce partenariat tout en sachant que nous étions fréquemment sollicités par toutes sortes d'associations. Ce projet nous semblait audacieux, très motivant mais surtout, chargé d'humanité car nous pouvions ainsi aider un pays frère et y apporter aussi notre pierre à l'édifice.
Vous pourriez me dire, chers lecteurs, que cette histoire est banale. Certainement, excepté que ma bonne étoile attire toujours des anecdotes abracadabrantesques.
Nous avons ainsi transporté durant plusieurs années des palettes composées de machine à coudre Brother, Husqvarna, Pfaff et la Rolls Royce des marques : la célèbre SINGER !
Notre Duo fonctionnait à merveille.
D’un côté il y avait Édouard qui était toujours aussi aimable lors de ses appels téléphoniques pour nous commander un enlèvement sur le territoire normand. Il préparait chaque expédition avec une précision digne d'une "opération spéciale".
A s'y méprendre, le collègue Édouard aurait pu travailler pour l'armée française ?!
Eh bien oui, cela avait été le cas tout au long de sa vie professionnelle en tant que Commandant et son action se poursuivait même au-delà par le biais de cette belle association.
De l’autre côté, mon équipe et moi, nous prenions en charge à partir de son local basé à Sotteville-les-Rouen ces palettes préalablement conditionnées par sa Team de volontaires qui regroupait d'anciens marins à la retraite. Puis, ces palettes étaient dirigées avec grand soin vers notre plateforme de la région parisienne. À partir de ce point de départ, toute la logistique était déployée pour acheminer de la Bretagne ou du Sud-Est dans cette cargaison si spéciale. Nos agences locales respectaient à la lettre, l'horaire plus que précis de livraison qui nous avait été communiquée par l'organisateur Édouard. Nous déposions donc ces nombreuses palettes sur les quais d'embarquement des bases navales de Brest ou Toulon afin qu'elles soient chargées dans les soutes des célèbres porte-aéronefs français.
Nous étions vraiment fiers de permettre cette réalisation qui portait haut les couleurs de notre beau pays.
Ce fret spécial, à plus d'un titre, pouvait parcourir plus d'un millier de kilomètres (Cf « Si tu n’es pas gentil ») sur notre territoire et utiliser différents types de véhicules pour parvenir à bon port. Nous nous sentions tous concernés par ces transports spéciaux mais si nécessaires à ces femmes qui se faisaient un réel plaisir de faire revivre ces vieilles machines à coudre.
D’ailleurs, connaissez-vous les quatre stylistes sénégalaises : Rama Diaw, Oumou Sy, Collé Sow, Adama Ndiay ?
Et s’il y avait un peu de notre action dans cette magie du WAX ?!
Édouard réalisait régulièrement des voyages sur place au Sénégal à Dakar, son port d'attache. Notre Commandant souhaitait plus que tout concrétiser ces dernières missions avec l'accord exceptionnel de son employeur de toujours : la Marine Française. Souvent, il évoquait sa fierté personnelle de réussir chaque transfert et il ne manquait pas de nous congratuler en ayant la reconnaissance du travail bien fait.
Je me souviens qu'il revenait toujours avec des étoiles plein les yeux pour nous conforter dans notre mission. Édouard rencontrait sur place les associations qui prenaient en charge ces machines à coudre avec une immense joie. Pour les responsables locaux, notre travail en commun permettait ainsi à des femmes motivées de recevoir un cadeau d'une valeur inestimable. Nous étions tous aussi heureux que notre invité du jour, de pouvoir apporter participation à ces histoires écrites en commun entre le Sénégal et la France.
Je revoie encore Edouard entrant comme pour la première fois dans mon bureau, tout excité de m'apprendre cette nouvelle de dernière minute. Il avait pris les formes pour me l'annoncer comme s’il me remettait une décoration militaire :
- Alain, le président du Sénégal Abdoulaye Wade nous invite en "guest star" à une fête nationale prévue le 20 Août dans son pays.
Il était si fier et reconnaissant de cet honneur qui nous était fait. Malheureusement à cette date précise, j'étais en plein déménagement vers le Sud-Est de la France pour occuper mes nouvelles fonctions de Directeur d'Agence. Je pris donc le temps et les formes afin de décliner cette invitation hors normes.
Croyez-moi, c’est la mort dans l'âme, que j’ai dû refuser cette sollicitation présidentielle.
Lorsqu'il effectua le déplacement sans ma présence, Édouard m'avoua qu'à la descente de l'avion, il fut accueilli par le président en personne. Le chef de l'État lui avait demandé s’il pouvait lui présenter le « Monsieur des Transports ». A son grand regret, il avait répondu qu'un empêchement de dernière minute ne m'avait pas permis de l'accompagner à cette grande fête.
Le président Wade avait insisté alors auprès d'Edouard pour qu’il nous présente toute sa sympathie et celle de son pays. Ces deux jours, selon le Commandant, avaient été pour lui inoubliables car le faste de la fête avait dépassé toutes ses plus folles prévisions.
- C'était grandiose, Alain, j'ai pensé plus d’une fois à votre engagement à mes côtés pour la réussite de ce projet. Nous aurions pu être remerciés ensemble par le peuple sénégalais et les ors de la République de cet État d'Afrique de l'ouest.
Je regrette sincèrement aujourd'hui de n’avoir pas su me rendre disponible pour honorer mes amis sénégalaises et sénégalais. La vie est ainsi faite de priorités mais cette fois j’avais privilégié ma famille à mon plaisir personnel et égoïste.
Quel autre avenir m'était offert, je ne le saurai jamais et tel est mon destin.
Et vous chers lecteurs, avez-vous déjà refusé une invitation importante qu’il vous arrive encore de regretter des années après ?
Directeur Produit Affretement chez DHL Freight
3 ansBravo Alain, et merci pour ces lectures très attendues et toujours aussi sympathiques à lire … A bientôt Alain !
Consultant & Coach professionnel
3 ansJ'ai vivement aimé cet article pour deux raisons. La marque singer m'a baigné dans mon enfance dans les deux maisons de mes grand-parents. J'invite en tant que coach professionnel à partager la gratitude. merci Alain ZIMMERMANN pour ce récit très inspirant et plein de générosité. 💎
Communication et création.
3 ansAlain cette anecdote est pleine d'humanité et joliment écrite, elle inspire ! quant au rendez-vous manquer, je pense qu'il ne l'est pas, tu étais présent auprès des tiens, là où étaient tes priorités.
Président chez BIPP-BIPP SA | Planification de projets
3 ansVraiment ,je te voue une sympathie tres grande ,cher Alain ,tes histoires me font frémir de joie. 🙏💪🤝🌈
Agent commercial en immobilier
3 ansToujours un plaisir de vous lire!