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Selon les informations dont je dispose et vérifiées par plusieurs sources, il semble que nous sommes en 2014. Soit très exactement 100 ans après le début de la première guerre mondiale et 70 après le débarquement de la deuxième. Autant dire que l’année dans laquelle nous nous trouvons est chargée de symboles et de rappels, notamment celui des effets néfastes de toute forme de discrimination, de sectarisme, d’intolérance au sens large.
En cette année faste, notre deuxième chaine suprarégionale diffuse pour quelques semaines le magnifique documentaire réalisé par Clarke et Costelle, commenté par Kassovitz et intitulé « Apolcalypse : la 1 guerre mondiale », documentaire colorisé qui a pour principal point fort la mise en avant de la constellation d’événements qui ont mené des millions d’hommes sur le front et des millions de femmes en usine. Le couple Clarke et Costelle avait déjà traité la 2 guerre sous l’aspect de la stratégie militaire et celui de l’effet papillon, mettant là aussi en avant la chaine des événements ayant conduit à la mort de millions de soldats, mais également à la solution finale, symbole du « talent humain » lorsqu’il s’agit d’industrialiser la connerie, la haine et la cruauté.
Loin de moi l’idée de refaire l’Histoire – elle ne se refait pas, elle est ce qu’elle est, et je ne suis pas historienne, mais blogueuse – étant née dans une période plutôt faste (chute du communisme, ouverture des frontières, construction de l’Europe, etc.) au point de vue des libertés et de l’accès à l’information. Et c’est justement parce que ma génération, celle qui précède et celle qui suit a accès à l’information, aux documents sous forme de texte, de vidéo, d’enregistrement audio, bref, que nous savons comment et pourquoi ce qui s’est produit s’est produit que je ne nous trouve pas d’excuse aujourd’hui.
Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, à chaque fois qu’une information paraît sur mes réseaux sociaux traitant d’Israël, de la Palestine, des Musulmans, des Juifs, ou encore des Russes, qu’un article traite le sujet de l’homosexualité, du handicap, des femmes, des enfants, des gros, des petits, des maigres, les commentaires se font violents, virulents, agressifs, menaçants, insultants ; parce que, derrière son écran, paradoxalement, l’internaute vit les choses en temps réel, sans distance avec ce qui est dit, sans s’interroger sur l’émetteur, sans s’interroger sur lui-même, sur les motivations qui le poussent à s’insurger, à attaquer ; parce que, protégé par l’apparente virtualité de l’écosystème digital, il oublie toute notion de savoir-vivre, d’éducation et de respect à l’égard de l’Autre.
Ce même internaute caché derrière une photo de profil qui ne s’énerve, elle, jamais, quelle serait sa réaction si son commentaire était republié dans un support papier ou mis en voix pour une émission radio ? Assumerait-il encore ce qu’il clame haut et fort au milieu d’un fil de discussion, animé par l’effet de meute, comme s’il se vidait de ses frustrations, oubliant que là où il fait ses besoins, on est plus proche des toilettes publiques que du confessionnal ?
Ce même internaute persuadé d’avoir son mot à dire parce que le 2.0 est une grande démocratie participative, ce rend-il compte que la liberté d’expression sans la responsabilité individuelle a toujours fait le lit des extrêmes, de la haine et que, avec l’excuse de défendre le Bien contre le Mal, de défendre ses acquis et sa propriété, l’Homme a commis les pires exactions ?
A quoi servent les commémorations et les documentaires si, en 2014, 100 ans après la première guerre et 70 ans après le débarquement de la deuxième, la connerie humaine n’a, elle, toujours rien de virtuel ?
*La guerre se nourrit d'elle-même.
**Chronique réalisée pour www.bilan.ch