Éducation, liberté, autorité : et si éduquer signifiait apprendre à être libre ?
Éducation, liberté, autorité : et si éduquer signifiait apprendre à être libre ?
Philippe OLAGNIER / publication Front Populaire.net
06/10/2022
OPINION. À travers l’exemple de l’éducation islandaise, notre lecteur appelle à repenser l’enseignement à la française sous le prisme de la liberté.
Interloqué par les priorités wokistes du ministre de l’Éducation nationale, qui procède du conditionnement de masse à une idéologie davantage qu’à un projet éducatif, je me demande si, au fond, la première mission de l’école ne doit pas être d’apprendre aux élèves à être libres.
Prenant en compte la dégringolade catastrophique des classements internationaux de niveaux scolaires comparés qui déshonorent la France, je vais d’abord évoquer le cas islandais qui, je le pense honnêtement, va dans le sens du propos que je vais défendre par ailleurs. L’école islandaise est classée 6e au dernier classement PISA 2022, alors que la France obtient la 26e place. Le modèle mis en place en Islande, en favorisant le bien-être de l’enfant, lui apprend dès le plus jeune âge à développer son libre arbitre et son jugement, tout en le rendant plus libre, socialement plus apte dans son engagement de citoyen. Résumons les principes et règles qu’elle utilise :
L’école est bienveillante, l’atmosphère est paisible et joyeuse. Les classes ne dépassent pas les 6 à 15 élèves. Des rythmes scolaires bien équilibrés et qui respectent le rythme de l’enfant : les cours sont dispensés le matin, du lundi au vendredi de 8 h 30 à 14 h, avec une pause de 40 minutes le midi. Il y a moins de petites vacances pendant l’année, et 2 mois pendant l'été (de mi-juin à mi-août).
En général, à partir de 11 ans, les enfants ont un professeur par matière, ce sont les enseignants qui se déplacent entre les cours. Les enfants, eux, restent liés à une classe qu’ils garderont toute l’année. Chaque leçon dure 40 minutes. Les plus jeunes peuvent ensuite rester à l’école (jusqu’à 17 h) et ont accès à beaucoup d’activités, comme les échecs, la musique (en particulier, des cours de violons et de ukulele), les arts, le chinois. Les plus grands peuvent rejoindre des clubs sportifs en dehors de l’école. Les nouvelles technologies sont intégrées au maximum (vidéoprojecteur, ordinateurs et wifi dans toutes les classes). La plupart des enfants parlent quasi couramment anglais. En Islande, l’anglais est appris dès l'âge de 9 ans.
L’école applique une approche globale de l’enfant, nommée tête/corps-mains/cœur et reposant sur un concept puissant. Au-delà des contenus classiques, l’école prend soin du corps (sports, natation, danse), des mains et de la créativité (ateliers obligatoires de menuiserie, cuisine, théâtre, arts plastiques, musique, couture obligatoires de 5 à 16 ans), ainsi que des valeurs de cœur (ouverture, responsabilité, autonomie et coopération). Point besoin donc d’éducation civique quand ces valeurs de cœur sont partie intégrante des acquis dès l’entrée en maternelle, et que le respect de soi, passant par le respect des autres, est la pierre angulaire de l’enseignement !
L’Islande est le pays ou les enfants lisent le plus et y prennent du plaisir. Les moyens mis en œuvre par l’État pour donner accès à la littérature font figurer le pays dans ce domaine au rang du plus performant au monde. Le niveau de lecture des enfants y est parfait et très tôt.
Au final, ils sont au niveau des plus performants au plan mondial, sans être fatigués, stressés et sous pression, comme peuvent l’être les élèves chinois. Ils ont une intégration sociale et citoyenne facile et apaisée, et sortent instruits et épanouis. Ils sont profondément éduqués à être libres, tout en respectant les règles que la vie sociale impose.
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Ma thèse peut donc surprendre, mais oui, face à tous les problèmes que notre société traverse et face à la difficulté du corps enseignant, je pense qu’il faudrait repenser sur un autre paradigme complet l’enseignement français. Enseigner, c’est apprendre à être libre dès le premier âge.
On pourrait m’opposer que je suis un utopiste. Je vais essayer de démontrer le bien fondé de mon parti pris. On pourrait m’opposer le fait que la liberté étant une capacité à faire ce que l’on veut sans contrainte ou pression externe, elle ne saurait s’enseigner ! Je prétends que cette liberté-là, qui pousse l’homme à écouter ses instincts, ses pulsions, ses seules passions, ou ses envies, n’est pas la liberté. C’est une sorte de totalitarisme, puisque l’homme subit davantage qu’il ne raisonne ou choisit. Or, la raison, celle qui structure la pensée, organise les arbitrages et permet de choisir en toutes choses face aux événements de la vie, oui, cette raison-là s’éveille, s’éduque. Elle est donc fondatrice de la vraie liberté et du ressort d’un enseignement de qualité éveillant au sens critique.
