Un meilleur management pour plus de croissance

Un meilleur management pour plus de croissance

J’attends chaque année les vacances d’été avec impatience car je sais que je vais enfin pouvoir travailler sérieusement. A l’inverse, je vois arriver septembre avec appréhension : entre les transports, les réunions inutiles et les inévitables déjeuners professionnels, ma concentration va beaucoup y perdre. Je ne me plains pas. N’étant pas salarié, je n’ai pas à subir les multiples contraintes imposées par les entreprises qui, pour une raison mystérieuse, s’emploient à empêcher leurs salariés de travailler. Tel est le management contemporain, celui que Julia de Funès et moi dénonçons depuis un an. Dominées par la peur, l’infantilisation et l’égalitarisme, les entreprises se perdent en réunions sans fin, en séminaires inutiles, en formations bidon, voire en jeux (notamment les ineffables escape games), la dernière niaiserie managériale à la mode, qui fait le bonheur de certains coachs et consultants mais le malheur de salariés qui aimeraient avoir une vie professionnelle épanouie.

Car, contrairement à la légende, ni les Français ni les jeunes ne sont paresseux. D’après une enquête publiée par Accenture Strategy en 2017, quasiment 50% des individus de la « génération Z » (nés après 1993) sont prêts à travailler le soir ou le week-end. Ils attendent en retour une large flexibilité dans l’organisation de leur travail pour pouvoir mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie privée. Nous touchons à une revendication sociétale essentielle : les salariés veulent davantage d’autonomie, par exemple sous forme de télétravail. Les entreprises auraient aussi beaucoup à y gagner. En effet, la généralisation du numérique, de la robotique et de l’intelligence artificielle dans les entreprises modifie les métiers. Cette troisième révolution industrielle automatise les tâches routinières et libère du temps pour que les salariés puissent réellement apporter de la valeur aux clients : par la résolution de problèmes complexes et inattendus et en développant des interactions sociales de qualité. Autrement dit, les salariés doivent disposer d’autonomie pour ne pas être concurrencés (et voir à terme leur métier disparaître) par la technologie.

Cette inadaptation du management a des conséquences macroéconomiques. Le prix Nobel d’économie Robert Solow affirmait dès 1987 qu’il voyait des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de la productivité. On pourrait faire la même remarque aujourd’hui à propos des smartphones et des algorithmes. De fait, à part un réveil récent aux États-Unis, les chiffres de la productivité du travail restent un peu partout décevants. Certains économistes pensent que c’est la faute de la technologie. C’est sans doute surtout la faute des entreprises dont l’organisation et le management sont souvent un frein à la productivité. Il suffit de voir la complexité du parcours client pour louer une voiture, toucher une assurance à la suite d’un sinistre, ou même parfois régler dans un restaurant, pour comprendre que ce sont plus les process, le manque de formation et le management qui sont un obstacle à la productivité, plus que les limites de la technologie !

Il ne sert à rien de recruter des personnes en chair et en os, soumises aux charges sociales et au droit du travail, dont le rôle en cas d’imprévu est de dire derrière un comptoir : « Désolé mais c’est le process ». Un avatar bon marché saurait très bien faire ça. Les gisements de productivité et donc de croissance se trouvent en grande partie dans la reconfiguration du management, un management qui donne du sens, laisse de l’autonomie, exige de la responsabilité. Les salariés ont besoin de plus d’autorité et de moins d’autoritarisme. Ils seront plus productifs et verrons avec joie approcher la perspective de septembre. Entreprise, laissez vos salariés travailler !


Article publié dans L’Express du 21 août 2019

Jean-Jo Caille

Gestionnaire Flotte Véhicules (Achats-Entretiens-Réparations) Facility Manager (Bâtiments-Equipements-Contrats de maintenance) - Morand Constructions Métalliques

4 ans

Je vous fait confiance pour ce projet, mais je veux être informé de chaque décision.  A oui, vous avez dit confiance ???

