De Sèvres à aujourd’hui — Les mots d’Erdoğan (Discours) : Préfiguration ou réminiscence impériale ?
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Comme vous le savez, je suis de près l’actualité des pays turciques, en particulier la Turquie, dont l’histoire et la géopolitique moderne demeurent des sujets d’analyse passionnants. Hier, lors du discours prononcé par le président turc Recep Tayyip Erdoğan lors du Congrès provincial de l'AK Parti, j’écoutais calmement tout en m’occupant d’autres tâches en parallèle. Mais soudainement, à la 15ᵉ minute de son allocution, une déclaration inattendue m’a frappé par son ton, son sous-entendu et son écho particulier avec les événements récents en Syrie.
Cette phrase a également réveillé en moi le souvenir d’une conversation marquante, datant d’une quinzaine d’années, avec un industriel turc de renom venu en visite en Algérie. Au cours de nos échanges sur les relations algéro-turques et les positions stratégiques respectives de nos pays, il m’avait confié cette phrase mémorable :
« Enregistre bien cela, Sofiane. Dans dix ans, l’Empire ottoman renaîtra de ses cendres et reprendra tous les territoires qui étaient les siens. »
En réécoutant le discours d’Erdoğan, cette affirmation prophétique semblait soudain faire écho aux aspirations géostratégiques exprimées, dévoilant une ambition claire d’expansion influencée par l’histoire impériale ottomane. Cet article propose donc une analyse détaillée de ces deux minutes seulement de ce long discours ; deux simples minutes de mots qui m'ont saisi ; deux minutes, c'est court, mais extrêmement condensées en sens, en insinuations et d'histoire, contextualisé par l’actualité régionale et la longue trame historique turco-syrienne, avant d’en proposer une traduction commentée plus bas.
Analyse des mots de Recep Tayyip Erdoğan
1. Point historique
Dans le passage évoqué de son discours, Erdoğan évoque la période de redéfinition des frontières à la suite de la Première Guerre mondiale. L’idée que les frontières actuelles sont arbitraires est un écho au ressentiment de la Turquie face aux conséquences des accords Sykes-Picot de 1916 et du découpage colonial qui a suivi la guerre.
Ce passage est crucial, car il met en lumière une pensée révisionniste sur la perte des provinces arabes sous l’Empire ottoman après la défaite de 1918 et la signature du traité de Sèvres en 1920 suivi de celui de Lausanne en 1923. Erdoğan insinue que des villes comme Alep, Idlib, Hama, Damas ou Raqqa auraient pu rester sous souveraineté turque, à l’instar de Gaziantep, Hatay ou Urfa, si l’histoire avait pris une autre tournure.
Cette référence historique s’inscrit dans un discours plus large visant à raviver l’héritage ottoman. Le rattachement du sandjak d’Alexandrette (aujourd’hui Hatay) à la Turquie en 1939 est souvent cité par Ankara comme un précédent légitime, justifiant de potentielles revendications similaires.
2. Point politique
En déclarant : « Nos liens avec ces territoires et leurs populations n’ont jamais été rompus », Erdoğan cherche à renforcer une idée de continuité historique et culturelle entre les populations vivant de part et d’autre de la frontière syro-turque. Politiquement, cette rhétorique vise à légitimer l’intervention militaire turque en Syrie depuis 2016 (Bouclier de l’Euphrate en 2016 "Fırat Kalkanı Operasyonu", Rameau d’olivier en 2018 "Zeytin Dalı Harekâtı", Source de paix en 2019 "Barış Pınarı Harekâtı"), présentée comme une mission de protection non seulement des intérêts stratégiques de la Turquie, mais également des populations perçues comme culturellement proches.
L’allusion aux flux migratoires syriens prend par ailleurs une dimension politicienne interne : Erdoğan joue ici sur les divisions au sein de l’opposition turque et cherche à se positionner comme le seul leader ayant une vision cohérente pour gérer cette crise complexe. En fait, Erdogan mobilise un discours nationaliste destiné à rallier son électorat.
