Victoria MAS : Le bal des folles


Victoria MAS : Le bal des folles – Albin Michel – 2019 – 251 p

 

 

               Il s’agit du premier roman de Virginia MAS (la fille de la chanteuse Jeanne MAS), qui a obtenu de nombreux prix, dont le prix Renaudot des lycéens 2019, et qui se passe à la Salpétrière au temps de Charcot. On y croise Charcot bien sûr, Babinski, Georges Gilles de la Tourette (mais pas Freud), des infirmières, des patientes, et on peut, avec toute la transposition du roman, y reconnaitre (même si le roman leur composera d’autres destins) la malade Blanche Wittmann, et la surveillante (appelée dans le roman intendante ; et qu’en langage moderne on nommerait cadre de santé) Madame Bottard (dans le roman les noms sont changés) ; par conséquent les protagonistes qu’on retrouve dans le tableau d’André Brouillet, exécuté en 1887, une leçon clinique de Charcot à la Salpétrière, exposé aujourd’hui dans le couloir de la salle des thèses de l’Université Paris V (Faculté de médecine), dont Freud conservera une reproduction dans une lithographie de Pirodon, suspendue au-dessus de son divan d’analyste (aujourd’hui conservée au Freud Muséum de Londres, et qui, comme dans le roman, met en scène l’opposition entre la maladie, à travers le regard médical de Charcot, qui ne considère que des symptômes, et le malade, à travers l’attitude compréhensive de Madame Bottard, qui s’intéresse d’abord à la personne (et à son histoire) de Blanche Wittmann.

               Le prétexte du roman emprunte à une réalité de l’époque, un bal donné à l’occasion de la mi-carême, dans l’enceinte de l’asile d’aliénées de la Salpétrière, où se pressait le tout-Paris, et auquel participaient les aliénées, dans des tenues costumées. Il décrit comment des familles bourgeoises se débarrassaient par l’internement de qui pouvait s’opposer aux conformismes ambiants et -tranchons le mot- le débat éthique qui pouvait animer certains soignants. Il décrit aussi, dans un style élégant et fluide, le quotidien asilaire de l’époque : dortoirs, isolement, pertes des repères temporels, mais aussi persistance de moments d’humanité ; ainsi qu’un quotidien qui, pour répétitif et sclérosant qu’il ait été, pouvait aussi avoir un caractère protecteur par rapport aux duretés de la vie sociale. Enfin il met en scène des attitudes qui, derrière le machisme et l’arrogance de la gente masculine médicale qu’il veut dénoncer, soulignent la différence entre le Cure et le Care ; donc une perspective très actuelle.


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