5/9 La pensée – L'action

5/9 La pensée – L'action

L’humain condamné à agir pour vivre !

L’action est un repère dans le temps qui passe. Les souvenirs peuplent nos mémoires, d’actions, de sensations. Quand nous nous plongeons dans les souvenirs, en s’appuyant sur des événements, c’est aussi traverser le temps. Ainsi, agir, c’est prendre conscience du temps, de son rapport à la vie, à la mort, de la finitude, inscrite dans chacun.

L’action est donc un moyen d’existence, de donner du sens à sa vie. Or, à l’instar de grands mythes, comme les Danaïdes ou Sisyphe, l’Humanité se construit dans une quête absolue et inachevée du bonheur, d’un toujours plus. Les humains se donnent des objectifs à atteindre pour enfin toucher au Graal, le bonheur. Et pourtant, une fois ces objectifs matériels atteints, ils se rendent compte que le bonheur imaginé n’est toujours pas là, comme s’il n’était que pure illusion, juste un moteur pour vivre.

D’ailleurs, cette recherche de bonheur s’inscrit pleinement dans le récit collectif de la société qui nous entoure et qui nous abreuve de préceptes de la réussite. Devenir propriétaire, posséder une voiture, constituer une famille, aller en vacances sont, pour beaucoup, autant de repères pour qu’un individu puisse se définir et s’inscrire dans une communauté, la société. Ainsi, ce récit collectif, aujourd’hui, faut-il le reconnaître, très consumériste, chaque avoir étant un marqueur de réussite, se définit comme le cadre du passage à l’action, ce qu’il faut faire pour être reconnu, pour nourrir son estime de soi. L’individu doit agir pour exister et son action s’inscrit concrètement dans une quête de sens.

Un des pièges est la surabondance d’activités, qui est le meilleur moyen, pour certains, de ne pas ressentir le temps qui passe, de s’oublier en quelque sorte. Tout individu a, pourtant, en soi, une profonde solitude, liée à son incompréhension de la vie, de son sens, de son rôle. Certains affrontent cette question avec sérénité, comprenant qu’ils n’auront jamais aucune réponse, à ce qu’ils appellent, le néant. La vie serait « un pont entre deux néants ». La plupart ont conscience de cette question existentielle, qui est source de peurs, et, de facto, de croyances pour essayer de contrôler sa vie, de contrôler l’incontrôlable. Se regarder dans le miroir pour y trouver le néant est un exercice difficile. Alors, s’abreuver d’activités, quitte à s’en saouler, permet de repousser le temps du questionnement.

Trouver du sens à l’action est de plus en plus difficile.

De nos jours, la complexité grandissante du monde peut remettre en cause le sens, puisque l’individu agissant l’acteur, n’est pas certain de pouvoir atteindre les objectifs qu’il s’assigne. Un grain de sable, ce fameux battement d’ailes du papillon, pourrait venir compromettre ses projets. En outre, l’action et ses conséquences se lisent plutôt dans le temps long, dans l’infini, sans pouvoir maîtriser les liens de causes à effets. La vie ne serait qu’une multitude infinie d’actions et de réactions. L’action, c’est un certain rapport au temps, au temps long en matière d’impacts, et donc de sens. A ce stade, se pose naturellement la question de la destinée, du prédéterminisme. Si je ne contrôle pas les conséquences de mes actes, autant renoncer, se laisser porter par la vie sans décider ni agir. Le renoncement, le non-agir, est un défi à la vie, une remise en cause directe de l’essence-même du sens, du récit collectif. La position est difficilement tenable, à moins de devenir un sage, un Yoda, tant le libre-arbitre prévaut du rôle que l’on se donne dans la société, donc du sens de la vie.

