Mes données c'est pas donné.
Par Damien Grangé, Mastère Spécialisé en Management Digital 2020 @ESSCA le 03/11/2020
Cet article de présentation de l'entreprise Tadata regroupe plusieurs articles postés préalablement sur le blog de mon établissement.
C’est Tadata qui me l’a dit !
C’est même un de leurs slogans. Pourtant, ils me mentent. Parce que, actuellement, la notion de consentement pour la transmission des données personnelles ou leur traitement semble échapper aux plus grosses entreprises. Un exemple ? La CNIL a condamné le 21 janvier 2019 Google LLC en application du RGPD pour manque de transparence, information insatisfaisante et absence de consentement valable pour la personnalisation de la publicité. Une petite sanction. 50 millions d’euros. Alors du coup, penser à rémunérer les gens pour leurs données, à première vue ça pourrait surprendre… C’est pourtant le pari que Tadata souhaite prendre !
Cet article s’inscrit dans le cadre de mon cours de blogging de l’ESSCA. Je souhaite faire en sorte qu’il réponde à plusieurs objectifs :
- Me présenter
- Présenter Tadata et expliquer pourquoi je me retrouve dans leurs locaux
- Débuter un travail d’analyse et de réflexion personnelle autour du monde de la data, utile pour ma thèse professionnelle et ma future carrière
Je me présente !
Je m’appelle Damien. Je rédige une thèse professionnelle sur la perception de la sensibilité des données personnelles. L’an dernier j’étais à l’Institut International de Communication de Paris (IICP) et dans le cadre d’une matière supposée nous initier à l’entrepreneuriat, je me questionnais sur la viabilité d’une entreprise qui pratiquerait l'intermédiation de location de données personnelles opt-in ; c'est à dire mettant en relation des internautes souhaitant divulguer leurs données à des entreprises souhaitant les utiliser. Je ne suis pas expert et je commence seulement à m’intéresser au sujet. Depuis, c’est un univers qui me plaît parce que je pense que ça peut me permettre de devenir riche.
Tadata dans tout ça ?
C’est la vidéo de présentation qu’ils nous ont lancée dans leurs locaux avant de débuter leur pitch. C’est une application qui collecte les données personnelles d’étudiants, puis les transmet à des groupes universitaires. L’intérêt ici étant que la plus grande partie des bénéfices est ensuite reversée aux étudiants. Du coup, je me suis inscrit comme je suis étudiant. Pour le moment j’ai gagné cinq euros. Y a un début à tout.
La société a été créée il y a peu. Je trouve leur communication fantastique. Je les ai contacté directement dès que j'ai vu leur publicité en ligne. Je leur dis que je travaille sur une thématique proche de leur activité, que j’adorerais leur parler, être pris en stage… Pour le stage ce n’est pas possible, mais on m’explique que le 5 mars, ils font un petit déjeuner dans leurs locaux, qu’il y aura notamment mon directeur d’école, Monsieur Jean CHARROIN, et que ce serait le moment idéal pour poser mes questions ! Et moi je ne refuse jamais de la nourriture gratuite.
J’ai directement pu poser mes questions aux deux fondateurs, Alex VANADIA et Laurent LEBOUCHER POMIES, ainsi qu’à leur développeur. Je les remercie tous pour leur disponibilité et leur bienveillance. Evidemment, je ne suis pas le seul à avoir posé des questions. Je propose un petit compte-rendu personnel, un peu brute, certes, mais fidèle à ce que j’en ai retenu.
I Comment Tadata réagit face à l’exposition médiatique ?
Lancer une solution proposant de rémunérer les gens contre l’utilisation de leurs données personnelles, ça fait polémique. Internet Society a saisi la CNIL pour partager ses inquiétudes, et des voix minoritaires contestataires se font entendre en ligne. Pour le moment, Tadata bénéficie de cette exposition. Ils sont dans la légalité, et sans tomber dans le jugement plat, je pense qu’ils ont aussi la déontologie.
[Note : Depuis la première publication de mon article, la CNIL a sorti un avis positif sur cette application.]
Il est anormal que les sociétés de data broking ne rémunèrent pas les personnes qui sont à l’origine de leur activité : les internautes.
