UNE ECOLE MATERNELLE AMBITIEUSE, CONDITION D’UNE SCOLARITE REUSSIE DE TOUS LES ENFANTS
Une recherche récente, menée par Bruno GERMAIN et Guy DESNIERE sur 1000 enfants entrant au cours préparatoire ( CAHIER DU CI-FODEM 2015), a montré que , avant d’apprendre à lire, plus de 20% des élèves de CP possédait un stock de mots huit fois moins riche que les autres. Ces élèves au vocabulaire réduit voyaient leurs chances d’apprendre à lire et à écrire réduites de moitié. Cette recherche a été menée dans des conditions identiques au Québec et à Bloomington(USA) avec des résultats identiques. Dans ces trois populations un nombre important d’élèves ne maîtrisaient guère plus de 350 mots quand on en aurait attendu plus de 2000.
Seule une école maternelle digne de ce nom peut assurer, en toute priorité, à tous les élèves une maîtrise explicite du langage oral, clé d’un apprentissage réussi de l’écriture et de la lecture. Si elle renonçait à cette mission, elle viderait de leur sens les mots de justice et d’égalité scolaires. Car, quelle que soit la méthode de lecture qui lui sera ensuite proposée, un enfant qui ne possède pas suffisamment de mots et qui ne sait pas les organiser aura beaucoup de mal à apprendre à lire et plus encore à écrire. Il traînera son retard tout au long du primaire et le collège l’achèvera.
Six axes majeurs doivent fonder la pédagogie d’une école maternelle décidée à ce que ses élèves soient tous capables de faire passer leur pensée dans l’intelligence d’un autre au plus juste de leurs intentions et de recueillir la pensée d’un autre avec autant de bienveillance que de vigilance.
Le premier est celui de la compréhension explicite d’un texte lu par la maîtresse. Des ateliers de compréhension de textes organisés régulièrement permettront, avant même qu’ils apprennent à lire, de trouver l’équilibre entre la singularité des interprétations individuelles et le respect des directives du texte. Les élèves prendront ainsi conscience des droits et des devoirs que la compréhension impose. En d’autres termes ils apprendront à distinguer l’interprétation acceptable de la trahison. La compréhension des textes ne vient pas « naturellement » aux élèves, elle se vit et se découvre explicitement dès l’école maternelle.
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La deuxième nécessité est d’enrichir le vocabulaire des élèves. Pour accompagner les élèves dans leur quête heureuse de mots nouveaux, il faut les aider à les ranger d’après leur forme et d’après leur sens sur les étagères de leurs dictionnaires mentaux. Il faut en effet éviter que, dans leur mémoire, viennent s’entasser en désordre des mots dont ils ne sauront ni identifier la famille, ni définir la lignée, et encore moins percevoir les affinités sémantiques. Ils ne sauront en effet sélectionner les mots justes que dans la mesure où ils pourront s’appuyer sur des indicateurs qui les y conduiront. Cela signifie que l’on doit aider les élèves à savoir tisser des liens entre les mots de leur vocabulaire : liens syntaxiques, liens morphologiques, liens sémantiques. Les ateliers de vocabulaire organisés tout aussi régulièrement que ceux de compréhension de textes proposeront donc une juste catégorisation des mots les plus fréquents aux plus rares ; des plus simples aux plus complexes.
Le troisième engagement pédagogique de l’école maternelle est de faire découvrir aux élèves comment les mots s’organisent dans les phrases. Les ateliers de manipulation syntaxique activeront la capacité de comprendre le rôle de chaque mot dans la phrase et d’en maîtriser ainsi la mise en scène. Toutes ces manipulations (commutation, permutation et extension) viseront à faire constater que lorsque l’organisation de la phrase change, le monde qu’elle évoque change et… vice et versa. Les deux questions « Qu’y a-t-il de changer dans la phrase ? », « Qu’y a-t-il de changer dans l’image qui lui correspond ? » sont les clés de découverte de la pertinence syntaxique.
Le quatrième objectif visera à faire vivre les droits et devoirs de la communication orale : droit de proposer sa pensée à l’intelligence d’un autre et devoir de lui fournir les moyens de s’en saisir au plus juste. Dans un atelier de Communication Orale (ACO), on propose donc un défi : par la seule force de la parole, un élève doit expliquer à des camarades comment réaliser une tâche. En examinant chacune des réalisations, on vérifie la précision des directives fournies et aussi leur juste compréhension par le groupe. Les élèves comprendront ainsi que tout acte de communication doit être « vérifié » afin que sa réussite comme ses insuffisances soient mises au jour et que les responsabilités respectives du locuteur et de l’auditeur soient identifiées et reconnues.
