#4 Des idées pour aujourd'hui : Instrumentalisation politique
Le Figaro, 10 mars 2021

#4 Des idées pour aujourd'hui : Instrumentalisation politique

En étudiant les commentaires et analyses concernant la proposition présentée le 10 mars au Parlement européen autour du Devoir de Vigilance, j'ai eu l'impression d'une forme de lobbying inversé. Traditionnellement, on appréhende le lobbying comme l'activité des entreprises, ou plus largement d'organisations, qui cherchent à informer des décideurs politiques afin d'orienter des législations dans un sens qui leur convient ou a minima qui les pénalise moins fortement.

Dans le cas du Devoir de Vigilance au niveau européen, il apparaît clairement que les élus affichent leur incapacité à agir dans le cadre des organisations multilatérales pour infléchir certains comportements institutionnalisés dans des pays comme la Chine ou le Brésil, et qui ont des impacts délétères sur certaines populations et/ou sur l'environnement.

Ainsi, l'AFP indique :

ce texte est une réponse aux limites de l'action diplomatique et des traités: "Il est impossible de faire entendre raison au (dirigeant brésilien) Bolsonaro sur l'habitat des populations indigènes ou au gouvernement chinois sur la question des Ouïghours"

Dès lors, les euro-députés souhaitent s'appuyer sur les entreprises internationales, tout en actant que les engagements volontaires ne fonctionnent pas - "ces standards volontaires ont échoué à réprimer les errements des entreprises (...) Désormais, leur responsabilité civile sera engagée et elles devront réparer les préjudices causés", explique l'eurodéputée néerlandaise Lara Wolters (Sociaux-démocrates), rapporteure du texte -, pour forcer à des évolutions de comportements.

C'est à la fois une reconnaissance de l'impact positif que peuvent les entreprises, mais aussi, et peut-être surtout, le constat que cet impact doit être encadré, incité, et même contraint par la loi.

Il me semble intéressant de constater cette évolution dans la manière dont les politiques appréhendent les entreprises, au travers d'une forme d'instrumentalisation pour un bien commun universaliste car cela peut singulièrement transformer les relations entre législateurs et multinationales.

Bien évidemment, les organisations représentatives des entreprises vont agir pour amoindrir la portée du texte sur ce Devoir de vigilance au niveau européen. Et c'est logique dans une dynamique de recherche de compromis.

Il y a en tout cas une véritable transformation qui s'opère dans les relations entre politiques et entreprises. Après le B20 en parallèle du G20 sur les enjeux économiques, ne peut-on pas imaginer l'entrée d'une représentation internationale des entreprises au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies ? Fiction !!

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