La situation d'exception en droit malagasy
Face à l’état d’urgence sanitaire actuel qui est une situation d’exception traversé par notre pays. Force est de constater que de nombreux profanes soient perdus dans l’architecture de notre droit constitutionnel. En effet, à mon humble avis, bon-nombre de nos citoyens ne savent point du comment ni du pourquoi de cette notion de "situation d’exception". Ainsi, dans cet article, on essaiera d’apporter quelques éclaircissements sur les dispositions de la Constitution de la IVème République de Madagascar en son article 61 et ses extensions.
Sommaire
I. Les conditions d’applications de l’article 61
II. Les différentes sortes de situation d’exception
III. La conséquence juridique de la proclamation de situation d’exception
I. Les conditions d’applications de l’article 61
Deux conditions cumulatives doivent être réunies et vérifiées pour pouvoir proclamer la situation d’exception, à savoir d’une part, une menace grave qui pèse sur les Institutions de la République et d’autre part, une incapacité matérielle des pouvoirs publics de fonctionner normalement.
En effet, la première condition qui est « une menace grave qui pèse sur les Institutions de la République » suppose l’existence d’un trouble potentiel c’est-à-dire qu’il y ait une menace grave et immédiate, qu’il existe une situation anormalement grave. Cependant, on n’exige pas que cette menace soit en cours de réalisation. Ainsi, la menace doit être ressentie à l’instar de la pandémie COVID-19 et par analogie, une menace d’invasion imminente, en d’autres termes, qu’il y ait dors-et déjà commencement de l’acte de menace. Ainsi, dans le cadre de cette situation d’état d’urgence sanitaire actuelle, la menace de la pandémie est matérialisée par l’existence des premiers contaminés sur le territoire de la République.
La seconde condition qui est « une incapacité matérielle des pouvoirs publics de fonctionner normalement » suppose l’existence d’un trouble réel et non plus potentiel c’est-à-dire le fonctionnement normal des pouvoirs publics soit paralysé ou compromis ; a fortiori, l’Etat est obligé d’agir comme elle fait, car autrement son action serait inefficace.
En outre, force est de souligner que même si ces deux conditions sont réunies et vérifiées, le Chef d’Etat, avant de décrété l’état d’exception en Conseil des Ministres doit prendre l’avis des Chefs d’Institution (cet avis est simple, il ne lie pas le Chef d’Etat).
II. Les différentes sortes de situation d’exception
L’article 61 de la Constitution énuméré trois sortes de situation d’exception, à savoir, la situation d’urgence, l’état de nécessité nationale et la loi martiale.
Pour comprendre notre situation actuelle, nous allons étudier en particulier : « l’état d’urgence » ou « situation d’urgence ». En effet, par définition, l’état ou situation d’urgence est un régime restrictif des libertés publiques pouvant être appliqué par une loi sur tout ou partie du territoire national, caractérisé surtout par l'extension des pouvoirs ordinaires de police des autorités civiles. Ainsi, cette situation donne au Président de la République des pouvoirs spéciaux pour assurer le retour à la normale et accroît les pouvoirs des autorités administratives. La durée de celle-ci ne peut excéder 15 jours conformément à la disposition de l’article 16 de la loi 91-011 Loi n° 91-011 du 18 juillet 1991 relative aux situations d’exception (J.O. n° 2071 du 19.07.91, p. 1130 à 1134) et peut être prolongé sous la condition de la disposition de l’article 03 de cette même loi organique.
III. La conséquence juridique de la proclamation de situation d’exception
La conséquence de la proclamation d’une telle situation est le transfert du pouvoir de légiférer au Président de la République. Ainsi, le Chef d’Etat peut légiférer par voie d’ordonnance ; mais avant la promulgation de cette dernière, elle fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité obligatoire exercé par la Haute Cour Constitutionnelle (HCC).
Nonobstant, tant que les ordonnances édictées par le Chef d’Etat ne sont pas encore ratifiées par le parlement, elles restent un acte administratif, donc justiciable devant le juge administratif.