037 - Les multinationales pharmaceutiques (partie 6 : Une escroquerie institutionnalisée et meurtrière).
Une grande étude indépendante fut conduite en 2002, l’étude ALLHAT. Avec 33 537 patients, c’était la plus grande étude sur l’hypertension jamais réalisée. On y comparait quatre médicaments : la doxazosine (un bloqueur alpha de Pfizer), l’amlodipine (un bloqueur des canaux calciques de Pfizer), le lisinopril (un inhibiteur adréno-corticoïdien de Pfizer) et le chlorthalidone (un diurétique). Le groupe doxazosine fut arrêté avant le terme de l’étude parce que le médicament était manifestement inférieur. Toutefois, Pfizer lança une campagne pour limiter les dégâts, campagne qui se révéla efficace puisqu’il n’y eu aucun déclin des ventes la même année. Quand l’étude ALLHAT fut présentée dans un grand congrès en Californie, Pfizer invita les médecins à une visite guidée, histoire de s’assurer qu’ils n’apprennent rien au sujet des résultats.
Dans un communiqué de presse, l’American College of Cardiology incita les médecins à cesser d’utiliser la doxazosine, mais cette exhortation fut changée quelques heures plus tard après que Pfizer a contacté le Collège, qui disait maintenant que les médecins devaient réévaluer son utilisation. Recommandation plutôt malencontreuse au sujet d’un médicament dont on vient de faire la preuve qu’il est inférieur ; on peut penser que les dons de Pfizer au Collège, qui excédaient un demi millions de dollars par an, ont joué leur rôle. L’étude ALLHAT a démontré que le moins coûteux des quatre médicaments étudiés, le diurétique, était aussi le meilleur. Le président du comité directeur de l’étude ALLHAT, Curl Furberg, a estimé que l’utilisation des bloqueurs des canaux calciques et des bloqueurs adrénocorticoïdiens coûtaient un excédent de 8 à 10 milliards de dollars sans apporter aucun avantage aux patients et dans certains cas, en augmentant les risques. Tout en coûtant 20 fois plus cher, l’utilisation de médicaments médiocres avait provoqué de l’insuffisance cardiaque chez 40 000 patients aux États-Unis.
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Un article de 2003 a rapporté que l’autre médicament de Pfizer inclus dans l’étude ALLHAT, l’amlodipine, était le médicament anti-hypertension le plus vendu en Norvège, même s’il était 10 fois plus coûteux qu’un diurétique et en dépit du fait que la preuve de son effet préventif de la maladie cardiaque soit inexistante. Si les médecins avaient utilisé un diurétique plutôt que l’amlodipine, 750 millions de dollars auraient été épargnés chaque année en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis…
Un article de 2009 a rapporté que la différence entre le coût du moins cher des inhibiteurs ACE [Angiotensin-converting-enzyme : enzyme de conversion de l’angiotensine] et celui du plus coûteux était d’un facteur 30 et que le Danemark pourrait épargner 40 millions d’euros par an en utilisant le médicament le moins coûteux…
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En 2011, Novo Nordisk accepta de payer 25 millions de dollars pour régler à l’amiable sa responsabilité civile découlant de la promotion illégale de son médicament contre l’hémophilie, le NovoSeven, … auprès des professionnels de santé, le présentant comme un produit coagulant à utiliser chez les victimes de traumatismes…
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… Novo avait corrompu des médecins influents de l’armée américaine pour qu’ils emploient et promeuvent le NovoSeven…
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En 2005, une étude lourdement manipulée de 301 patients victimes de traumatismes graves entraînant une hémorragie a été publiée dans un périodique peu connu, soutenant l’efficacité du NovoSeven… L’analyse des données était sérieusement trompeuse… retirant de l’analyse les patients qui mouraient dans les 48 premières heures…
L’étude était commanditée par Novo et comptait parmi les auteurs un salarié de Novo et quatre médecins à la solde de Novo… le statisticien était aussi de Novo…
En 2006, cinq médecins de la FDA ont rapporté que 185 événements thromboemboliques avaient été associés au Novoseven. En avril 2011, deux grandes études concluaient qu’il n’y avait aucune preuve que le médicament prolongeait la vie pour aucune de ses utilisations hors indications. En outre, dans certaines études d’accidents cérébro-vasculaires et de chirurgie cardiaque, le NovoSeven augmentait le risque d’accident vasculaire cérébral et de crise cardiaque.
… Novo s’employa pendant des années à inciter les médecins à endosser des utilisations hors indications du NovoSeven pour ensuite publier un avertissement disant que le médicament pouvait provoquer des caillots potentiellement fatals quand il était employé chez des patients ne souffrant pas d’hémophilie...
[1] Remèdes mortels et crime organisé – Comment l’industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé ; Peter C. Gotzsche, traduction de Fernand Turcotte, 2015 ; Presses de l’université Laval ; pp. 140-145.