Jean-Jo Caille

Gestionnaire Flotte Véhicules (Achats-Entretiens-Réparations) Facility Manager (Bâtiments-Equipements-Contrats de maintenance) - Morand Constructions Métalliques

4 ans

Souvent les pépites ne sont pas introuvables, mais juste là, devant nous, il suffit de bien observer notre entourage professionnel. Elles n’ont pas un prix, mais une valeur qui représente le capital d’une entreprise.

Laisser les premiers de la classe imposer leur point de vue et leurs process ,c'est priver l'entreprise de 4 atouts qui peuvent faire la différence : l'implication, l'imagination , la créativité et le génie.

Grégoire MORIN

Dirigeant de Goal Management Coaching. Consultant, Coach en entreprise certifié & formateur

5 ans

L'autonomie, le credo du management situationnel. Pour mémoire, en management situationnel: autonomie =engagement + compétences compétences = savoir faire + connaissances + savoir être engagement = motivation + confiance en soi. En suivant cette définition et la description du management français de cet excellent article, l'autonomie est le dernier champs d'investissement des entreprises au profit de procédures, systèmes et machines - d'ailleurs au passage, il y a une tendance au sous investissement chronique en général mais c'est un autre débat d'économiste - aboutissant à un mode de management directif qui ne s'impose en théorie qu'en situation d'urgence. Et on comprend bien pourquoi. C'est parce que ce sont les investissements dont le retour financier est celui de plus long terme. Malheureusement, ce sont ceux les plus durables également. Comment chiffrer l'avantage compétitif d'une entreprise dont les collaborateurs sont autonomes ? Celles dont les personnes sont les plus réactives car plus impliquées et formées ? Celles qui ont les chiffres d'absentéisme, de turnover, d'accidents ou même de fraudes les plus bas ? C'est difficile mais on imagine aisément qu'en sus du bien être apporté à tous, c'est très très rentable. Le côté positif, c'est que ça se diagnostique, c'est à la portée de tout un chacun et, n'en déplaise à une certaine Julia de Funès ;-) ça se coache, pardon ça s'accompagne. Merci pour cet article concret et éclairant.

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de Nicolas Bouzou

  • Ecology is hijacked by anticapitalists

    Ecology is hijacked by anticapitalists

    Climate change consequences become more concrete every day. As challenges are more visible, we understand how vast they…

    29 commentaires
  • Against the GAFA, what is the business survival recipe?

    Against the GAFA, what is the business survival recipe?

    Old-fashioned companies are not giving up in front of Big Tech supremacy In 1911, young Joseph Schumpeter published his…

    5 commentaires
  • Escaping oil addiction

    Escaping oil addiction

    Rising tensions between the United States and Iran, and the Australian fire vividly illustrate our interest in…

    1 commentaire
  • Bowie’s economy lessons

    Bowie’s economy lessons

    David Bowie died 4 years ago. His notoriety and influence far exceeded his commercial success.

    3 commentaires
  • To save the planet, have children!

    To save the planet, have children!

    January 1st is the peak of sexual intercourse and therefore the third week of September is the peak of births. But no…

    15 commentaires
  • How much does a banana cost?

    How much does a banana cost?

    A few hours after the sale of a banana taped to a wall at the Art Basel fair in Miami for $120,000, well-known…

    1 commentaire
  • Comment augmenter l’offre de gamètes ?

    Comment augmenter l’offre de gamètes ?

    Le débat sur la loi bioéthique nous rappelle que l’économie et la philosophie doivent marcher main dans la main. La…

    4 commentaires
  • Économie mondiale : pas de panique

    Économie mondiale : pas de panique

    De nombreux économistes nous préviennent : nous serions à l’aube d’un tsunami financier, économique et social à côté…

    5 commentaires
  • What purpose should negative interest rates serve?

    What purpose should negative interest rates serve?

    The policy of zero or even negative rates takes us into a Baroque world where central banks charge banks that place…

  • Populismes, un bilan économique peu glorieux

    Populismes, un bilan économique peu glorieux

    En économie, le populisme se définit par son nationalisme : nos problèmes viennent des autres, jamais de nous-mêmes…

    44 commentaires

Autres pages consultées

Explorer les sujets