Ça sent la poudre…. d’escampette…

Ça sent la poudre…. d’escampette…


Après l’interview du 20 octobre dernier de Michel Barnier, ancien commissaire européen prônant la simplification avec « un dispositif – une forme de moratoire, par exemple – qui puisse reporter de deux ou trois ans la date d’entrée en vigueur de réglementations très lourdes », recommandant de reporter l’application de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), c’est autour de l’Allemagne, par la voix de son Chancelier (Olaf Scholz), le 22 octobre, d’annoncer sa volonté de faire « disparaître » la loi allemande sur le devoir de vigilance (LkSG) et de réduire les obligations de reporting en un mot ... d’être Vigilanto-sceptique.

En droite ligne du rapport Draghi, publié le 09 septembre, où l’ex-président du Conseil Italien et ancien chef de la BCE prenait pour cible le « reporting de durabilité de l’UE et son dispositif de devoir de vigilance » qui, comme pour les dirigeants Allemands et Français, constituent à ses yeux « une source majeure de charge réglementaire » et devraient dès lors être allégés dans l’intérêt des entreprises européennes.

Cette charge au regard de la directive CSRD qui oblige les entreprises à divulguer leur impact sur les personnes et la planète dès l'exercice fiscal 2024, et de celle sur le devoir de vigilance, visant à combattre les atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par l’activité économique à partir de 2027, n’est pas une première pour l’Allemagne. Fin septembre, le ministre allemand de la Justice, le libéral (FDP) Marco Buschmann, avait plaidé devant la fédération allemande des chambres de commerce et d'industrie (DIHK), une mise a profit du délai avant la pleine mise en œuvre de la CSRD pour la renégocier.

Toujours dans cette même logique d’allégement de la pression administrative, chacun des commissaires européens (26) se sont vus inscrire dans leur feuille de route un paragraphe consacré à la « diminution des obligations de reporting d’au moins 25% – et pour les PME d’au moins 35% ».

Cependant, la Commission vient d'envoyer une lettre de mise en demeure à 17 États membres de l’UE (dont l’Allemagne, l’Espagne, la Pologne, le Portugal, les Pays-Bas, ou encore la Belgique) qui n’ont pas encore pleinement transposé la CSRD au sein de leur droit national, sûrement par peur de cette pression administrative sur les entreprises. Et si, au bout de la phase administrative de la procédure d’infraction, les retardataires se refusaient à obtempérer, l’exécutif européen pourrait alors saisir la Cour de justice de l’UE (comme prévu à l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'UE) en vue d'éventuelles sanctions.

On peut se demander alors si c’est de la pression ou de l’impression …

 

Feux aux poudres… ou poudre aux yeux

Pour autant, les pays retardataires menacent-ils de mettre le feu aux poudres et de menacer l’intégrité de la CSRD ? A priori non, mais ces pays risquent bien plus de brouiller les pistes pour les entreprises qui ont déjà mises en place ces nouvelles règles et pour celles qui s’y préparent.

Au-delà des discussions de la matérialité et des seuils de ces reportings, le rapport Draghi soulevait un point fondamental de simplification et d’alignement des régulations. Par ailleurs, il faut noter que l’UE n’est pas la seule à relever le niveau d’exigence en matière de reporting de durabilité :

§  L’Angleterre avec la réglementation FCA et les Sustainability Disclosure Requirements (SDR),

§  Les Etats-Unis, à l’exemple de la Californie (loi SB 253), et à travers le guide de l’ISSB suivi par la SEC (Securities and Exchange Commission), la Commission des opérations de bourse,

§  Le Brésil qui rend obligatoire l’application des normes de l’ISSB à partir du 1er janvier 2026,

§  Les places chinoises qui imposent de leur côté un reporting obligatoire basé sur la double matérialité, annoncé début 2024, et le suivi de la norme GBT 41835, équivalent de l’ISO 20400, qui inscrit le principe de double matérialité dans leur référentiel

§  …

En tout état de cause, même si les pays poussent Bruxelles à revoir ses ambitions à la baisse sur la CSRD - à ce stade un total d’environ 42 500 entreprises à l’horizon 2029, en parallèle de sa transposition, c’est par association la plus grande partie du tissu économique qui sera ciblé par le texte.

Tous ces éléments ne feront pas baisser la pression sur les entreprises européennes, bien au contraire. Et si la « surcharge bureaucratique », étouffante pour les entreprises, n’est finalement pas du fait de l’Europe, il est fort à parier que celle que nous connaitrons des autres pays le soit.  

 

 

                                                                                                Vincent Leroux Lefebvre

                                                                                                Expert Achats Responsables  

Vincent Leroux Lefebvre

Expert Achats Responsables AFNOR-Enseignant : ESGRH/UPEC/GEM - Athlète : Escrimeur Handisport Champion de France 2024 (N2-Fleuret)

6 j.

Un nouvel action de la part de l'Allemagne qui aiguise une nouvelle fois ses dents pour tronçonner la #CSRD https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/csrd-lallemagne-somme-bruxelles-de-revoir-sa-copie-2138640#:~:text=Dans%20une%20lettre%20dat%C3%A9e%20du,obligations%20du%20rapport%20de%20durabilit%C3%A9.&text=Les%20Etats%20europ%C3%A9ens%20avaient%20jusqu,pour%20transposer%20la%20directive%20CSRD.

Christian Kalb

Achats & Supply Chain responsables pour PME et ETI I Conseil I Management de transition I Formation I Accompagnement

1 mois

Vincent, rien de neuf sous le soleil... L'Allemagne n'est intéressée par la réglementation européenne que si elle peut ouvrir des marchés à ses entreprises, beaucoup beaucoup moins des qu'apparaissent des contraintes... C'est la Realpolitik... Appliquée par les gouvernements fédéraux successifs... De droite ou de gauche.. Sachant que les libéraux de la FDP mènent la barque.

Le chancelier (et les autres auparavant du reste) répond au lobby industriel allemand qui n'est certainement pas au clair avec ce sujet de devoir de vigilance, partant aussi du principe que la fin justifie les moyens et, qu'en Allemagne, l'industrie est un totem intouchable et prime sur tout. La crise migratoire en 2015 en est un exemple.

Bénédicte GUYOT

💡Je vous conseille et je vous forme aux Achats responsables 🌞Je source des emballages éco-responsables 🌈J'optimise vos achats en Temps Partagé

2 mois

Mais où va t on ? Ont ils compris les enjeux ? Il y aurait tellement d'autres choses à bannir ou à simplifier. C'est affligeant de voir que cette bureaucratie supprime l'essentiel avant l'anecdotique.

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