UN RÉSEAU D’HUMAINS Par François Morency, B. Ph., MBA
Tout au long de ma vie, j’ai animé des groupes : niveaux spirituel, humain, entrepreneurial, financier… Mon intention visait à partager ma vision du sujet afin d’inspirer les participants à agir dans ce que je croyais être leur intérêt. En fait, sans aucune mauvaise intention, je tentais de les endoctriner dans une vision, ma vision du sujet, du thème ou du mécanisme exposé. La doctrine est ce que vous imposez sans considérer le lien qui pourrait intéresser le participant. Comme une religion, vous percevez son bien et vous le lui imposez, peu importe le sujet, son intérêt ou ses valeurs. Un tel leader se croit alors investi d’une mission d’évangéliser des personnes incultes, résistants au message de leur bien-être. Ce leader se convainc qu’il connaît mieux le bien-être que les participants eux-mêmes, réunis pour l’entendre. Cette conviction l’autorise à transgresser le libre arbitre de ses participants. Parler devient plus important que d’écouter.
Très certainement, ce leader est un expert ayant développé des savoirs importants dans son domaine. Sa capacité de rassembler des groupes d’humains confirme la reconnaissance de cette expertise. Comment une simple transmission de savoir peut-elle devenir un acte d’endoctrinement ? Le savoir n’est pas qu’une simple réponse à une question donnée. L’intelligence artificielle le fait très bien selon la qualité et l’étendue de ses banques de données. Un leader — animant un atelier de formation — veut plus qu’un simple partage de connaissance, il vise à modifier le comportement de ses participants afin qu’ils deviennent une meilleure version d’eux-mêmes selon le sujet abordé et l’intention de l’animateur. Par exemple : si le sujet abordé est la comptabilité, le but de l’animateur ne se limitera sûrement pas à l’exposé de l’équation comptable :
« Actifs = Dettes + Capitaux. Cette équation fondamentale doit toujours être vérifiée. Absolument toujours. »
– Phil Knight
Bien que cette équation inspire tous les comptables de ce monde, elle n’inspire aucun entrepreneur — ou commerçant — pouvant participer à un tel atelier de comptabilité. Le leader choisira plutôt un sujet plus rassembleur comme la rentabilité ou le contrôle des coûts ou l’augmentation des ventes. Il utilisera les résultats de la comptabilité (état des revenus et dépenses ou bilan) pour développer sa thématique. Il imposera des croyances comme un profit d’exploitation de 20 % ou une croissance des revenus annuels également de 20 % ou une réduction des dépenses pour obtenir ces résultats. Ce savoir organisé est une excellente doctrine pour soutenir une entreprise capitaliste de calibre internationale. Nous le savons tellement. Nous avons contribué à ce qu’une entreprise de 10 millions de dollars ayant 5 % de profits devienne partie prenante d’une multinationale de 1,2 milliard de dollars avec 20 % de profit. Une réussite éclatante, financièrement. Était-ce vraiment ce que cet entrepreneur voulait réaliser ? Était-ce sa vision de prendre soin de ses employés et de sa famille ? Les résultats doivent converger vers les valeurs de la personne et s’adapter à ces mêmes valeurs. Plus qu’un état financier, l’entreprise fonctionne avec la vision de son fondateur, lequel vise à rendre un service à sa communauté, à ses employés et à ses fournisseurs. Il est le point de chute par qui l’entreprise prend vie et rayonne dans sa communauté. L’argent reflète cette contribution comme conséquence. L’argent n’est surtout pas cette contribution.
Prenons un autre exemple. Un propriétaire d’un commerce de détail avait accumulé une dette importante auprès d’un fournisseur dont il considérait le représentant comme un ami. Par une série de transactions, le fournisseur ne pouvait plus prétendre à un lien sur ses marchandises. Le propriétaire du commerce le savait très bien. Devant la réclamation de son ami-représentant, le propriétaire décide de proposer un remboursement de la dette répartie sur douze (12) mois. C’était sa meilleure offre, sans compromettre la viabilité de son commerce. Au nom du fournisseur — son employeur —, l’ami-représentant refuse l’offre proposée, laissant les 12 chèques signés sur la table. Les poursuites juridiques s’entamèrent. Pour finir, le fournisseur n’a reçu aucune compensation. Le propriétaire du commerce était en paix avec le résultat du jugement parce qu’il avait respecté ses valeurs d’amitié en faisant — de bonne foi — une offre de règlement pour l’ensemble de la dette. Son ami — par fierté, pensant obtenir mieux — a refusé ce règlement.
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Il faut comprendre que l’essence des affaires est le négoce c.-à-d. la négociation entre humains. Chaque humain a ses propres convictions sur lesquelles oriente sa manière de mener ses affaires. En ignorant ces convictions et cette vision de contribuer au négoce de la communauté, toute tentative d’imposer une approche d’affaires devient de l’endoctrinement, au détriment de la personne en affaire poursuivant ses valeurs.
En prenant soin d’inclure la vision et les valeurs de l’entrepreneur — ou du commerçant — à la formation proposée, le leader de la formation favorise l’adaptation de la transmission du savoir au contexte spécifique de son client. Au lieu d’endoctriner son participant, il l’entraîne à utiliser ses savoirs dans son contexte, dans le respect de son intégrité et de ses valeurs. Le participant intègre ces savoirs comme une force qu’il utilise pour se développer. Le participant sert sa propre cause avec de nouvelles armes au lieu de s’asservir à la doctrine de son formateur.
« Être soi-même permet de se respecter et quand on se respecte, on respecte généralement les autres. »
Source : Guy-Marc Fournier