Comme l’indique l’un des co-fondateurs, il est anormal que les sociétés de data broking ne rémunèrent pas les personnes qui sont à l’origine de leur activité : les internautes. Tadata ne force personne et propose une solution arrangeant tout le monde. Le nom de Gaspard Koenig a été cité. Je vous recommande de vous intéresser à son travail ainsi qu’à celui de Génération Libre, le think-tank qu’il préside. Je pense en effet que Tadata s’inscrit dans ce pour quoi il lutte.
Céder ses informations, c’est comme vendre un de ses organes, un rein ou un bras ? Non !
Je souhaite revenir sur un point précis de la polémique. Certains disent que céder ses informations, c’est comme vendre un de ses organes, un rein ou un bras. C'est faux :
- La notion de vente implique que je n’ai plus ce que j’ai vendu. Si je vends mon bras, je ne l’ai plus. Par contre, je reste toujours propriétaire de mes données. Même chose quand on parle de location. Je n’ai plus ce que je loue. Or je continue à m’appeler Damien même si je vous divulgue mon prénom.
- Je ne peux pas vendre mon bras à plusieurs personnes, par contre je peux divulguer mes données à plusieurs personnes sans souci.
- Mon bras ne traîne pas déjà partout sur internet avec des sociétés qui se le refilent entre elles sans même m’en parler…
- Être manchot me fait pas rêver. Par contre, si je monétise mes données, je gagne de l’argent et vivrai globalement mieux.
Par conséquent, parler de vente pour les données est inexact. On peut parler de cession du droit d’utilisation sur les données. Je ne vends pas ma donnée, je cède le fait qu’un annonceur puisse me démarcher à 3H00 de l’après-midi parce que suite à l’analyse de mes data il s’est dit que mon profil l’intéressait. Et comparer cela à la vente d’organes, à mon sens c'est indécent.
II Un nouveau modèle ?
Le jour où les grandes entreprises rémunèreront enfin les gens pour l’utilisation de leurs données, nous n'aurons plus qu’à fermer boutique ; le pari sera gagné.
Actuellement ils sont premiers en France sur ce créneau. Je me permets également de mentionner Mydataisrich, lancé l’an dernier, avec un positionnement tout autre. Je leur demande s’ils ont peur d’être copiés. Ils m’expliquent que non. S’ils sont imités c’est que leur boîte fonctionne. Belle mentalité. Les fondateurs ont même indiqué en interview que le jour où les grandes entreprises rémunéreraient enfin les gens pour l’utilisation de leurs données, ils n’auraient plus qu’à fermer boutique ; ils auront réussi leur pari. Très belle mentalité.
Néanmoins, plutôt qu’une imitation toute bête, j’imagine des solutions émerger pour d’autres profils, par exemple en dehors du 15*-25 ans -la cible de Tadata-, pour d’autres pays, ou spécialisés pour d’autres secteurs que le milieu universitaire. Tadata a conscience que beaucoup les observent de loin afin de voir si oui ou non ils vont se péter la gueule. De mon côté, je pense m’amuser à spéculer pendant les mois à venir sur l’éventuelle concurrence à laquelle pourrait se livrer ces futures plateformes, et leurs différentes approches de fidélisation, et de positionnement.
*15 ans correspond à l'âge de la majorité numérique
Je lance un pari : dans dix ans on a des entreprises spécialisées dans le fait de recueillir nos données. Toujours avec notre accord. Mais elles, se chargeront à notre place de les faire fructifier, en les cédant à toutes les sociétés d’intermédiation comme Tadata, on peut aussi imaginer des applications qui permettront de stocker sa propre base de données personnelles, et qui seront directement connectées à l’ensemble des entreprises intéressées par l’acquisition d’opt-in. Je trouve le nom de Datagrégation accrocheur pour parler de cette mutation profonde des sociétés.
III Tadata, tourné vers l’avenir ?
Tadata c’est pas uniquement la possibilité de mettre à disposition des informations personnelles liées à notre orientation scolaire ; c’est également des questionnaires qu’on peut remplir sur nos habitudes (téléphoniques, sportives, etc...). La logique est conservée, on remplit le questionnaire, ils transmettent des leads qualifiés, si on est dedans, on gagne des sous. Ils expliquent vouloir faire un questionnaire de ce type par mois, sur des thématiques différentes : sport, voyage ; les choses évidentes… J’attends encore le questionnaire portant sur ma passion pour la lutherie. A terme on peut espérer plusieurs questionnaires en même temps permettant aux gens d’avoir plusieurs sources pour rentabiliser leurs données. Toujours dans une perspective d’avenir, il me semble plutôt rapidement envisageable pour eux de toucher l’international. On rappelle que la Réglementation Générale à la Protection des Données tend à uniformiser le droit dans l’Union Européenne.
