10 commandements à respecter quand la religion s’invite dans l’entreprise
Image d'illustration) - MENAHEM KAHANA / AFP

10 commandements à respecter quand la religion s’invite dans l’entreprise

Au cours des différentes interventions ou discussions que j’ai pu avoir après la parution de mon livre, beaucoup de questions m’ont été posées concernant les solutions à mettre en place lorsque la religion s’invite dans l’entreprise. Avec un peu d’humour, je proposerais « Les dix commandements » à respecter en m’adressant surtout aux chefs d’entreprise et aux DRH.

1 - N’ayez pas peur !

Parce que les convictions religieuses relèvent de l’intime et sont chargées d’émotions et de significations personnelles, on leur accorde souvent un statut à part. On ne sait pas comment les aborder. C’est une erreur : toute manifestation du fait religieux dans l’entreprise doit être considérée comme similaire à toutes les autres attitudes des salariés.

2 - Pas de déni !

Les salariés sont doués de parole et de raison : ils doivent pouvoir s’expliquer sur une attitude ou une tenue vestimentaire liées à leurs pratiques religieuses et leur foi. Mais il faut d’abord aller leur parler, pas les éviter ou discuter d’eux à leur insu. Cela permet également de juger du degré de « rigidité identitaire » de la personne qui affirme ses croyances à la vue de tout le monde.

3 - Installez des capteurs !

Face au fait religieux ou communautaire, il faut une remontée d’informations régulière : il s’agit de capteurs, pas des mouchards ! Les managers de proximité sont en première ligne sur le sujet. Mais les syndicalistes et les représentants du personnel sont aussi informés de beaucoup de choses. La question religieuse peut faire aussi l’objet du dialogue social : parlez-en avec les partenaires sociaux. 

4 - Refusez le « premium du barbu » !

On doit l’expression « Premium du barbu » à l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler dans son livre Le marche halal ou l’invention d’une tradition. Que veut-elle dire ? Même si le croyant ne va pas aussi loin que le plus rigoriste dans l’observance des règles religieuses, il va quand même accorder au plus démonstratif une présomption de pureté religieuse qui agit comme un modèle à suivre, comme un rappel qu’il est toujours possible d’aller plus loin. C’est une forme de prosélytisme, l’extension d’une culture ou d’une identité qui s’affirme au détriment des règles de l’entreprise. Vous ne devez pas la laisser s’installer.

5 - Ne faites pas de théologie !

Parce que chacun dans l’entreprise est d’abord de bonne volonté et plutôt conciliant, vous allez chercher à faire entendre raison à ceux qui refusent, par exemple, d’être en contact avec le porc ou l’alcool : pourtant, vous le savez bien, leur religion leur interdit d’en manger ou d’en boire, pas de s’en approcher !... Attention, vous ne pouvez pas prendre appui sur des raisons religieuses pour ramener à la raison les religieux. Pas de théologie dans l’entreprise.

6 - Ne soyez pas trop savant !

La formation est essentielle, celle des managers notamment. Qui se souvient par exemple que le dimanche n’est pas férié pour des raisons religieuses mais sociales ? Ou que la laïcité ne rime pas avec entreprise privée ?... Mais attention de ne pas en savoir trop sur l’histoire des religions, la théologie, les rites etc. On ne demande pas aux managers d’être calés en matière de religion. Cela évite aussi le risque de faire de la théologie.

7 - Bannissez les accommodements raisonnables !

Venu du Canada, l’accommodement raisonnable cherche à concilier le respect de la manifestation religieuse et le travail à effectuer en accordant des dérogations aux croyants : on s’arrange... Le problème c’est que raisonnable l’accommodement ne le reste pas longtemps : vous n’accordez pas à tous les salariés les mêmes avantages et ce faisant vous ne demandez pas à ceux qui s’affirment d’en rabattre sur leur identité. Apaisement à court terme, problèmes à plus long terme…

8 - Privilégiez le commun !

A tout moment, c’est le commun, la capacité de travailler tous ensemble qu’il faut rechercher. N’accordez donc rien en matière religieuse qui ne soit pas extensible à tous les salariés.

9 - Favorisez la « dispute sur le travail »…

…plutôt que sur la religion ! La dispute, c’est cette forme de discussion régulée par un tiers où chacun fait valoir ses arguments et son point de vue. En cas de demande particulière liée à la religion, ne « disputez » donc pas sur la religion elle-même mais bien sur les conditions dans lesquelles se réalise le travail, la manière très concrète de le faire. Cela permet de déterminer si cette demande à une incidence sur le travail des autres.

10 - Passez au règlement intérieur !

Mais pas n’importe comment !... Depuis la fameuse « Loi travail » de 2016, il est possible de faire figurer dans le règlement intérieur de l’entreprise une neutralisation des manifestations religieuses. Elle doit reposer sur des critères objectifs et non pas sur les options philosophiques du chef d’entreprise. Cela suppose de repartir de la mission de l’entreprise, de ses valeurs et de ses fondamentaux culturels afin de bâtir aussi cette limitation sur l’expression d’un monde commun du travail propre à votre entreprise.


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Point 10 : "pensez" au règlement interieur

Brigitte Peressini 🧡🧡🎗️

Journaliste / Documentariste / Auteur

6 ans

Rappel : la France est un pays où la laïcité s’applique.

Dr Cristina LUNGHI

Fondatrice Arborus - Experte internationale égalité professionnelle et inclusion et IA inclusive, auteure de plusieurs livres, formatrice label GEEIS - Co directrice Charte pour une IA Inclusive.

6 ans

Merci de cet article J'aimerais avoir des précisions sur le point 7

Hélène BECQUET

Attachée principale - Deleguée territoriale chez Ile-de-France Mobilités (anciennement STIF)

6 ans

A regarder : le fonctionnement de la charte de la laïcité chez Paprec

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