3. Point géopolitique
La référence explicite à la Syrie et aux villes stratégiques mentionnées est lourde de sens dans le contexte actuel. Erdoğan souligne l’incapacité de certains partis d’opposition turcs à comprendre l’importance des « développements critiques » qui se produisent aux frontières de la Turquie. Ces propos visent clairement à justifier les ambitions territoriales ou, à tout le moins, l’influence accrue de la Turquie en Syrie.
En effet, les villes d’Alep, Idlib et Raqqa se trouvent dans des zones riches en ressources naturelles et d’importance géostratégique, en particulier dans le cadre de la lutte d’influence avec des puissances régionales comme l’Iran et la Russie.
Mais avant tout cela, en suggérant que ces villes syriennes auraient pu être des provinces turques, Erdogan réaffirme la centralité de la Turquie dans le Levant.
4. Point géostratégique
En liant les événements contemporains à une longue trame historique, Erdoğan affirme implicitement que la Turquie ne se contente pas de gérer des crises ponctuelles, mais s’engage dans une stratégie à long terme de consolidation de son influence. La doctrine Mavi Vatan* (Patrie bleue), qui met l’accent sur la projection maritime turque, trouve ici un écho terrestre avec la vision d’une Kızıl Vatan* (Patrie rouge), tournée vers l’espace syrien ainsi qu'une vision Gök Vatan* (Patrie du Ciel) tournée vers l'espace aérien turc.
Erdoğan utilise également le concept de frontières naturelles pour suggérer que la Turquie a une responsabilité morale envers les populations frontalières d’origine turkmène ou sunnite, renforçant ainsi sa légitimité dans les territoires annexes de facto.
Traduction des passages du discours
14:32 : Voyez-vous maintenant pourquoi nous sommes là-bas ? Pourquoi sommes-nous en Syrie ? Qu’est-il arrivé ?
14:45 : Le chef de la Syrie, où est-il maintenant ? Et nos frères venus de Syrie, où sont-ils aujourd’hui ? Ils disent : « Nous retournons sur nos terres. »
15:51 : Lors de la Première Guerre mondiale, lorsque les frontières de notre région ont été redéfinies, que se serait-il passé si les circonstances avaient été différentes ? Fort probablement, des villes comme Alep, Idlib, Hama, Damas et Raqqa seraient devenues, comme Antep, Hatay ou Urfa, des provinces turques.
16:27 : Pensez-vous vraiment que nous allions couper tous nos liens avec les populations vivant dans ces territoires ? Bien sûr que non. En effet, au cours du siècle dernier, nos citoyens des villes frontalières et ceux vivant de l’autre côté de la frontière ont maintenu leurs relations humaines, leurs échanges, et leurs liens familiaux.
16:54 : Il y a même eu des trajets réguliers d’autobus, de minibus et de taxis entre nos villes et celles situées au-delà de la frontière.
Une autre allusion à la 9ᵉ minute, introduisant ce qu'il allait développer plus loin, et préparant la foule et les membres du parti aux cinq minutes qui vont suivre :
09:41 : Nous avons été patients, nous avons dit : Men sabera zafera [Celui qui est patient triomphe], et les patients atteignent la victoire."(Applaudissements)
Enfin,
Le discours d’Erdoğan est révélateur d’une volonté explicite de restaurer une partie de l’héritage ottoman, à la fois en mémoire et en influence. S’il ne s’agit pas ici d’un appel clair à l’annexion, les sous-entendus sont suffisamment prononcés pour alerter sur une stratégie turque visant à redéfinir sa sphère d’influence dans le contexte actuel.
(*) La doctrine Mavi Vatan (Patrie bleue) repose sur une vision géopolitique affirmant la souveraineté turque sur ses zones maritimes en mer Égée, Méditerranée orientale et mer Noire. Conçue comme une réponse aux tensions maritimes et énergétiques avec la Grèce et Chypre, cette doctrine symbolise l’ambition maritime turque de défendre ses ressources naturelles et d’asseoir son influence régionale.
