Viva Vic !

Viva Vic !

Bien avant qu’Alpina et AMG ne songent à proposer respectivement leurs B6 et 190 E 3.2, le belge Vic Heylen avait transformé une sage Opel Manta en TE2800. Une idée née sur les cendres d’un projet abandonné par l’usine. A l’origine en effet, pour mieux concurrencer la Ford Capri, Opel avait imaginé une version plus puissante de la Manta à moteur 6 cylindres en ligne, en fait celui de la Commodore, en exécution 115 et 130 ch. Pour un ensemble de raisons, principalement financières, ce projet fut arrêté par l’usine après que quelques prototypes furent fabriqués et testés. Pendant ce temps, de son côté, Ford musclait dès octobre 1970 sa gamme Capri d’une version très performante, en fait un modèle d’homologation destiné à la course : la RS. Forte de 150 ch et d’une carrosserie allégée grâce notamment à des éléments en aluminium, celle-ci avait pour vocation de contrer les ambitions sportives que BMW plaçait dans ses coupés 30 CSi et bientôt CSL. Attristé par la décision de l’usine de laisser tomber le projet d’une Manta 6 cylindres, Vic Heylen décida de développer cette voiture pour en faire une rivale de la Capri RS. De l’idée à la réalisation, il y a un pas… rythmé par les exigences de l’homologation du véhicule en course, précisant dans le cas précis que 1000 exemplaires par an devaient être construits. Bob Lutz, alors responsable des ventes et du marketing Opel se montra d’emblée intéressé et donna rapidement son accord pour le projet, à la condition expresse que celui-ci ne porte pas l’écusson Opel. Avec l’enthousiasme qu’on lui connait, il dessina même le nouvel emblème ! Quant au volet pratique, il conseilla à Vic Heylen de négocier un accord de fourniture avec l’usine d’Anvers, ce que ce dernier fit en tentant de convaincre Bob Price, patron de la dite usine, de l’aider. Dans l’intervalle, Vic Heylen présenta un prototype de sa voiture en septembre 1971 sur le circuit de Zolder, dans une configuration à 3 carburateurs Weber (le modèle de série fut quant lui alimenté par 2 carburateurs Zenith). En novembre de la même année, celui-ci participa au 23e Tour de Belgique où, aux mains de l’équipage Tuerlinx-Stalpaert, il termina à la 8e place, l’épreuve étant remportée par Jacquemin sur Alpine 1600. L’affaire paraissait bien engagée, à deux détails près. Bob Lutz, qui avait négocié et donné son aval pour le projet oralement, passait la même année chez BMW alors que Bob Price était promu dans le même temps CEO de la division sud-africaine de GM ! Ce même Bon Price proposa néanmoins à Vic Heylen de poursuivre son idée sous d’autres cieux. Survint alors un coup de théatre lors de l’édition 1972 des 24 heures de Francorchamps où les berlines Commodore préparées chez Steinmetz furent laminées par les BMW et les Ford, coup de théatre permettant à Vic Heylen de représenter son projet à d’autres personnes. Entendu en haut lieu, ce dernier reçut un nouveau feu vert pour lancer le programme. Conforté par une presse unaniment favorable à son projet et une demande importante de clients étrangers, Vic Heylen s’adressa à l’usine de Rüsselsheim pour obtenir des coques nues. Une demande rejetée. Ce ne sera pas la seule contrariété. Pour obtenir l’homologation du véhicule, Vic Heylen devait le présenter aux instances officielles dans les différents pays où il comptait la vendre. Ainsi en France, l’adoption d’un capot en polyester posa problème durant les tests de déparasitage. Jamais à cours d’idées, Vic Heylen acheta 300 bâtons de chocolat, sépara celui-ci de son emballage et utilisa la feuille d’aluminium de l’emballage pour habiller la face interne du capot avant de représenter le véhicule aux Mines !  Esthétiquement, cette Manta rebaptisée TE2800 avait fière allure, elle qui se caractérisait par l’adoption d’un spoiler avant ainsi que d’ailes larges qui seront ultérieurement adoptées par les versions compétition de la Manta en groupe 2, sans oublier un imposant bossage de capot imposé par la venue du 6 cylindres. Mais le vent avait tourné. Tout d’abord, il y eu la guerre du Kippour et la crise du pétrole qui s’ensuivit. Ensuite la venue de nouveaux quotas d’homologation qui changeaient radicalement la donne. Une porte de sortie semblait néanmoins avoir été trouvée pour sauver le projet. La gendarmerie belge avait en effet lancé à cette époque un appel d’offre pour l’achat de 135 voitures d’intervention rapide. L’hésitation se portait entre la Porsche 911 Targa et la TE2800 qui semblait avoir tous les atouts pour emporter ce marché. La décision traîna, et quand il fut enfin question de faire un choix final et de passer commande, la Manta A avait quitté les chaînes de production pour être remplacée par la Manta B ! Après la production de 53 unités seulement, c’en était bel et bien fini de la TE2800 et avec elle du rêve de Vic et de sa société Transeurop Engineering basée à Bolderberg, à proximité immédiate du circuit de Zolder.

Philip V.

Customer Experience Director Asia | Director of Customer Experience (CX)

7 mois

Mais comment fais-tu pour déterrer des histoires inconnues et dignes d’un roman policier !

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