Une approche pratique  de la conception ou du diagnostic d’une organisation
Une vision systémique de l'entreprise (source de l'image: INSEAD-Manfred Kets de Vries)

Une approche pratique de la conception ou du diagnostic d’une organisation

DES TESTS SIMPLES POUR BÂTIR UNE BONNE ORGANISATION

1-   Introduction

Les dirigeants ou consultants en charge de la conception d’une organisation nouvelle ou du diagnostic d’une organisation existante ne donnant pas pleine satisfaction, se posent inévitablement la question des principes de conception d’une bonne organisation d’entreprise.

Bien sûr, des règles empiriques existent, de bon sens, largement utilisées, souvent à bon escient, qui donnent des indications sur :

  • La taille des « râteaux hiérarchiques », horizontalement
  • Le nombre de niveaux hiérarchiques, verticalement,
  • La définition des postes et des relations de reporting, …

…mais ces règles ne sont pas suffisantes, car elles ne couvrent pas tout le champ de la question de l’organisation et il faut aller plus loin. 

Cet article est donc conçu comme un petit guide pratique et systématique de diagnostic ou de conception des organisations. Il est fondé sur des recherches académiques, et la pratique d’une trentaine d’année de conseil auprès d’entreprises très variées. Il privilégie quelques principes simples, au nombre de neuf, se traduisant très concrètement par des tests à effectuer, sous forme de questions qui permettent de bien poser les termes des arbitrages à effectuer, sans toutefois orienter nécessairement vers des réponses tranchées, tant le management est un art d’interprétation.

2-   Fondements de l’approche : une vision systémique de l’entreprise

Une entreprise doit être faite pour atteindre des objectifs, quels qu'ils soient. Cette entreprise peut être vue comme un assemblage vivant des composants suivants :

–     Une vision, des stratégies, en distinguant entre les stratégies produits/marchés d’entités d’un Groupe, et la stratégie de niveau Groupe (ou Corporate), définissant l’objet de l’activité, les couples produits/services/marchés, le travail à effectuer en interne.

–     Des personnes, avec leur culture, leurs compétences, leur motivation, leurs forces et faiblesses

–     Des organisations à proprement parler, formelles et informelles, destinées à mobiliser ces personnes sur les finalités de la stratégie

–     Des contraintes externes variées, politiques, légales, sociales, financières, de ressources disponibles, de capacités organisationnelles, qui sont profondément imbriquées dans l’environnement immédiat de l’entreprise.

Notre conviction est que l’objectif d’une bonne organisation est de mettre tous ces éléments en congruence, ou en harmonie.

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3-   Les quatre principes de fit de l’organisation

Une organisation n’existe que pour servir un but, réaliser une vision. C’est donc la vision, et la ou les stratégies qui sont un élément clé de la conception d’une organisation. Toute organisation doit refléter cet aspect stratégique dans ses grandes lignes avant même de regarder l’organisation sous l’angle des modèles opérationnels à choisir. Pour des groupes, aux business variés, il est nécessaire de distinguer le niveau de la stratégie des business units, se consacrant à des couples marchés/produits homogènes, de celui de la stratégie corporate qui sert une vision a priori plus large

Puis le personnel constitue un élément tout aussi important de la conception d’une organisation. Idéalement on pourrait construire des organisations à partir d’une feuille blanche, en ne recrutant que les profils idéaux ! Mais cela est risqué, et en réalité, il est infiniment plus fréquent de rencontrer des cas où la conception de l’organisation doit être en adéquation avec une grande partie du personnel existant. C’est une sorte de contrainte particulière imposée !

Enfin, une organisation doit intégrer dès sa conception l’ensemble des autres contraintes (sociales, légales, etc…) dans laquelle elle est plongée, sans quoi, il est probable qu’elle ne puisse pas bien fonctionner du tout.

Ces quatre principes (stratégie corporate, stratégies marché/produits, personnel, contraintes), figurant sur la partie de gauche du schéma ci-dessous (boites entourées de rouge), font chacun l’objet d’un test de fit avec l’organisation proprement dite (partie de droite du schéma). Ils sont les « drivers » principaux de cette organisation.

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4-   Les cinq principes de bon design

Une fois les quatre éléments de principe de fit testés, on peut s’intéresser à l’organisation en tant que telle. Cinq principes de bon design de l’organisation ressortent :

  •  Principe de spécialisation
  •  Principe de coordination
  • Principe de connaissance et de compétence
  •  Principe de contrôle et d'engagement
  •  Principe d'innovation et d'adaptation

Ces cinq principes font chacun l’objet d’un test de bon design illustré dans le tableau suivant.

