Le temps du jugement
L’audience est très fébrile, les médias impatients,
L’évènement est unique, sans aucun précédent
Les hommes l’avaient traqué, étudié, mesuré
Depuis ce qui parait être une éternité
« Faites entrer l’accusé, fit une voix solennelle,
Il est temps de juger l’abject criminel »
De partout sur la terre, et même dans les airs,
Les êtres s’amoncèlent pour suivre cette affaire
La tête droite, sourire aux lèvres, le regard terne,
D’un pas rapide, et régulier, il se ramène.
« De quoi m’accuse-ton », dit-il effrontément
Alors que toute la foule, dévisage l’insolent
« Ne faites pas l’ignorant, nous vous savons coupable,
Les preuves ne font défaut, et sont indiscutables.
Vol de femmes et d’enfants, crime contre l’humanité
Les charges sont très lourdes, et excluent toute pitié »
C’est ainsi que débute, le procès inédit,
D’un criminel parfait, tout du moins jusqu’ici…
Un jugement unique, déroutant, passionnant
Où l’accusé lui-même, n’est autre que le Temps.
Sophie avait 5 ans, quand elle a disparu,
Ecrasée par Nathan, qui avait bien trop bu.
Les parents de la fille, privés de leur trésor
N’ont jamais accepté, les raisons de sa mort
« Ce n’était pas bien sage, pour un si jeune enfant,
De traverser la route, sans l’aide de ses parents »
Le Temps est sans scrupules, pas plus qu’il n’a de cœur
Et jamais il n’accepte, que l’on fasse des erreurs.
Julie était très belle, il y a bien des années
Un visage doux et pur, une peau satinée
Le Temps lui donna rides, cheveux gris et tombants
Repoussant de la sorte, ses séduisants amants
« Illusion que de croire, Madame la plaignante
Que la beauté subtile, parfois même envoûtante
Dont je vous ai pourvue il y a des décennies,
Serait une merveille à durée infinie »
La salle s’exaspère devant l’impertinence
Mais admet que le Temps a aussi du bon sens.
Prend alors la parole, un homme anéanti,
Fortement ébranlé par l’envol d’une vie :
« Mais qu’en est-il alors, de ces gens bien portants
Qui sans raison valide, nous quittent brusquement ?
Quel est donc votre but ? Nous donner une leçon ?
N’éprouvez-vous donc pas une once de compassion ? »
« A chacun son moment, et vous mon cher ami,
Croyez-moi sur parole, le vôtre est défini.
Et n’est-il pas plus mal, de partir jeune et sain
En ayant vécu peu, mais assurément bien »
La séance s’interrompt, le temps d’une courte pause
Afin de s’abreuver, et que l’on se repose.
Mais un bruit détonnant attire toute l’attention :
Grand vide dans la salle, au banc d’accusation...
Le Temps a détalé, le temps d’un clignement
Laissant l’humanité comme elle était avant
Impuissante et frustrée de ne pas arrêter
Celui sans qui pourtant, on ne peut exister.
Jaâfar Tabi
VP Commercial Operations - Polycarbonate - Mobility Americas
7 ansPrends ton temps
Engineering Methods Development chez Faurecia Interior Systems
7 ansJolie saynète très habilement contée, cher ami. Si chacun pouvait s'arrêter un moment pour ce genre de réflexion profonde, la sagesse l'emporterait sans nul doute sur l'agitation...
Sans vouloir t'encenser, ton œuvre m'a sublimé... Bravo. Eric
Vice President - Asia-Pacific Japan, Middle East and Africa
7 ansOn est pris dedans de bout en bout... excellent Jaâfar!
Experienced Multicutural Automotive Executive in R&D, Project Management, Joint Ventures, Purchasing, Quality, Advanced Marketing
7 ansTrès joliment écrit !