Dans la société, l’individu se définit par ses actes. Il est important de distinguer la culpabilité de la responsabilité. Comment un individu, du moment où il suit son cœur, peut-il nourrir une culpabilité sur des conséquences qu’il ne pouvait pas anticiper ? Certes, il est pleinement responsable. Or, le groupe ne tient souvent que par le sentiment de la culpabilité, cherchant à juger et donc punir. C’est bien toute la question de la morale et donc du récit collectif qui est en jeu. A titre d’exemple, certains actes ont engendré une culpabilité dans le passé, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. L’acte se juge à l’aune du récit collectif, de la morale en place. Qui juge ? Les autres ? Sont-ils pour autant meilleurs, ce qui laisserait sous-entendre la notion de perfection ? a moins que le récit collectif se dote d’institutions pour juger … Le jugement est souvent corrélé à la punition, à la réprimande, rendant très perméable la justice de la vengeance. Pour ce qui est de la perfection, elle n’est pas de ce monde. Qui jugera de l’action ? Le regard de l’autre, celui qui appartient à la même communauté, société, avec lequel l’individu partagerait a priori des valeurs, un sens, un récit collectif, peut aussi être un obstacle au passage à l’acte. Nobody is perfect !

Agir sans savoir ou l’épreuve ultime de l’humilité

Tout l’enjeu réside dans la capacité à repositionner l’action dans le sens. Ainsi, la solution la moins pire est de projeter l’action dans le temps long, voire l’éternité, où plus personne ne pourra juger. Les individus sont tous en quête d’éternité, comprenant qu’ils vont mourir une seconde fois quand ils disparaitront de la mémoire des vivants. Tout l’enjeu de l’action dans le temps long devient, pour certains, une course contre le temps et la disparition, une course pour le sens.

Que faire ? Oscar Wilde nous propose « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d'échec, on atterrit dans les étoiles ». Puis, chercher plutôt à profiter de la capacité à agir, de l’action-même, de chaque pas qui nous rapprocherait de la Lune. Intégrer cette fameuse sérendipité dans la vie, ce hasard qui fait bien les choses, c’est-à-dire accepter de passer à l’action, sans anticiper, sans savoir, sans objectifs. Penser contrôler, penser anticiper, ne serait-il finalement pas présomptueux ?

Le plaisir de l’action est finalement le seul bonheur atteignable et certain. Certains considèrent que le travail est une source de pénibilité. Certes, certains métiers relèvent plus du sacerdoce. Mais, intégrer que l’action est un moyen de vie, d’être utile, reste la seule issue possible. S’engager dans la vie sans objectif, redevenir instinctif, comme l’animal que nous sommes, petit clin d’œil à mon ami entraîneur d’athlétisme, et ressentir le simple plaisir d’agir. Finalement, vivre ! Plutarque nous engage « à vivre, et non seulement exister ». Prendre conscience qu’agir, c’est vivre ! Je ne peux terminer cet article sans citer ces quelques vers tirés de Cyrano de Bergerac :

« Et que faudrait-il faire ?

Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,

Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc

Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,

Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?

Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,

Des vers aux financiers ? Se changer en bouffon

Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,

Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?

Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?

Avoir un ventre usé par la marche ? Une peau

Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?

Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…

Non, merci. …

… Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,

Rêver, rire, passer, être seul, être libre,

Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,

Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,

Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !

Travailler sans souci de gloire ou de fortune,

À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !

N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,

Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,

Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,

Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !

Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,

Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,

Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,

Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,

Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,

Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! »

En synthèse :

  • Agir est le moyen d’exister, de donner du sens à la vie.
  • Donner du sens à l’action est de plus en plus difficile face à la complexité du monde et l’incapacité à anticiper les conséquences de ses actes.
  • Ne pas confondre culpabilité et responsabilité, la perfection n’étant pas de ce monde.
  • Trouver le bonheur dans le simple plaisir d’agir.

Prochain article : La pensée – 6/9 La décision 


de Taisne Xavier, CFA

Partner at Magellan Finance

3 ans

Cette soif d'actions : vanité des vanités ou destin qui s'accomplit ? Vaste sujet ! Merci pour le partage

Luc JEANNIN-NALTET

Saint Bernard du process crédit BNP Paribas Expert certifié en GOUVERNANCE Lieutenant-colonel RC Gendarmerie Nationale COMCYBERGEND COMCYBER-MI

3 ans

Vive l ACTION notamment en période d Élections Je vote La CCI de demain Merci Philippe Auther et Howard Partners

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