UNE PETITE REVOLUTION FISCALE AU GOUT DE CHOCOLAT
Une petite révolution fiscale. C'est de ça dont il s'agit. Petite seulement par la faible résonnance médiatique qui l'accompagne, alors qu'en réalité, c'est un réel changement de paradigme à l'échelle mondiale qui vient de se produire. Car hier, le 18 juin 2023, le peuple suisse a largement voté en faveur de la mise en œuvre du projet de l’OCDE et du G20 sur l’imposition des grands groupes d’entreprises. Le oui l'a emporté avec 78,45% des votes.
Cette réforme, connue sous le nom de « Pilier 2 » prévoit une imposition minimum de 15% des profits des sociétés, tandis que la Suisse compte encore plusieurs cantons appliquant une imposition nulle, ou très faible. En pratique, ceci conduira à qu’en Suisse, les bénéfices des grands groupes réalisant un chiffre d'affaires annuel consolidé d'au moins 750 M€ seront imposés à un taux minimum de 15 %. Si une multinationale est imposée en Suisse à un taux inférieur à 15%, il devra alors payer un impôt complémentaire équivalent à la différence entre le taux de 15% et le taux appliqué.
Si on peut se féliciter de cette avancée, qui rapidement trouvera écho dans d’autres juridictions et mettant ainsi un coup d’arrêt à la concurrence fiscale dommageable entre les pays, on regrettera l’aspect éminemment dogmatique de la mesure. En effet, la Suisse, comme beaucoup d’autres Etats à faible fiscalité (comprenez, plus faible que la nôtre), sont des pays connus pour leur bonne gestion, leur sécurité fiscale et économique, et leur stabilité politique et sociale. Même pour les plus sourds aux théories économiques, la bonne foi commande d’admettre que la Suisse, le Luxembourg, l’Irlande et j’en passe sont loin d’être de viles zones de non droit, où le capitalisme a fauché toute humanité et où l’Homme asservi trime pour enrichir toujours plus des multinationales diaboliques. L’image d’Epinal ne résiste pas à l’analyse sociologique, démographique, ou économique.
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Or, la raison pour laquelle ces pays avaient historiquement un taux d’impôt bas s’explique aisément : ils n’avaient pas besoin de plus. Par leur taille, leur démographie, et surtout leurs choix politiques, ces pays ont moins besoin de lever l’impôt, en comparaison de la France pour qui l’impôt est devenu un outil et un amortisseur social, et non plus économique.
Alors ne boudons pas notre plaisir : comme toutes les révolutions avant elle, cette réforme d’envergure entraînera des changements radicaux et précède le progrès. On peut néanmoins se demander si, comme les médailles en chocolat, cette révolution ne tient pas aussi du lot de consolation, tant elle masque d’autres réalités économiques, sociales et fiscales. Une révolution en chocolat. Pas étonnant finalement qu’elle débute en Suisse.