La doctrine Gök Vatan (Patrie du Ciel) désigne les espaces aériens turcs. Elle reflète l’importance stratégique de l’espace aérien pour la défense nationale et l’expansion des capacités militaires turques, notamment via le développement de technologies aéronautiques (comme les drones Bayraktar).
Dans le prolongement des deux doctrines précédentes, la vision d’une Kızıl Vatan (Patrie rouge) reflète une extension terrestre de cette doctrine, sous la bannière rouge turque, tournée vers les enjeux frontaliers et stratégiques au sud, en particulier en Syrie. Elle s’inscrit dans une logique d’expansion d’influence en invoquant l’histoire ottomane et la défense des intérêts turcs face aux menaces perçues à ses frontières. Ces trois doctrines forment une approche cohérente liant projection maritime et sécurisation terrestre et de l'espace aérien turc dans une ambition régionale unifiée.
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Sofiane Sid-Ahmed GHERBI
Président-Fondateur,
Traducteur et Interprète
Hello ! 🤗 Moi, c'est Sofiane, Traducteur et Interprète spécialisé dans les traductions du français et de l'anglais vers l'arabe, avec une expertise en espagnol, turc, russe et osmanlica. Passionné par l'Humain, je m'intéresse à tout ce qui touche à son Histoire, à ses cultures, à ses croyances et aux langues, notamment les langues sémitiques, ibériques, slaves et turciques ; sans oublier les langues liturgiques, qui sont un autre de mes atouts. Mon engagement envers la diversité culturelle et linguistique, la communication dans ses aspects d'Inter-culturalité, de Multi-culturalité et de Trans-culturalité est un reflet de cette passion et cette vocation qui se cristallise dans le principe de la "Trans-lation", en ma vocation de Traducteur et Interprète de la réalisation humaine.
En parallèle, je suis un Humanitaire actif et engagé ou je consacre mon temps et mon énergie à mon Association, la "Cité des Anges d'Alger", dédiée à l'assistance et à la protection de l'enfance et des mères, dont je suis le Président et Fondateur : www.citedesanges.org
Dans un monde qui valorise l'expertise pointue, je suis également un Expert en Opérations de Commerce Extérieur & Relations Internationales le jour ; Traducteur/Interprète Bénévole le soir ; un Humanitaire engagé le reste du temps et les week-ends. Mes activités se composent d'une mosaïque d'intérêts : jardinage, bricolage, arts martiaux, échecs, artisanat (poterie, céramique, mosaïque, décoration florale sur bois, travail du cuivre repoussé), musique arabo-andalouse et dévoreur de formations continues via Coursera me challengeant chaque jour pour de nouvelles compétences, de nouvelles connaissances. Ces passions enrichissent ma compréhension des nuances culturelles et de l'Humain ; si essentielles ; elles sont mon Ikigai! 😉.
Ma polyvalence n'est pas une simple collection de compétences, mais une symphonie où chaque talent résonne avec les autres. En tant que Polyglotte, Multipotentiel et Hypersensible (HSP), je perçois le monde comme une toile interconnectée, où chaque nouvelle expérience enrichit ma compréhension globale. Cette sensibilité aiguisée me permet de capter les nuances les plus subtiles dans les échanges interculturels, transformant ma diversité d'intérêts en une force unique. Je ne suis pas simplement la somme de mes compétences, mais leur synergie vivante — chaque langue que je parle, chaque art que je pratique, chaque culture que j'explore s'entremêle pour créer une perspective singulière qui donne sens à ma mission de pont entre les mondes.
Note de l'Auteur: N'oubliez jamais que vous avez le pouvoir de faire une différence, peu importe votre âge ou votre situation. Engagez-vous dans des action solidaires et humanitaires, faites le bien autour de vous, car ces actions généreuses et altruistes construiront un monde meilleur pour nous tous. Soyez le Diamant qui éclaire le chemin des autres, et votre lumière brillera éternellement … bien après vous