Cet enseignement, qu’il faudrait recentrer sur ces matières fondamentales qu’on a tant maltraitées dans les ministères, est fondateur de l’autonomie intellectuelle, ce qui permet à l'homme devenu adulte d’être moins aliéné dans ses choix.
La liberté est évidemment affaire de volonté, mais elle ne peut se réduire à cette dimension. Être libre n’est pas agir sans contrainte en suivant les seules tendances de sa nature, car c’est incompatible avec les normes sociales, la cohésion des groupes, les rapports humains apaisés et la vie sociale au sens large du terme. Il existe donc une vraie liberté pondérée par la raison, et celle-ci ne peut se comprendre et s’assimiler que si elle est favorisée et enseignée.
Nous souffrons de l’explosion pour avoir oublié d’enseigner cette liberté pondérée par la raison, d’une explosion du « moi » dans le corps sociétal. La liberté, que nous n’avons pas su promouvoir comme une liberté respectant les règles minimales de la vie en société, a été remplacée par une anarchie comportementaliste où chacun impose ses règles, ses choix, ses valeurs, se croyant ainsi libre, alors qu’il n’est que l’esclave de ses pulsions, de son dérèglement émotionnel et psychique, et de son incapacité à entrer en cohésion avec autrui, dès lors qu’il porte une différence. Ces nouveaux barbares prétendument rebelles sont tout sauf libres individuellement, ils sont esclaves de leur incapacité à ne pas résister à leur pulsion, à ne pas savoir désobéir en utilisant leur libre arbitre aux injonctions communautaristes qui les manipulent à dessein.
Une démocratie est un régime d’ordre, qui défend la liberté individuelle et la sacralise tout en la conditionnant au respect de règles collectives, et il serait donc sain de rééduquer (j’ai bien dit rééduquer) à la vraie valeur de liberté telle qu’une société vivable ne doit jamais oublier. Oui, dans une société évoluée, la liberté équilibrée est un apprentissage. Nous payons cher de l’avoir oublié !
La liberté sociale n’est pas une camisole posée sur la liberté individuelle vécue à tous les vents en obéissant à nos seules passions. C’est une régulatrice qui rend compatible nos libertés individuelles avec, par l’exercice de la raison, la connaissance de la loi et son respect, en vue de la vie en communauté.
C’est la grande erreur du pédagogisme post 68 : l’enfant roi ne grandit pas tout seul, selon ses propres règles au nom d’une exigence libertaire poussée à son paroxysme. Il a besoin de tuteurs fermes, stricts, connus, identifiés par tous, qui lui font comprendre dès le plus jeune âge que sa liberté n’est pas un impérialisme sans borne, et que la société lui demande d'avoir le raisonnement lui permettant de la rendre acceptable pour autrui. La liberté ne peut pas s’affranchir de la raison pour exister en tant que tel, et donc, l’État, dans l’éducation, doit reprendre un rôle d’autorité tutélaire, qui passe par un apprentissage de ce que la liberté collective peut admettre ou pas !
Construire sa liberté, c’est comprendre la nécessité de l’autorité et de la loi, pour affirmer sa personnalité sans l’opposer systématiquement aux règles que le collectif impose, faute de quoi, la barbarie règne, et nous y voici, je le crains, rendus.
La raison, qui est à la fois fondatrice de la liberté et sa régulatrice, dépend donc de soi, mais pas seulement. Apprendre à être libre, au sens où je viens de le décrire, me paraît être un des rôles prépondérants à redonner à l’enseignement. L’élève de ce point de vue ne peut plus être considéré comme l’enfant roi. Il est placé sous l’autorité du maître, dont l’autorité doit être de nouveau sacralisée.
Et les parents d’élèves qui ont été probablement trop autorisés à mettre leur nez dans un domaine dans lequel ils ne furent pas formés, pourraient être invités à ne pas hurler au loup quand l’enseignant use, sans en abuser, mais légitimement, d’une autorité fondatrice sur leurs progénitures, qu’il faut bien parfois recadrer, pour leur apprendre précisément ce que la liberté de vivre ensemble nécessite de pondération de comportement !
« Les abus de la liberté tueront toujours la liberté. » André Maurois
Dirigeant d'entreprise -Formateur en Gestion-Finance, Marketing -Relations humaines et systèmes d'information
2 ansLa connaissance rend libre