Une giga-Factory Tesla française est-elle en approche ?
Le sujet de la prochaine Giga-factory de Tesla déchainant les passions, avec chaque jour son lot de rebondissements, commençons par un rappel des récentes péripéties :
Et encore n’abordera-t-on dans cet article que l’Europe car l’Amérique du Nord (Canada) et l’Asie bruissent aussi de rumeurs sur une future Giga-Factory Tesla en Inde, en Indonésie, en Corée du Sud, au Japon ou autre.
En réalité, tous ces articles de presse et déclarations fracassantes sont certainement plutôt des opérations de communication et d’influence (autant de la part des gouvernements que du constructeur) et doivent donc être pris avec beaucoup de prudence.
La seule certitude à avoir c’est que chaque investissement de Tesla est mûrement réfléchi et qu’il n’y aura de Giga-Factory en France que si cela est cohérent avec l’empreinte industrielle actuelle du constructeur et sa stratégie et ses ambitions.
L’empreinte industrielle de Tesla à la mi-2023
En prenant en compte les projets déjà annoncés, l’empreinte industrielle de Tesla se décompose en :
o L’usine historique de Fremont (San Francisco) avec une capacité annuelle d’environ 600k véhicules, sans doute un peu plus à terme
o Giga-Shanghai avec une capacité annuelle actuellement d’environ 750k, sans doute 1 million à court terme et peut-être 1,5 millions à terme si une extension est confirmée
o Giga-Berlin avec une capacité actuelle d’environ 250k, 500k d’ici la fin de l’année, sans doute 1 million à l’issue de la phase 2 dont les travaux de terrassement viennent de commencer
o Giga-Texas avec une capacité actuelle d’environ 250k, 500k d’ici la fin de l’année, sans doute entre 1 et 2 millions à moyen-long terme au vu de la taille de l’usine (le CyberTruck y sera notamment fabriqué)
o Giga-Mexico : ouverture annoncée pour fin 2024 avec une production annuelle à terme entre 1 et 2 millions de véhicules, très certainement le futur modèle à 25 k$ de Tesla, la très attendue mais encore non dévoilée Model 2
o Giga-Nevada : opéré conjointement avec Panasonic, le Semi-Truck de Tesla y sera aussi produit à grande échelle à partir de 2024
o Mega-Lathrop : capacité de production annuelle de 40 GWh soit 10 000 megapacks
o Mega-Shanghai : ouverture annoncée pour 2024 pour une capacité de production similaire à celle de Mega-Lathrop
Les ambitions et la stratégie de Tesla rendent nécessaires de nouvelles usines en Europe
Tesla a un objectif extrêmement ambitieux de produire 20 millions de véhicules d’ici environ 2030. Aucun constructeur n’ayant jamais produit plus de 11-12 millions de véhicules en une année, cet objectif peut paraître farfelu.
Mais admettons un instant qu’il soit crédible.
Il est alors clair que Tesla va devoir construire plusieurs nouvelles usines d’assemblage de véhicules. Les Giga-factory existantes ou annoncées permettront au mieux, en prenant en compte leur montée en cadence et de potentielles expansions, d’atteindre environ 6 ou 7 millions de véhicules par an d’ici 2030.
Ce qui serait déjà absolument considérable mais montre que pour atteindre la barre des 20 millions annuelle, il faudra à Tesla entre 6 et 10 nouvelles Giga-Factories avec chacune une capacité de production d’au moins 1 million de véhicules.
Par ailleurs, même si Tesla utilise actuellement son usine chinoise comme un hub exportateur, il cherche comme tous les constructeurs à régionaliser sa production pour simplifier sa logistique et réduire son empreinte carbone.
Il est donc évident que Tesla aura besoin d’au moins une nouvelle usine d’assemblage de véhicules en Europe, un marché où chaque année environ 12 millions de véhicules sont vendues.
Pour y produire quel véhicule ?
La Model Y ? C’est très peu probable puisqu’elle est déjà produite à Giga-Berlin et que le marché européen pourrait difficilement absorber plus de 500k Model Y, un modèle relativement onéreux.
La Model 3 ? A nouveau, peu probable, elle sera certainement produite à Giga-Berlin où il sera assez facile d’installer une nouvelle chaîne d’assemblage (Phase 2), la Model Y et la Model 3 partageant environ 75% de leurs pièces. C’est d’ailleurs le cas à Giga-Shanghai et Fremont qui produisent conjointement les 2 modèles.
Le Cyber Truck ? Peu probable également, le pick-up étant peu adapté au marché européen.
La Model 2 ? C’est très probable car la production de ce modèle n’est pour le moment prévu qu’à l’usine de Giga-Mexico et celle-ci ne suffira pas pour couvrir les besoins de l’Amérique et de l’Europe d’un véhicule attendu comme beaucoup plus abordable que les Model Y/3.
Recommandé par LinkedIn
Le Tesla Semi ? C’est très probable à nouveau car la demande en camions électriques s’annonce colossale pour un secteur qui a à peine entamé sa décarbonation.
Un futur véhicule non encore annoncé ? Possible mais l’incertitude sur la nature même du véhicule (on peut imaginer un Tesla Van ou une Model 1, une véritable petite citadine) rend toute spéculation vaine.