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5-   Commentaires sur les tests de bon design

a.   Test des cultures de spécialistes

La question est d’évaluer si les savoir-faire de spécialistes nécessaires pour réussir dans un secteur donné ne se développeront correctement que si les managers concernés sont isolés des influences dominantes du reste de l’organisation. On sait en effet que la culture dominante d’un Groupe peut contrarier voire même tuer des activités à la culture différente sans que le Groupe en prenne conscience. Dans certains cas, la meilleure façon de développer et de lancer un nouveau produit est de créer une entité séparée, ayant peu ou pas de contact avec le reste du groupe. Ou bien, le groupe peut reconnaître ce besoin de protection en adaptant les règles ou procédures Groupe pour cette entité, ou encore en lui donnant certains pouvoirs d’autonomie.

b.   Test des liens difficiles

Parfois, les avantages de la coordination peuvent être facilement réalisés par un travail spontané de réseau entre unités, tel le partage de « best practices ». Dans d’autres circonstances, cela est plus difficile, comme l’établissement de standards techniques communs (SI par exemple), qui requiert la décision régalienne du siège pour être mis en œuvre. On doit alors se concentrer sur ces « liens difficiles » où la coordination ne fonctionnera pas bien, et on essaiera de développer soit des mécanismes de coordination appropriés, soit même d’attribuer la responsabilité de cette coordination à une seule entité.

Ces deux tests permettent d’opérer des arbitrages entre deux axes d’avantages opposés en toute connaissance de cause et d’obtenir les avantages liés à la coordination tout en ne compromettant pas le développement de compétences de spécialiste.

c.    Test de la hiérarchie redondante

Le test pose la question de savoir si tous les niveaux de la hiérarchie et toutes les responsabilités détenues par les niveaux supérieurs sont fondés sur un avantage de connaissance et de compétence. Ce test, associé au principe de connaissance et de compétence, traite principalement de délégation, voire même de subsidiarité, c’est-à-dire de la délégation des responsabilités au niveau opérationnel le plus bas possible, sauf si il y a une justification de connaissance ou de compétence pour remonter ces responsabilités à un niveau plus élevé. Sinon la hiérarchie n’apporte aucune valeur ajoutée, elle en détruit.

d.   Test de la responsabilité (ou « accountability »)

Le test pose la question de savoir si l'organisation facilite la création d'un processus de contrôle pour chaque unité qui est approprié au degré d'autonomie de l'unité, économique à mettre en œuvre, et motivant pour les managers de l'unité. Ce test, associé au principe de contrôle et d’engagement, se concentre sur l’existence ou non de pressions sur ces unités pour se réguler elles-mêmes. Ces unités disposent-elles des mesures de performance qui favorisent cette autorégulation? Par exemple une entité qui fait face à ses clients et qui dispose de mesures de résultats économiques et financiers sera plus facile à motiver et à contrôler, alors qu’une fonction de siège, sans clients externes, et avec des mesures de performance subjectives présente plus de problèmes de responsabilité. Ce test permet d’aider à la conception d’unités et de mesures de performance associées, qui produisent des contrôles efficaces, à bas coût, et qui soient en même temps très motivants.

6-   Comment utiliser ces tests

Le but principal de ces neuf tests est de poser toutes les principales bonnes questions quand on réfléchit à une organisation.

Les problèmes posés peuvent être résolus par des solutions diverses : changements de structure, de nouveaux processus, de nouvelles règles, des nominations de nouveaux managers, une gouvernance opérationnelle revue, ou même des adaptations de la stratégie, etc …

Ces tests, par les questions qu’ils posent ont l’avantage de proposer des idées d’organisation, et de peser soigneusement le pour et le contre de chaque proposition.

Dans certains cas, la solution n’est pas évidente, et des arbitrages difficiles entre deux solutions doivent être trouvés. L’intérêt du test est alors d’avoir alerté le management sur la difficulté en les mettant en position le jour venu, de trouver une solution plus stable et plus satisfaisante.

En somme, ces tests donnent une base d’analyse rigoureuse pour effectuer des choix rationnels d’organisation.


Philippe Chidaine, Président de La Tour - Tattegrain Conseil

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