Un "happy hospital" (hôpital heureux) : utopie ou urgence ?

La souffrance de celles et ceux qui nous soignent est devenue inacceptable.

Ils nous ont donné naissance, sauvés, réparés, offert de nombreuses années de vie en plus.

Pour cela, ils ont souvent renoncé à leur confort, à leurs vacances, et aussi à leur propre santé.

Cette abnégation, ce sacrifice de soi est un choix, nourri par un idéal et une vocation, un sens donné à son rôle dans la société, celle de faire vivre, de réparer et de sauver. 

La solidité de cet engagement, aussi difficile soit-il, reposait sur la reconnaissance et le respect du patient, une autorité et un rôle incontestés dans la société.

Forte de ce pacte tacite, des générations de soignants se sont succédé.

Et en l’espace de quelques semaines, on apprend par l’OMS que les médecins, internes, infirmières, cadres de santé quittent les établissements de santé dans le monde entier, et ne sont pas remplacés, faute de candidats ou de candidates, entraînant la fermeture de lits et de services. Ainsi, en France c’est le rapport du Conseil scientifique Delfraissy, relayés par la presse, qui le révèle.

Ce mal-être des soignants avait commencé à s’exprimer dès 2018, pointant la pénurie croissante de personnel, les rythmes de travail inhumains, la précarité, la saturation et la désorganisation des services, l’incivilité à tous les étages, la violence psychique et physique envers les soignants, des burn-out, des suicides... et leurs conséquences sur un patient maltraité par un personnel maltraité qui se dit maltraitant contre son gré.

Est arrivé l’âge de glace de la crise sanitaire, ou face à l’urgence permanente et la sidération de la pandémie, les soignants sont redevenus les super-héros du passé, oubliant les affres de leur quotidien.

Sans être le fait générateur, il apparaît que la crise sanitaire ait eu pour effet d’amplifier tous les facteurs qui ont précipité l’exode soignant et la perte d’attractivité des établissements, créant un « effet de ciseaux »

Le monde de l’assurance auquel j’appartiens en ma qualité de courtier de la responsabilité civile des établissements de soins, a pris conscience de la gravité de la situation.

La question n’est pas de rechercher une quelconque responsabilité au milieu d’un vaste champ de mines accumulées depuis plusieurs années, mais d’agir et de s’engager vite, en prévention des risques pour notre communauté de la santé, pour les soignants qui « restent à bord du navire », et pour les patients.

Le cercle vicieux dans lequel nous nous situons, montre à quel point la qualité des soins demeure inscrite dans les gènes des acteurs de la santé en France, et cette souffrance physique et psychique résulte en partie aujourd’hui, de cette prise de conscience collective de ne plus pouvoir y parvenir.

Le malaise soignant est bien entendu multifactoriel, mais le sentiment de ne plus pouvoir répondre à l’idéal qui a été le sien, et qui a conditionné son sacrifice, est peut-être le plus difficile. 

Un sentiment de déphasage du temps soignant idéal et du temps qui s’impose a été renforcé par une accélération des cadences, et in fine, un patient devenu impatient, et manifestant davantage son insatisfaction qu’il partage sur les réseaux sociaux.

Le mal-être soignant engendre un mal-être patient, et celui aussi d’un établissement qui n’a plus les moyens d’en prévenir les risques et les conséquences.

Pourtant, il existe des histoires d’« hôpitaux heureux » en France et dans le monde, qui finissent bien : celles et ceux qui ont compris que le cercle vertueux de « la symétrie du mieux-être » entre le soignant et le patient sont la condition pour la qualité des soins.

Ces établissements apportent depuis de nombreuses années une attention particulière aux médecins, aux internes, aux infirmières, aux aides-soignants, aux cadres, aux ambulanciers, comme au personnel du nettoyage, au respect de leur temps, de leurs rythmes de travail, à leur alimentation, à leur santé mentale et physique, à préserver et à respecter le statut de chacun, tout en réunissant les conditions pour favoriser un travail d’équipe harmonieux et bienveillant, comme à transmettre aux plus jeunes, à leur donner envie de faire ce métier. 

La parole des patients et leurs dossiers d’assurance traduisent ce cercle vertueux.

Ces « hôpitaux heureux » existent et devraient être plus nombreux, partager leurs bonnes pratiques, inspirer et donner envie aux nouvelles générations de soignants de revenir et de les rejoindre. 

Alors, aidons-les à se faire connaître et à être plus nombreux.



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