Animaux, humains, environnement : 
renouer les liens avec One Welfare (2ème PARTIE)

Animaux, humains, environnement : renouer les liens avec One Welfare (2ème PARTIE)

Suite de l'article (1ère partie) diffusé le samedi 24/08/2024

Article rédigé par Yves Le Guay en août 2024

Source : https://www.agrilearn.fr/formation/bien-etre-des-animaux-et-des-hommes-en-elevage-porcin


Développer l’empathie à la lumière de l’éthologie

Deux mots essentiels guident l’éleveur sur le chemin de One Welfare : empathie et éthologie. L’empathie mobilise l’hémisphère droit du cerveau, celui des émotions ; faisons-lui confiance. Rappelons que l’empathie est un concept assez récent, créé à la fin du 19e siècle par un philosophe et utilisé depuis lors en psychiatrie et en sociologie. Passé finalement dans le langage courant, sa définition reste discutée[2]. Considérons qu’il s’agit d’une capacité propre à l’être humain, innée, présentant trois facettes : émotionnelle, cognitive et motivationnelle, qui permettent de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent[3]. Une condition toutefois : être soi-même, autant que faire se peut, en état de bien-être. En souffrance, vous aurez beaucoup plus de mal à entrer en empathie avec l’autre, humain ou animal, nous dit Delphine POTTIER. La connexion humain-animal sera brouillée.

 

Si l’éleveur est stressé, il va passer à côté d’un animal qui n’est pas bien. Il faut que l’éleveur soit dans de bonnes conditions, soit content de travailler là, et l’animal rend à l’éleveur ce calme. Tout un cercle vertueux. C’est un cheminement qui prend du temps.

Anne-Gaëlle ARZEL - Éleveuse de porcs plein air bio

 

S’informer et comprendre, grâce à l’éthologie

Le second mot, éthologie, rappelle qu’il ne faut pas seulement solliciter son cerveau droit. Être empathique, oui, mais sans tomber dans l’anthropomorphisme[4] qui n’est pas bénéfique pour l’animal. C’est l’hémisphère gauche du cerveau, rationnel, qui nous conduit à agir à bon escient, dans la parfaite connaissance de l’animal auquel on prodigue des soins appropriés à son espèce. À ce titre, l’éthologie porcine, comme nous l’avons montré dans un précédent article, ne cesse de nous apporter de précieuses connaissances sur le cochon, animal injustement méconnu.

 

Connaître les animaux et être sensible à leur sort pour les comprendre et en prendre soin, sans toutefois les considérer comme des êtres humains qu’ils ne sont pas, mais respecter leur personnalité propre et leurs besoins d’espèce. C’est tout le contraire de ce que fait le système agro-industriel qui est une machine à souffrance animale et humaine. Delphine POTTIER qui a gardé précieusement dans sa bibliothèque l’album Martine à la ferme[5] demande aux parents et enseignants d’offrir aux enfants l’occasion de visiter une ferme agroécologique et de caresser les animaux pour construire leur empathie et le respect de l’autre ; ils en ont besoin. À rebours de la brutalité du monde.

  

La traite manuelle (des ânesses) est un moment plus que magique de grande proximité, de douceur ; nous sommes à deux, dans une bulle, à ce moment-là. Quand on trait, c’est l’ânesse qui envoie le lait. L’ânesse, on l’appelle par son nom, elle vient dans l’espace de traite et elle nous donne son lait sans être entravée, ni attachée. Je pense qu’elle ressent son métier d’ânesse laitière comme un échange. Je leur apporte de l’affection, un profond respect, et je crois aussi que tout ce que je leur donne, en fait, je le reçois. La société des ânes représente la société telle que je voudrais l’idéaliser : il n’y a pas de prise de pouvoir, il y a transmission des savoirs, il y a de l’entraide, pas de rejet, l’autre est toujours intéressant. Ça m’a permis de mettre des mots sur mon utopie humaine.

Martine RULENS - Éleveuse d’ânesses laitières à Graulhet (Tarn)

 

La sensibilité au sort des animaux est nécessaire si on veut être un bon éleveur, un bon intervenant en élevage. Il est grand temps, martèle Delphine POTTIER, de passer d’un système d’élevage industriel comparable à une machine à cochons à un système d’élevage plus respectueux du vivant où le lien serait renoué.

 

Entre les animaux familiers et les animaux d’élevage, il y une catégorie d’animaux dont l’utilité est de plus en plus reconnue, on pourrait les appeler animaux thérapeutes ou médiateurs. Quelques mots sur leurs bienfaits.

 

Les bienfaits de la médiation animale

La médiation animale est une clé pour renouer le lien vital humain-animal. Les animaux domestiques ont besoin de nous pour vivre. Mais nous avons aussi énormément besoin d’eux pour construire notre humanité.