IV Tadata compétitif ?
Passer directement par les internautes pour avoir leurs informations personnelles constitue déjà un système moins coûteux que de les recueillir dans leur dos.
Je crois que c’est ce point qui intéressait le plus les clients potentiels pendant le déjeuner du 5 mars. Quand on parle de prix, les gens écoutent. Imaginons que je sois suis un groupe universitaire, je veux contacter des étudiants, je demande des leads à des plateformes. Y a déjà un marché. Un tarif. On peut penser à Diplomeo. Tadata doit pouvoir s’aligner sur ce qui existe déjà. Comme eux demandent le consentement et qu’en plus ils versent de l’argent aux étudiants, je me disais que ce serait nécessairement plus élevé en matière de coût d’acquisition de passer par eux. Et en fait : non. Passer directement par les internautes pour avoir leurs informations personnelles constitue déjà un système moins coûteux que de les recueillir dans leur dos. Incroyable ! J’adorerais pouvoir mettre des informations chiffrées sur : Combien les dirigeants de groupes universitaires sont prêts à dépenser par lead ? Ca intéresserait des gens. Sauf que je veux valider mon année sans trop me tracasser. Pensez juste que c’est sans doute plus que ce que vous imaginez.
V L’internaute, le chouchou de la plateforme ?
Comme je suis joueur, je souhaitais absolument les coincer. Un peu comme dans la pub pour la Maaf :
Vous cédez mes données, et je gagne de l’argent, mais comment je sais en avance que la somme que vous me reversez me conviendra ?
On s’engage à ce que même la plus petite cession vous rapporte au minimum 3 euros !
Si j’ai bien compris, vos entreprises clientes récupèrent mes données. Et qu’est-ce qui se passe si je veux les supprimer, demander leur modification, ou qu’ils me démarchent plusieurs années après la vente ?
Nous vous invitons dans un premier temps à les contacter directement. Cependant s’ils abusent, il faudra évidemment nous prévenir pour qu’on les pénalise…
Là c’est mon directeur qui prend le relais pour l’agression :
Sera-t-il possible dans le futur de permettre aux étudiants de refuser la transaction si l’entreprise qui récupère leurs données ne satisfait pas à leurs exigences ?
Oui ! C’est une fonctionnalité à venir. Dès qu’une cession peut être faite, les étudiants recevront un message de validation leur indiquant que telle entreprise souhaite récupérer leurs données. Ils pourront refuser ou accepter.
Conclusion
En entendant ces mots je déprime. Quand je travaillais sur mon projet personnel je pensais qu’il fallait obligatoirement prévenir l’internaute de l’ensemble des entreprises susceptibles de récupérer ses données, avant que celui-ci ne les cède, mais non ! Il suffit de préciser les catégories d’acteurs qui peuvent y avoir accès et être en capacité de justifier ensuite de l’intérêt de ces catégories d’acteurs. C’est une information essentielle parce que dans mon cas à moi, je devais savoir précisément à l’avance à qui je communiquerai la data. Ce qui leur laisse une certaine marge de manœuvre dans l'ajout des entreprises auxquelles ils peuvent communiquer les données collectées.
Après cet échange, j’ai fini le buffet, ai dit merci pour leur invitation, et leur ai proposé d’écrire sur eux dans le cadre du blog de mon établissement. Ils ont accepté. Et ont également accepté de répondre à mes futures questions pour ma thèse professionnelle.
Vous aurez donc le droit à plus de Tadata !
Les articles sur le blog de mon établissement :
Mes données c’est pas donné. - Partie 1
Mes données c’est toujours pas donné ! - Partie 2
Mes articles LinkedIn :
Données Personnelles et Attributs de la Personnalité
Données personnelles. Qui est-ce ?
Personne exceptionnelle. Données personnelles.
Collecter des données en temps de COVID-19
A quel moment ma photo est une donnée à caractère personnel ?
Photographies et échelle d'identification
Commentaires sur l'émission Monétisation des données : la data aux œufs d’or
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4yFélicitations à Tadata France !