3/9 - La pensée – Le rapport aux émotions
La vie est une expérience personnelle.
Chaque instant de vie produit, chez tout un chacun, des émotions, plus ou moins fortes, positives ou négatives. L’impact de ces instants sur le champ émotionnel dépend de chaque individu, de son rapport à soi, de sa capacité à s’interroger, de sa vie intérieure plus ou moins riche. Ces émotions sont toutes issues de sa propre expérience. Une odeur, une impression de « déjà-vu », une parole, un signe, plus ou moins faible, va stimuler le cerveau et développer des émotions. Le caractère positif ou négatif n’est qu’une question personnelle. Pour un même événement, des individus développeront des émotions diverses. A titre d’exemple, le champ lexical d’un individu est en étroite corrélation à sa propre expérience. Les mots, à la fois signifiants et symboles, emportent nécessairement une part d’imaginaire, de poésie, propre à chacun. Un chien est un animal de compagnie. Il traduit également un sentiment de fidélité ou un danger, selon l’expérience de chacun. Tout dépend de son expérience de la rencontre avec un chien ou de son apprentissage.
Il ne faut que 20 millièmes de seconde à notre cerveau pour décider de faire confiance à un interlocuteur, de le juger sympathique ou pas, dangereux ou non … Notre cerveau déclenche alors un automatisme inconscient, résultat d’un enjeu de résilience passé, donc de notre évolution dans un environnement hostile. Ce mécanisme relève des « neurones fuseaux », propres à l’humanité, les animaux en étant totalement dépourvus. Les humains sont capables, par exemple, de déceler de multitudes façons de sourire, se traduisant par une réaction immédiate et instinctive d’adhésion ou de rejet. Seule l’intelligence émotionnelle peut contrebalancer cette réaction instinctive, brute et incontrôlable, mobilisant les neurones du néocortex, notre partie du cerveau, qualifiée de civilisée. Ainsi, le cerveau apporte de la nuance aux informations captées, sur base de nos expériences, nos valeurs. Ainsi, l’individu, dans son fonctionnement, peut décider de ne se fier qu’à son instinct, sa « première impression », au risque de passer à côté d’opportunités qui enrichiront son expérience. Sa capacité à développer un processus de pensée mêlant à la fois signification et symbolique, raison et émotion, est un moyen de penser le monde différemment.
Nourrir les émotions positives, les partager pour se dépasser et innover.
Tous les individus ont besoin d’altruisme, de pensées positives. Ressentant la souffrance des autres, aider est d’ailleurs une démarche réflexive. Ainsi, devenir un sauveur concourt à son propre développement, créant une sorte d’extase - en latin ex-stare - hors de soi, un dépassement de soi. Comprendre ses propres émotions, c’est se regarder dans le miroir, et remettre en cause ses certitudes, ses automatismes, et finalement le récit collectif, les principes, l’ordre établi, pour imaginer, pour créer, pour sortir du cadre.
Cette extase, produite par un sentiment humaniste profond, est puissante, une exaltation synonyme de joie extrême. Chaque individu ressentant une telle énergie ne peut s’empêcher de la partager, laissant libre cours à l’expression de ses émotions, cherchant une forme de communion avec l’autre, et ainsi toucher à l’humanité. Or, cette communion n’est pas toujours au rendez-vous, l’interlocuteur pouvant ne pas être réceptif à cette effusion. Certains trouveront cette expression, très impudique, déplacée, considérant que les émotions ne sont que des symptômes d’une faiblesse. Ce jugement peut être très violent pour celui qui s’ouvrait, synonyme d’une remise en cause de sa façon d’envisager la vie, de considérer la relation à l’autre, alors que sa démarche ne se voulait que partage de vie, une forme de poésie, une source de créativité. Le refus de voir la vie comme une poésie ne laisse alors que la place à un chemin de raison austère et cadré, certes plus reposant, plus rassurant.
La raison est émotion.
Le processus rationnel repose sur l’expérience personnelle, base même de l’apprentissage. Or, l’expérience n’est qu’émotion, puisque résultat du ressenti de la situation. L’individu en déduira de la joie, de la peur, de la colère ou de la tristesse. En fait, pensant utiliser sa raison, l’individu ne fait que gérer ses émotions. L’humain est profondément irrationnel.
La question pourrait alors être sur les causes qui nous poussent à porter tant d’importance au rationnel, alors qu’il n’est que la déduction d’une expérience, donc de nos propres émotions. Une des réponses de détracteurs tient souvent, en un mot, la science. A y voir de plus près, la science n’est pour autant pas dogmatique, puisqu’elle évolue dans le temps, la physique newtonienne ayant été supplantée par la physique quantique, qui, elle-même, sera, à son tour, détrônée. Pour prendre de la hauteur sur la science, prenons conscience que nous ne comprenons que 3% de la matière de l’univers ! L’humain ne serait-il pas prétentieux à vouloir expliquer le monde et sa complexité ?
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L’émotion est raison.
Avoir raison est un levier important pour tout individu. Chimiquement, avoir raison produit de l’ocytocine, hormone du plaisir. Avoir raison est un moyen rapide de se faire du bien, mais aussi de ne pas chercher à comprendre son champ émotionnel, de confirmer ses croyances, de contenir ses peurs. Dès lors, il est évident qu’accepter à ne pas vouloir forcément avoir raison ou détenir la vérité peut être vécu comme un inconfort face à l’incertitude du monde, déshabillé de ses croyances. En outre, le stress lié à l’inconnu et généré par la production de cortisol empêche tout apprentissage. Tout le monde a fait l’expérience de la sidération dans une situation de stress, empêchant toute réaction, toute intelligence. L’apprentissage et le stress ne vont pas ensemble !
La compréhension de ses propres émotions est clé pour pouvoir penser. Toute émotion négative empêche un processus rationnel, et surtout tout dialogue entre les individus, donc toute construction. La plupart des individus ont pourtant intégré ce subtil équilibre entre supposés ennemis, entre raison et émotion. Cela démontre bien que ce n’est pas parce qu’une chose est comprise intellectuellement, qu’elle est intériorisée.
Pour un véritable dialogue dépassionné !
Face au stress, il n’y a qu’une façon de rétablir le dialogue. L’empathie, celle qui écoute, encourage l’expression, comprend, est la première étape. Une fois dépouillée des émotions, surtout celles qui enferment, qui sclérosent, l’analyse des faits, rationnelle, peut alors s’engager. Pour mettre en œuvre ce processus empathique, il est primordial d’apprendre à se connaître, à apprivoiser ses émotions, pour ensuite s’ouvrir à la différence et aux autres. Savoir dépasser ses propres émotions facilite une décision basée sur un peu plus de raison, c’est-à-dire de faits objectivés, tout en évitant de tomber dans le piège de la rationalisation de sa propre émotion ! Ainsi, la décision relèvera d’une véritable co-construction avec l’autre, sachant ce ne sera plus le résultat de sa propre émotion, individuelle, mais bien d’une émotion collective, qui engage. L’humain est, sans aucun doute, un animal social doté d’émotions !
En synthèse :
Prochain article : La pensée – 4/9 Le rapport et le langage