 

Les animaux sont très patients avec nous ; je prends l’exemple des juments où parfois je suis maladroit : « C’est pas grave, mon gars, on t’en veut pas du tout ; et puis demain, on sera encore disponibles ». C’est très précieux ; je connais peu d’hommes capables de ça ; on en sort forcément grandi.

Nicolas CLOUET - Éleveur de vaches maraîchines, traction animale, à Noirmoutiers (Vendée)

 

La zoothérapie désigne l’ensemble des démarches thérapeutiques réalisées grâce à l’action de l’animal. Cette forme de médiation animale est en fait utilisée depuis des siècles. Des établissements spécialisés en soins pour troubles mentaux faisaient déjà intervenir les oiseaux, des chats, des chevaux ou des chiens dans leur travail avec leurs patients dès le 19ème siècle. Les professionnels sont formels, l’intérêt de la zoothérapie est avéré et même précieux, que les patients souffrent de problèmes psychiques (dépressions, autisme, troubles psychiatriques) ou physiques (personnes en situation de handicap, malentendantes, non-voyantes, accidentées…). La thérapie par l’animal est aussi utilisée dans le cas de maladies longues face auxquelles le moral du patient est vital dans son combat.

 

Médiation animale pour les personnes âgées

Le Dr Maria TASANA qui a consacré sa thèse universitaire à la zoothérapie en EHPAD, fait directement référence à la biophilie :

 De toutes les thérapies qui ont vu le jour ces dernières années, la zoothérapie est peut-être celle qui s’appuie sur l’un des plus anciens et des plus constants phénomènes naturels : le lien étroit qui se tisse entre l’être humain et l’animal.[6]

  

Ce qu’il y a de merveilleux avec la médiation animale, dit Delphine POTTIER, c’est que cette thérapie naturelle fonctionne avec toutes les générations. En maison de retraite où il est difficile pour un résident d’avoir son propre animal de compagnie, la présence des animaux qu’on y fait venir rompt la monotonie de l’existence. Le but est de créer un lien avec l’animal. Au-delà des câlins qu’ils donnent, on va essayer de faire passer les résidents du rôle de soigné à soignant ; c’est très important pour le sentiment d’utilité. Ainsi les animaux améliorent le bien-être des personnes âgées. Des reportages émouvants le montrent très bien.

 

Le contact des animaux permet aux personnes âgées de s’ouvrir et de communiquer tout en réduisant leur stress. Cette pratique permet aussi de travailler la motricité de manière ludique. On assiste à la longue à des modifications progressives et, parfois pour certains, qui restent acquises sur le long terme. La seule présence d’un animal suscite des émotions et provoque des réactions positives, quelle que soit la situation. Pourquoi ? Peut-être parce que chaque individu se tenant face à l’animal, à condition, bien sûr, que sa santé le permette, ressent de l’intérêt pour un autre être vivant que soi.

 

Médiation animale et l’enfant

La médiation animale a des effets bénéfiques sur les jeunes enfants[7] :

·       Une expérience multisensorielle qui favorise l’éveil,

·       Le développement de la confiance en soi et de l’autonomie,

·       L’exploration de la motricité globale et fine,

·       La sociabilisation.

 

Les enfants peuvent ainsi interagir avec l’animal, le toucher, le brosser ou le prendre dans les bras lorsque c’est possible (lapin, cochon d’Inde), lui donner à manger, etc. Ils apprennent ainsi à respecter l’animal et à gérer leurs réactions émotionnelles.

 

 Le site Le Guide Santé mentionne les effets thérapeutiques de la médiation animale, à tout âge. Elle améliore et développe :

·       L’estime de soi et la confiance en soi,

·       La communication verbale,

·       Les compétences sociales,

·       Les interactions avec les autres et le bien-être social,

·       La motivation pour atteindre des objectifs de bien-être,

·       La motricité, les mouvements articulaires, la rééducation fonctionnelle.

 

Et les robots, alors ?

On offre de plus en plus de robots animaux aux enfants, moins contraignants qu’un animal de compagnie. Pensez-vous, interroge Delphine POTTIER, qu’ils répondent vraiment aux critères de développement sensorimoteur évoqués plus haut ? Qu’ils puissent devenir de véritables confidents pour nos bambins ? Ceux-ci apprendront-ils l’empathie et l’entraide auprès de ces jouets aux interactions plus que limitées ?

 

 La controverse de la viande

« L’élevage industriel représente sans doute la plus mauvaise utilisation de ressources de l’histoire de l’humanité. C’est la façon la moins chère possible de produire des millions et même des milliards d’animaux pour nourrir la population humaine ». Tel est le message d’ouverture du film de Benoît BRINGER[8], Faut-il arrêter de manger des animaux ? sorti en 2018.

 Pour nourrir, en effet, une population toujours plus nombreuse, le monde s'est lancé dans une course à la productivité frénétique qui engendre une cruauté souvent ignorée à l'encontre des animaux, mais aussi des problèmes sanitaires et environnementaux majeurs. Partout sur la planète, l'élevage industriel fait des ravages.

