"Une femme douce" * de Sergei Loznitsa
Un jour, une femme reçoit le colis qu’elle a envoyé quelques temps plus tôt à son mari incarcéré. Inquiète et profondément désemparée, elle décide de se rendre à la prison, dans une région reculée de Russie, afin d’obtenir des informations. Ainsi commence l’histoire d’un voyage semé d’humiliations et de violence, l’histoire d’une bataille absurde contre une forteresse impénétrable.
« Une femme douce » est le troisième long-métrage de fiction du cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa, reconnu avant tout pour son travail de documentariste. Il nous revient ici avec une œuvre contradictoire à tous les niveaux, mais particulièrement dans le ressenti qu’elle suscite auprès du spectateur. Car disons-le d’emblée, « Une femme douce » est à la fois excessivement ennuyant et intelligemment conçu dans sa manière d’accorder le texte et l’image.
Imposant son style parsemé de plans-séquences, Sergei Loznitsa nous entraîne pendant deux très longues heures dans une fresque réaliste qui basculera peu à peu vers l’absurdité et l’horreur la plus totale. Cette femme douce, incarnée par Vasilina Makovtseva, est décrite par le cinéaste comme étant « une femme passive, qui se laisse balloter », mais a-t-elle réellement le choix ? Obstinée, elle va chercher à remettre ce paquet à son mari par tous les moyens, quitte à revenir plusieurs fois à la prison, mais sans succès. Les réponses qu’on lui fournit sont tellement vides de sens qu’il est inutile de poursuivre toute discussion.
On se retrouve donc face à une violence qui émane des situations dans lesquelles notre protagoniste se retrouve. Ce sentiment d’hostilité grandit d’autant plus qu’elle reste impassible, l’expression de son visage ne changeant pas d’un trait tout au long du film. Lorsqu’elle se rebelle, cela se fait en silence. Elle se tient par exemple debout devant la prison jusqu’à se faire déloger par les soldats. Son silence est en quelque sorte aussi insupportable que le bruit qui émane des personnages qui l’entourent. Ils sont bruyants, presque dégoutants.
Au fur et à mesure que le film avance (lentement mais sûrement), on assiste donc à une descente aux enfers qui trouvera son point culminant dans une scène de viol. Flash forward ou scène onirique, le doute persiste encore. Mais ce n’est pas ça le plus important, puisqu’en fait, cette dernière scène du banquet et celle du viol cristallisent en un dernier acte toute la violence et l’absurdité auxquels nous venons d’assister.
« Une femme douce » est donc loin d’être un film facile, dans le sens où son but premier n’est clairement pas de nous divertir, ni de nous permettre de nous attacher aux personnages. Ce qui compte ici c’est le message qu’il cherche à faire passer et les émotions qui vont avec. C’est un film qu’on a tendance à vouloir rejeter et en même temps, presque deux mois après l’avoir vu, il est difficile de l’oublier. Mais le cinéma, c’est aussi ça, réussir à provoquer une émotion et à s’ancrer dans votre mémoire malgré tous les sentiments négatifs qui se sont imposés à vous durant la projection.