Union Européenne : le temps des choix décisifs
La recomposition politique et la hausse de la participation qui résultent des élections européennes de mai 2019, confèrent une nouvelle dynamique au projet européen. Nous sommes à l’heure de choix décisifs, qui peuvent mener l’Union à une nouvelle étape de son évolution et à la mise en œuvre d’un réel projet d’Europe puissance.
Emmanuel Macron est en capacité d’affirmer ses choix et ses ambitions pour l’avenir de l’Union
Les élections européennes en France ont abouti à une forme d’équilibre des résultats, entre La République En Marche (LREM - 22,41%) et Le Rassemblement National (RN - 23,31%), qui auront le même nombre de sièges, après le départ des députés britanniques du Parlement européen. Emmanuel Macron réalise une belle performance depuis 2017, qui se consolide et se confirme. Le défi pour les élections européennes de 2024 restera de déloger l’extrême droite du sommet du scrutin français et d’assurer enfin la victoire claire d’une force pro-européenne. L’implication du Président de la République dans la campagne était cohérente avec son ambition européenne, affirmée depuis sa candidature à la présidentielle. Le très bon score de la liste « Renaissance » permet à Emmanuel Macron de constituer un apport décisif de députés européens, au sein du groupe réunissant les centristes et libéraux. Le Centre devient la troisième force politique du Parlement Européen, dans un contexte où les Conservateurs et les Sociaux-démocrates ont perdu la majorité absolue. Les centristes sont ainsi incontournables dans les négociations en cours. Avec un taux de participation à 51% en Europe, il s’agit de la plus forte participation des vingt dernières années. Le résultat n’est pas l’affirmation d’une forte dynamique ultraconservatrice, mais une recomposition politique semblable à celle qu’a connue la France depuis 2017. Dans ce contexte, Emmanuel Macron est en capacité d’affirmer ses choix et ses ambitions pour l’avenir de l’UE. Alors que les débats des élections européennes se sont surtout concentrés sur des sujets nationaux, que les médias n’ont pas su créer un véritable espace d’expression des idées sur une vision européenne, la structuration d’une vie publique à l’échelle de l’Union reste un dessein essentiel.
La transition énergétique : un domaine à forte dimension stratégique
La progression de l’enjeu de l’écologie en Europe a marqué la campagne et les résultats des élections européennes. Au-delà des appels à sauver notre planète, la véritable priorité est de parvenir à proposer une série de mesures crédibles, capables de fédérer. Ne faisons pas de la lutte contre le changement climatique un show-business écologique, dénué de créativité. Nous sommes face à une période inédite dans le processus de décarbonation, qui engage la souveraineté européenne et nécessitera des décisions lourdes et complexes, avec des choix technologiques, des coûts et des contraintes techniques. La France et l’Allemagne pourraient structurer une union du climat, qui définirait plusieurs axes de progression à court, moyen et long terme. Cette union franco-allemande du climat formerait un pôle d’impulsion et inciterait d’autres pays européens à s’engager dans cette dynamique. La nouvelle Assemblée parlementaire franco-allemande est un organe qui a vocation à accompagner l’élaboration et la mise en œuvre d’une telle coopération. Une union du climat permettrait d’associer des partenaires européens, non membres de l’Union comme la Suisse. Elle pourrait aussi donner du sens à un projet d’alliance renforcée entre les pays riverains de la Méditerranée. L’objectif de cette coalition resserrée serait d’avancer sur des projets concrets, en respectant des calendriers définis et en associant des Etats qui veulent obtenir de véritables résultats. Il est aujourd’hui important d’arriver à fédérer autour d’un projet de décarbonation majeure, en garantissant la cohésion entre les États, entre les territoires et entre les populations. L’Union devra déterminer une stratégie diplomatique et créer les conditions d’une gouvernance globale pour lutter contre le changement climatique.
L’Europe pourrait accéder au rang de puissance mondiale en 2050
Malgré la volonté de certains candidats d’aborder la perspective d’une Europe puissance, l’organisation des débats des élections européennes n’a pas permis véritablement d’engager des échanges sur ce thème fondamental. Les médias ont généralement occulté ce sujet, préférant des énoncés assez indigestes de catalogues électoraux. Pourtant une Europe à l’initiative sur la transition écologique restera paralysée, si elle n’a pas les moyens de s’affirmer et d’entraîner d’autres partenaires, dans la même dynamique. Une Union européenne, renforcée par une réelle autonomie diplomatique et donc par une capacité à s’imposer comme une puissance d’influence, pourra être décisive dans le déploiement d’une gouvernance mondiale, au service des générations futures et du maintien de la vie sur Terre. Il ne faudra donc pas négliger le développement d’une politique extérieure européenne et l’organisation du poste de Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Alors que des incertitudes fortes demeurent sur le maintien des Etats-Unis dans l’OTAN, que le risque de guerre réapparaît au Moyen-Orient alimenté par l’administration Trump face à l’Iran, il est temps que les Européens rompent avec leurs illusions et cessent de se contenter des apparences. Il est temps pour l’Union d’affronter les réalités d’un monde multipolaire, dominé par une rivalité grandissante entre les Etats-Unis et la Chine, qui ne sont guidés que par un impérialisme vorace et dangereux et qui ne souhaitent absolument pas l’avènement d’une Europe puissante, capable de contester leur hégémonie. Si elle se dote d’une véritable ambition et des moyens nécessaires, l’Europe pourrait accéder au rang de puissance mondiale en 2050 et ainsi devenir un acteur indispensable pour la défense et le maintien de la paix, dans un monde considérablement instable et menaçant. La protection des générations futures ne pourra être effective qu’avec une Europe qui soit capable de s’affirmer sur la scène internationale et d’entraîner la planète à faire face à l’urgence écologique et à mettre fin au cycle destructeur des guerres.
Florian BRUNNER