Le cinquième objectif que l’école maternelle devra développer, chez tous les élèves est qu’ils acquièrent une juste conscience phonologique. Elle montrera que le choix des sons et leurs combinaisons respectives distinguent les mots entre eux et écartent tout risque de confusion. Chaque modification phonique apportée à un mot entraîne un changement de l’image à laquelle il réfère. Là aussi, une juste progression sera indispensable : identifier la même syllabe dans des mots différents et apprendre à la situer dans un mot : en attaque d’abord puis en rime. Identifier les phonèmes en démontrant comment un seul son a le pouvoir de distinguer deux mots par ailleurs semblables :POULE/ BOULE ; RATEAU/ RADEAU . Distinguer enfin les modes de combinaisons (notamment des consonnes) : TRA n’est pas TAR et ARB n’est pas BAR ni BRA.
Enfin l’école maternelle doit constituer le lieu privilégié où un élève va apprendre à regarder le monde avec précision et à le commenter avec rigueur. Des expériences simples présentant des phénomènes de la vie quotidienne permettront de poser des questions justes et de formuler des tentatives d’explication qui seront rigoureusement soumises à l’expérimentation. Le programme de « La Main à la Pâte » devrait ainsi être introduit dans les écoles maternelles afin de former très tôt les enfants à l’esprit scientifique.
Une école maternelle de qualité constitue donc la seule réponse à un problème auquel un nombre très important d’élèves se trouvent confrontés aujourd’hui. Le langage dont disposent ces élèves à la veille d'entrer au cours préparatoire est parfois incompatible avec une entrée sans rupture dans le monde de l'écrit. La priorité de la maternelle est donc de donner à tous les enfants qui lui sont confiés une conscience et une habileté langagière qui leur permettra d’exercer librement leur droit de parole et d’entrer au CP avec des chances raisonnables d’apprendre à lire et à raisonner. Afin de donner à ces enfants les meilleures chances de réussite, l’école maternelle doit placer l’exigence et la rigueur au même niveau que le plaisir et l’épanouissement. Tous ont droit à une école de plein exercice, avec des objectifs, des programmes précis, des outils d’évaluation, un encadrement dédié et surtout la formation spécifiques et approfondie de ses professeurs. En bref, l’école maternelle ne doit pas être une école entièrement à part mais une école à part entière.
Professeur des écoles spécialisée elbcadvocates.org : Patient Advocate, France #elbcc
1 ansJ'ajouterais l'exigence de cultiver l'imaginaire face à ce qui est écrit, pour anticiper la disparition de l'illustration dans les plus grandes classes...ou pour le plaisir de montrer sa compréhension par le dessin ( je dessine ce que j'ai compris...et retenu) Se faire un scénario dans sa tête...et avoir envie de le poursuivre en persévérant. Et ainsi combler les manques en travaillant l'implicite : faire dire ce qui est probable, possible, impossible. Plus tard ce sera de l'orthographe grammaticale qui donnera les outils pour comprendre et interpréter les textes. Plus tard encore la grammaire de texte permettra de " tenir le fil" du déroulé des évènements...et plus tard encore de comprendre en lisant " La ferme des animaux" l'intention de l'auteur. L'importance aussi de l'effort et du dépassement par l'activité physique. L'enfant prend conscience que ça a été difficile, mais qu'il a persévéré et réussi. Chaque enfant, quel que soit sa singularité, peut visualiser ses progrès et augmenter son estime de soi face à l'exigence scolaire. Heureuse d'être dans les adaptations, la bienveillance et voir les élèves progresser à leur rythme sur des objectifs atteignables. (PAOA/PPA) pour le jargon de l'enseignement spécialisé.
Inspecteur de l'éducation chez Ministère de l'éducation nationale
1 ansL'école maternelle en dépit de l'âge préscolaire des enfants a fait une avancée fracassante
Psychologue de l’Éducation Nationale Numéro Identifiant RPPS : 10009599357/ ADELI 339307308, Hors Classe, Docteur en Neurosciences de l'Université de Bordeaux
1 ansPartagé! Avant la maternelle, Il y a une urgence dès la naissance de s’adresser aux jeunes enfants en les regardant, leur parlant et interagissant avec eux !
Poète français
1 ansL'essentiel est dit.