Ou peut-être fait-on fausse route en imaginant une usine d’assemblage de véhicules et Tesla pourrait privilégier une usine uniquement de batteries ? Cela me semble assez peu probable pour des batteries de véhicules, pour au moins 2 raisons :
Toute usine de batteries de véhicules fera donc plutôt partie de la future usine d’assemblage européenne. Cependant, il est effectivement très probable que Tesla construise en Europe une usine de Mega-Packs, ses batteries stationnaires qui permettent de créer de véritables centrales solaires (ou éoliennes) pilotables. La demande en Europe sera énorme et Tesla n’a encore aucune usine ou projet d’usine de ce type sur le continent européen.
Récapitulons : selon moi, Tesla va devoir réaliser des investissements importants en Europe pour y disposer :
Mais à quel horizon ?
Je ne pense pas que ça sera dans un avenir très proche car Tesla mène déjà un nombre considérable de projets en parallèle :
Et sa priorité immédiate en Europe reste la montée en puissance de son usine allemande, encore loin de son rythme de production cible.
Il faut donc raison garder face aux déclarations fracassantes sur le sujet et prendre patience. Les industries automobile, du poids lourd et de l’énergie ont des cycles d’investissement assez longs.
Quoiqu’il en soit, même si ça n’est pas immédiat, au moins une nouvelle usine européenne Tesla va se matérialiser, examinons donc les atouts de la France face à ses concurrents européens.
Les atouts et faiblesses françaises face à ses concurrents européens
La France a de solides atouts à faire valoir pour tenter d’attirer Tesla :
o Multipliant les subventions
o Facilitant la mise à disposition du foncier indispensable pour de grands projets industriels comme ceux de Tesla, en promouvant la réhabilitation de friches industrielles (projet de loi sur l’industrie verte)
Mais la principale faiblesse française c’est certainement son coût du travail élevé dans l’industrie, comparable à celui de l’Allemagne. Ce n’est pas forcément un si gros handicap pour des véhicules plutôt haut de gamme comme les Model Y et Model 3 mais c’est déjà l’Allemagne qui a été choisie pour y accueillir cette production.
Il est donc évident que l’Espagne, avec son coût du travail plus faible, semble une candidate idéale pour accueillir la future usine européenne de Model 2. Le pays a par ailleurs d’autres atouts majeurs : une industrie automobile très puissante (la production automobile espagnole est désormais supérieure à celle française) et un fort ensoleillement qui en font un pays idéal pour le photovoltaïque, un élément important pour Tesla qui a l’habitude de couvrir le toit de ses usines de gigantesques champs de panneaux solaire, comme à Giga-Texas (photo ci-dessous).
L’Italie est aussi une concurrente sérieuse car ce pays a également une forte filière automobile et un coût du travail plus faible qu’en France. Mais sa production d’électricité, malgré une forte contribution de l’hydroélectrique, est relativement carbonée ce que le pays peut compenser avec un fort potentiel dans le photovoltaïque.
Le Royaume-Uni est à nouveau un candidat sérieux. A nouveau, il dispose d’une forte tradition automobile, d’une production d’électricité en rapide décarbonation (relance du nucléaire, éolien offshore) et a déjà proposé des sites « clés en main » à Tesla répondant aux critères du constructeur américain (Somerset notamment).
Plusieurs pays d’Europe de l’Est (Pologne, Hongrie, Bulgarie) sont aussi régulièrement cités. Ils offriraient l’avantage d’un coût du travail faible, d’une industrie automobile puissante mais avec par contre une production d’électricité encore peu décarbonée.
La botte secrète française ?
Mais le meilleur atout de la France, c’est peut-être l’image qu’en a Elon Musk.
Celui-ci semble assez francophile.
Il a ainsi avoué être « fan de Macron ». A vrai dire il a aussi déclaré avant-hier être « fan de Modi » à propos du premier ministre indien et s’est affiché récemment tout sourire avec Giorgia Meloni à Rome. Il n’est donc pas certain que cette confession soit d’une grande utilité.
Plus sérieusement, il a confié être tombé sous le charme de notre pays et de notre capitale lors de son dernier passage, expliquant que la qualité de vie qu’un pays offre est essentiel pour attirer des talents.
Enfin, il avait clamé son admiration pour Napoléon dans un vieux tweet de 2010, peut-être se rêve-t-il une légende à la hauteur du grand homme français ?
En tout cas, à E. Macron et au gouvernement français de tout faire, des incitations économiques aux facilités administratives en passant par la carte du charme à la française, pour essayer d’attirer un investissement étranger qui serait décisif pour que notre pays reste un grand pays de l’automobile au XXIème siècle.
Strategy & Consulting || Product Management || EV Enthusiast
1 ansEt un nouveau rebondissement sur la question de la prochaine #gigafactory #Tesla en Europe ! Tesla aurait abandonné l'option espagnole, mécontent des fuites de la semaine dernière annonçant que Tesla était en discussions avancées avec la municipalité de Valence ! https://economiadigital.es/valencia/empresas/ximo-puig-perdida-inversion-4500-millones-tesla-valencia.html?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=en&_x_tr_hl=en-US&_x_tr_pto=wapp… En réalité, comme j'essayais de l'expliquer dans mon article, il faut accorder aussi peu de crédit à ce soit-disant abandon qu'à la soit-disant annonce que Giga-Valence était quasiment décidée ! Il est impossible de déterminer la crédibilité de ces articles sensationnalistes ou déclarations chocs, l'hypothèse qu'on ait affaire à des manoeuvres de communciation pour influer sur la décision finale étant très probable. Patience donc...