Post de Rachid Lounes

Cela m’a peut-être échappé mais il ne me semble pas y avoir eu d’enquête d’opinion pour identifier avec exactitude les motivations du vote de deuxième tour. Les électeurs ont-ils tout misé sur un front républicain susceptible de permettre le retour à un régime parlementaire ? Ou bien ont-ils seulement choisi d’écarter le Rassemblement National (RN) du pouvoir espérant, ensuite, dans les plus brefs délais, l’installation d’un gouvernement issu d’une nouvelle majorité, si possible absolue ? La France ne connaît plus de régime parlementaire depuis deux à trois générations. C’est long. C’est très long dans une société avide d’instantanéité. Nombreux sont donc ceux qui n’analysent les faits de ces dernières semaines qu’au travers d’une grille imprégnée de présidentialisme. La Ve République a toujours été mal commode à définir. Or, si bascule vers le parlementarisme il y a, le temps redevient une variable bouleversant nos modes de pensée. À bon droit, si l’on exclut les passagers clandestins méprisant par-dessus tout le régime représentatif (songeons au bourrage des urnes à l’Assemblée nationale), chaque groupe politique a joué la partition à laquelle on pouvait s’attendre. La gauche cherchant une tête pour appliquer son programme a exigé un pouvoir qu’elle serait bien incapable de faire perdurer sauf à gouverner à front républicain renversé avec le soutien, sans participation, du RN. Pour sa part, celui-ci a annoncé qu’il perturberait le fonctionnement des institutions autant que faire se pourrait. Ce qu’il n’a pas manqué de mettre en œuvre à la première occasion, en jouant sur deux tableaux : d’une part en traçant des lignes rouges et d’autre part en ouvrant la porte à la formation d’une coalition. Un électeur qui a voté pour un front républicain et la réinstallation d’un régime parlementaire ne peut regretter que tout n’ait pas été réglé en aussi peu de temps. A contrario, s’il a voté en espérant l’installation d’une majorité absolue à l’Assemble et s’estime floué, alors, sans doute, n’a-t-il pas une claire conscience des conditions dans lesquelles le scrutin de second tour s’est déroulé. Dans les deux cas, ces électeurs demeurent prisonniers de la grille de lecture évoquée plus haut, de même que les analystes politiques qui continuent d’employer un vocabulaire hérité de la situation d’avant législatives. Si nous sommes en train de revenir à un fonctionnement parlementaire, il n’y aura plus d’exercice jupitérien du pouvoir présidentiel. Les jours et les semaines qui s’écoulent au cours de cet été olympique forment le délai nécessaire pour qu’émerge une situation nouvelle à l’Assemblée. Assemblée nationale qui aura, à partir de maintenant, le dernier mot, comme la Constitution l’organise. Alors que les électeurs se sont déplacés en masse, c’est une mutation passionnante à observer et, surtout, très encourageante pour l’avenir : un antidote à notre morosité.

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