Ah, ces millions de chômeurs qui ne recherchent pas d'emploi...
La moitié seulement des inscrits à Pole emploi touchent une allocation chômage. Source: pole-emploi.fr

Ah, ces millions de chômeurs qui ne recherchent pas d'emploi...

Il y a dix jours, Eric Ciotti s’est positionné sur la négociation sociale en cours de l’assurance-chômage qui doit redéfinir les conditions d’indemnisation pour les deux années à venir. Lors d’un entretien dans Le Parisien / Aujourd’hui en France, le président des Républicains s’est ouvertement prononcé pour une baisse du montant et de la durée d’indemnisation des bénéficiaires du régime afin d’inciter les allocataires à reprendre plus vite un emploi. «Aujourd’hui, plus de 5 millions de Français sont inscrits à Pôle emploi alors que des dizaines de milliers d’entreprises peinent à recruter dans ce qu’on appelle les secteurs en tension. Il faut revaloriser le travail par rapport à l’inactivité, s'est ainsi justifié Eric Ciotti. Avoir une véritable politique de solidarité sociale, c’est offrir du travail à tout le monde et des revenus élevés à tout le monde. Il faut rompre avec cette fausse idée que plus on donne des allocations, plus on exprime une solidarité.»

L'objectif du patron des Républicains est double. 1/ «Rendre moins attractive» l'indemnisation du chômage et 2/ Dégager «un gain de plusieurs milliards d’euros». Sur le papier, rien à redire : il y a un déséquilibre sur le marché de l’emploi et on veut créer la rencontre entre une offre et une demande de travail en agissant sur les prix. Mais la mise en œuvre est un peu plus complexe, en partie parce que la réponse apportée par le président des Républicains se trompe de cible. Je m’explique. S’il y a bien quelque 5 millions d’inscrits actuellement à Pole emploi (précisément 3,01 millions en catégorie A à la fin du 2è trimestre 2023, un peu moins de 5,35 millions -chargés de rechercher activement un emploi- en catégories A, B et C, et enfin 6,09 millions dans les 5 catégories recensées), elles sont loin de toutes bénéficier d’une allocation chômage.

On le sait peu mais la moitié seulement des inscrits à Pole emploi reçoivent une indemnisation chômage et la moitié des ces bénéficiaires ne travaillent pas (les autres sont en activité partielle, avec des contrats de travail de plus ou moins 78h par mois). Mieux, le montant moyen de l’allocation versée est très loin des sommes astronomiques (plafond de 6000€ par mois) souvent mises en avant dans les médias et non significatives : 982 euros net au dernier pointage, soit moins de 1000€ par mois. Quant à la durée d’indemnisation, elle est en moyenne inférieure à un an, et ce parce que les bénéficiaires n'ont pas acquis assez de droits pour toucher une allocation plus longtemps.

Donc non seulement la base sur laquelle une nouvelle réforme de l’indemnisation est plus réduite qu’on ne le pense, mais les leviers d’action sont de surcroit très limités. Et on voit mal comment, en jouant sur la durée et le montant de l’indemnisation du régime, on pourrait inciter des chômeurs ne bénéficiant pas d’une allocation chômage à retravailler, ou alors marginalement. D’ailleurs, et c’est là que le bât blesse, une récente étude de Pole emploi avait démontré que la part des chômeurs ne recherchant pas activement un emploi était minime : un sur dix, et ce alors que les Français considèrent pour leur part que plus de la moitié des inscrits à Pole emploi ne font aucun effort pour travailler.

Il est encore trop tôt pour juger de l’efficacité des réformes précédentes de l’assurance-chômage, imposées aux partenaires sociaux en charge du régime par le gouvernement et qui allaient toutes dans le sens d’une plus forte incitation à reprendre un emploi : réduction de la durée d’indemnisation, dégressivité du montant de l’allocation versée pour les ex-cadres, relèvement de la durée minimale d’indemnisation, restriction des conditions d’éligibilité, encadrement de la permittence (enchainement de périodes de chômage et de contrats)…

La seule certitude, c’est que toutes ces évolutions ont conduit à faire de fortes économies (de l'ordre de 3 milliards d'euros par an) en réduisant drastiquement le volume des dépenses de l’Unedic afin de dégager des excédents d’exploitation conséquents, que le gouvernement essaye aujourd’hui de récupérer en partie pour financer la création de France Travail. Mais c’est un autre sujet…

Bon, Ciotti ne propose quand même pas de retirer les allocations à ceux qui n'en touchent pas. Il faudrait aussi regarder du côté des autres aides, RMI etc. De quoi vivent les 6,09 millions de personnes inscrites au chômage?

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