Une relation authentique est-elle possible ?
Jean-Michel Gerbais

Une relation authentique est-elle possible ?

"Dans mes relations à autrui, j’ai découvert qu’il ne servait à rien, à long terme, de me conduire comme si j’étais ce que je ne suis pas.

Il ne sert à rien de me conduire avec calme et amabilité quand en fait je suis en colère et enclin à la sévérité Il ne sert à rien de faire mine d’avoir des réponses alors qu’en réalité je n’en n’ai pas. Il ne sert à rien de me conduire comme si j’étais plein d’affection alors qu’en fait pour le moment, je suis plein d’animosité. Il ne me sert à rien de faire semblant d’être sûr de moi quand en réalité je suis effrayé ou hésitant. Ce précepte ce vérifie même au niveau le plus élémentaire : il ne me sert à rien de faire comme si j’étais en bonne santé quand je me sens malade.

En d’autres termes, ce que je veux dire par là, c’est que je trouve, inutile, inefficace, de m’abriter derrière une façade  dans mes relations avec les gens, d’agir d’une certaine manière lorsque intérieurement je ressens tout autre chose. Cela ne favorise pas, j’en suis persuadé, les efforts que je fais avec autrui pour bâtir des relations constructives. Qu’on me comprenne bien : ce n’est parce que je considère ce précepte comme vrai que je suis capable de l’appliquer convenablement. Il me semble au contraire que la plupart des erreurs que j’ai commises dans mes relations personnelles avec les autres, la plupart des échecs que j’ai subi quand je voulais leur venir en aide, sont imputable au fait que j’ai, par réaction défensive, adopté un comportement extérieur en contradiction avec mes sentiments intérieurs.

Le second constat pourrait s’exprimer comme suit : je trouve que je suis plus efficace quand je m’écoute, quand je m’accepte et quand je suis moi même. Au fil des ans, je pense avoir appris à m’écouter de mieux en mieux. Je sais mieux qu’avant ce que je ressens à un moment donné. Je suis capable de me rendre compte que je suis en colère, que cet individu m’inspire un sentiment de rejet, que j’éprouve au contraire une chaude affection pour cet autre, que ce qui est entrain de se passer me fatigue et m’ennuie, ou encore que je suis particulièrement désireux de comprendre celui-ci, ou que la relation avec celui-la m’inquiète et me fait peur. Toutes ces attitudes sont autant de sentiments que je crois être capable d’écouter en moi-même. En d’autres termes, j’accepte mieux qu’avant d’être ce que je suis , d’être une fois pour toute quelqu’un d’imparfait et de ne pas fonctionner tout le temps comme j’aimerais fonctionner, loin de là.

Certains d’entre vous doivent trouver cette démarche vraiment bizarre. Mais je lui attribue quelque valeur, en raison du curieux paradoxe que voici : c’est quand je m’accepte comme je suis, qu’alors je change. Ce sont mes clients autant que ma propre expérience qui m’ont appris ceci : nous ne pouvons changer, nous ne pouvons nous transformer qu’à condition de nous être d’abord totalement accepté tel que nous sommes. Alors le changement semble advenir, presque sans qu’on s’en aperçoive.

J’observe quand je suis moi-même un autre résultat : les relations deviennent vraies. Des relations vraies sont des relations passionnantes, car elles sont pleines de sens et vont à l’essentiel. Si je reconnais que ce client ou cet étudiant m’ennuie et me fatigue, je vais être beaucoup plus à même d’accepter, en retour, ses propres sentiments. Je vais aussi accepter que son vécu et son ressenti, tout comme mon vécu et mon ressenti évoluent, ce qui sera sans doute le cas. Lorsque les relations sont vraies, elles ont tendance à évoluer plutôt qu’a se figer.

Bref je trouve efficace de me permettre un comportement authentique ; de connaître les limites de ma résistance, ou de ma tolérance, et d’accepter ces limites comme des faits ; de repérer à l’occasion, mon envie de façonner ou de manipuler les gens, et d’accepter cette envie comme un fait. J’aimerais accepter ces sentiments comme j’accepte d’être chaleureux, attentif, permissif, gentil ou compréhensif, de manière tout aussi authentique. Quand j’accepte vraiment ces attitudes comme un fait, comme partie intégrante de moi-même, ma relation avec l’autre devient vraie ; elle se développe et se modifie plus facilement."

 

C.Rogers in « L’approche centrée sur la personne » Anthologie de textes présentés par Howard Kirschenbaum et Valérie Land Henderson. Ed : Randin Lausanne. Pages 43,44 (propos personnels de C. Rogers)

Benedicte Mostermans

Responsable secteur public Randstad Normandie-Centre

8 ans

Merci pour le partage !!! c 'est tellement vrai, après 3 deuils persos, ces propos me parlent totalement!!!!

Très belle authenticité et vérité. Je vous comprends parfaitement, ayant été confronté récemment (3 mois et samedi dernier) à 2 décès dans ma famille très très proche. J'ai dû accepter cette réalité, je n'arrivais plus à faire, ignorer mes sentiments, ma colère, ma douleur. Donc j'ai fait ce que l'on ne fait pas, partager, dire pourquoi je serai moins à l'écoute. Cela a tissé des liens supplémentaires. Merci d'avoir mis le doigt sur des faits que nous nous refusons.

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