Émotion & Cie

Émotion & Cie

Les principaux critères permettant de différencier les phénomènes affectifs sont multiples :  l’intensité des sensations procurées, leur durée, la possibilité d’un changement rapide d’un phénomène affectif à un autre, la présence et la dépendance d’un élément déclencheur, la nécessité d’un processus d’évaluation, l’impact du phénomène affectif sur les différents sous-systèmes de l’organisme en vue de la préparation d’une réponse appropriée (en termes de mobilisation et de synchronisation des ressources) et, finalement, son impact sur le comportement. Le cadre théorique dans lequel nous situons notre démarche est celui des modèles de l’appraisal. Nous nous inspirons notamment en partie des réflexions de Klaus Scherer (2005) sur le sujet.

Les émotions

Les émotions sont probablement le phénomène affectif le plus important, en ce sens que toutes les caractéristiques de différenciation ci-dessus sont fixées à une valeur maximale, à l’exception de la durée. En effet, l’émotion est considérée comme un épisode de courte durée, mais pouvant être ressenti de façon intense. Elle peut varier rapidement dans le temps et survient à la suite d’un évènement déclencheur faisant l’objet d’une évaluation. Enfin, l’émotion impacte fortement les différents sous-systèmes de l’organisme en vue de la préparation d’une réponse adaptée et son impact sur le comportement est majeur. Ses actions se manifestent sur la cognition (perception, attention, mémoire, motivation, tendance à l’action, prise de décision…) et les comportements qui en découlent. Les émotions sont habituellement décrites en termes « discrets », tels que la joie, la colère, la tristesse… mais l’expérience émotionnelle ressentie est rarement « pure », dans le sens où elle consiste souvent en un cocktail de différentes émotions discrètes d’intensité variable.

Les humeurs

D’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, notre humeur peut évoluer d’irritable à déprimée, de déprimée à optimiste… L’intensité des ressentis est plutôt moyenne, tout comme leur durée et la rapidité des changements d’une humeur à une autre. Par rapport aux émotions, la durée des humeurs est plus longue, mais l’intensité perçue est plus faible et la variation dans le temps est plus lente. Tous les autres critères (présence d’un élément déclencheur, nécessité d’un processus d’évaluation, mobilisation des sous-systèmes pour générer une réponse appropriée et impact comportemental), sont ici fixés à une valeur minimale.

Les styles affectifs interpersonnels

Selon la situation et la personne qui est en face de nous, notre style affectif interpersonnel peut être chaleureux, poli, froid, distant, ou encore méprisant… L’une des caractéristiques majeures de ce type d’affect est la rapidité de passage d’un style à un autre (en s’adressant, par exemple, à une personne puis immédiatement à une autre). Les impacts des styles affectifs interpersonnels sur le comportement peuvent être qualifiés de moyens, le maintien d’un style dans le temps et l’intensité perçue ont une valeur moyenne également et la présence d’un élément déclencheur à l’origine d’un style affectif est encore considérée comme étant d’importance moyenne. Enfin, la nécessité d’un processus d’évaluation et la mobilisation des sous-systèmes de l’organisme pour générer une réponse appropriée peuvent être considérées comme des critères mineurs caractérisant les styles affectifs interpersonnels.

Les attitudes

Les attitudes caractérisent ce que nous ressentons pour un lieu, un objet, un animal, une personne… Nous pouvons adorer ou détester un endroit, aimer ou haïr une personne…  Les attitudes concernent des prédispositions considérées comme durables dans le temps. Nous nous intéressons ici à la composante affective des attitudes qui peut s’exprimer sous forme de valence (de positive à négative) ; l’attitude comporte également une composante motivationnelle ou comportementale (tendance stable d’approche ou d’évitement) et une composante « sémantique » reflétant nos connaissances ou nos croyances concernant le lieu, l’objet ou la personne. L’intensité du ressenti procuré est moyenne, tout comme l’impact sur le comportement. Cependant, tous les autres critères (rapidité de changement dans le temps, présence d’un élément déclencheur, nécessité d’une évaluation et mobilisation des sous-systèmes de l’organisme) peuvent être considérés comme mineurs dans le cas les attitudes. 

Les traits affectifs

Les « traits » sont souvent opposés aux « états », dans le sens où les états sont passagers, alors que les traits sont pérennes. C’est effectivement le critère de durée qui est prépondérant pour définir les traits affectifs. Le fait d’être insouciant, envieux, jaloux, irritable, ou anxieux… caractérise un individu et n’est que peu sujet à une évolution dans le temps. Les impacts comportementaux des traits affectifs peuvent être considérés comme moyens, alors que le niveau de tous les autres critères peut être considéré comme faible (intensité, présence d’un élément déclencheur, nécessité d’une évaluation, mobilisation des sous-systèmes de l’organisme et rapidité de changement). 

Les sentiments

Alors que l’émotion consiste en un processus complexe, global et multimodal qui modifie l’état du corps ainsi que la perception de cet état, et dont les détails échappent à l’introspection, le sentiment peut être défini comme la composante unique, consciente et subjective de l’expérience émotionnelle. En effet, un sentiment peut être défini comme une représentation cognitive subjective, reflétant une expérience unique de changements mentaux et corporels, générée à la suite de la confrontation de l’individu à un événement particulier. Les notions d’émotion et de sentiment sont donc proches, puisqu’elles peuvent être décrites toutes les deux au moyen de labels tels qui la joie, la colère, la tristesse… Toutefois, le sentiment correspond à la perception consciente et subjective que l’on associe à son état mental et corporel dans une situation donnée, alors que l’émotion correspond à l’ensemble du processus qui a généré cet état, dont le sentiment subjectif ne constitue qu’une partie.

Conclusions

Parmi tous les types d’affects, l’émotion jouit d’un statut particulier dans le sens où son intensité et son impact sur la cognition et sur le comportement sont les plus importants, avec les effets les plus limités dans le temps. Son rôle majeur, notamment dans la prise de décision, en fait un sujet d’étude prioritaire dans le domaine de l’expérience produit, de l’expérience client, de l’impact des publicités, de la désirabilité de la marque et de la décision d’achat, bien sûr. Toutefois, les autres types d’affects exercent également des effets cognitifs et comportementaux, bien que plus modérés, et sont susceptibles d’interagir avec les mécanismes émotionnels. Il paraît donc souhaitable, tant que faire se peut, de prendre également en compte ces autres types d’affects, ou de tenter de les contrôler, lors de la mesure expérimentale des émotions.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les émotions ou les états affectifs en général, contactez-nous !

Marie-Christine Jean

Consumer Insights: Build Bridges Between Brand Objectives & Market Reality

6 mois

Merci!!! Je me sens bien seule à parler d’affect et non uniquement d’émotions, terme archi galvaudé!!!

Sébastien Romagny Ph.D.

International Sensory & Cognitive Science Program Leader chez L'Oréal

6 mois
Anne Louvegnez, Ph.D

Co-fondatrice de KeyEmotion Lab

6 mois

Ces clarifications me semblent importantes. Est-ce que les définitions proposées sont aujourd’hui partagées par tous les spécialistes des émotions ? 

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