 

Ce film-reportage, positif et optimiste, montre qu’il existe d’autres modes d’élevage qui respectent l’environnement et pratiquent l’empathie envers les animaux. Il interroge : quel monde veut-on laisser aux générations futures ? Quel type d’alimentation veut-on produire et voir dans nos assiettes ?

 

Delphine POTTIER rappelle que nous sommes encore 74 %, en France, à nous déclarer omnivores, 24 % flexitariens[9] et seulement 2,2 % à avoir opté pour des régimes sans viande. (INSEE 2020). Il est sain que notre conscience écologique grandisse. On n’a pas besoin de manger autant de viande que nous le faisons. Trop de viande nuit à la santé. Si on souhaite consommer de la viande, en quantité raisonnable, on peut tout naturellement opter pour plus de qualité en se tournant vers des élevages empreints de One Welfare.

 

La mise à mort des animaux d’élevage

Peut-on aimer et respecter les animaux tout en les sacrifiant pour nourrir les humains ? La question est polémique, soulevée non seulement par les activistes anti-élevage mais aussi par des philosophes ; on ne peut pas l’évacuer d’un revers de main. L’excellent documentaire d’Oliver DICKINSON, cité plus haut, Un Lien qui nous élève, évoque l’abattage à la ferme. De plus en plus d’éleveurs le réclament.

 

Le problème de départ, pour le cochon élevé en extérieur, c’est déjà de le faire monter dans une bétaillère pour l’amener à l’abattoir. La contention, c’est le début du stress chez l’animal. Si on abat plein champ, c’est instantané.

Stéphane DINARD - Éleveur de porcs plein air - Collectif Quand l’abattoir vient à la ferme

 

 Les mener à l’abattoir, c’est un sale coup. On les envoie dans un bâtiment plein d’odeurs et de bruits, avec un niveau de stress élevé. S’il y avait possibilité de tuer à la ferme, on aimerait, nous les bio, que nos animaux soient bien traités jusqu’au bout.

Anne-Gaëlle ARZEL - Éleveuse de porcs plein air bio à Penhoadic (Finistère)

 

Emmener les bêtes à l’abattoir, c’est le compromis pour continuer l’élevage, la biodiversité, le métier. L’année dernière, j’ai emmené Queen, une vache de 16 ans ; je n’ai pas eu l’impression de lui offrir une mort à la hauteur de sa vie. C’est nouveau pour moi de m’autoriser des émotions autour de ça (l’abattage) et d’en prendre conscience. Je serais plus à l’aise de tuer les animaux moi-même dans le troupeau en ayant l’impression d’assumer pleinement mes responsabilités (plutôt que de les envoyer se faire tuer ailleurs).

Nicolas CLOUET - Éleveur de vaches maraîchines, traction animale, à Noirmoutiers (Vendée)

 

L’abattage :  pour l’animal et l’éleveur, c’est important de ne pas rompre le lien, de garder le sens, le sens qu’on a eu depuis la naissance, de ne pas avoir le sentiment de trahir. L’abattage à la ferme permet d’éviter la rupture.

Jocelyne PORCHER - INRAE - Montpellier

 

Le collectif Quand l’abattoir vient à la ferme, animé par Stéphane DINARD et Jocelyne PORCHER, travaille sans relâche pour le projet d’abattage à la ferme, plébiscité par des éleveurs soucieux d’accompagner leurs bêtes de la naissance à la mort pour leur éviter le stress du transport et le stress à l’abattoir. Le consommateur-citoyen a aussi un rôle à jouer dans cette démarche vers la légalisation de l’abattage à la ferme. Reste toutefois pendante la question de la mise à mort des animaux qui oppose les défenseurs radicaux de la cause animale aux éleveurs et aux consommateurs de viande. Réfléchissons : qui sont les vrais ennemis des animaux ?

 

Arrêtons nos querelles !

Les éleveurs, dans leur grande majorité, ne sont pas, ils le montrent, ennemis des animaux ; au contraire. À qui profitent les querelles entre végans et carnivores ? Delphine POTTIER le dit : la bataille nuit aux deux parties mais profite aux véritables ennemis des animaux. Pourquoi ? Eh bien, pendant que végans et carnivores se déchirent, les agro-industriels et GAFAM[10], eux, avancent : les uns avec la mise en place de l’intelligence artificielle et de la reconnaissance faciale dans les élevages devenus fermes usines[11], la disparition des éleveurs, techniciens et vétérinaires et la mort programmée du bien-être animal ; les autres, encore plus sournois, en nous habituant progressivement aux robots animaux, aux robots d’aide aux personnes âgées et… à la viande in-vitro. Leur objectif est d’éliminer totalement les animaux domestiques et de devenir incontournables dans toutes les facettes de nos vies, de la prime jeunesse au grand âge, alimentation comprise. Ces scénarios sont effrayants ; ils sont pourtant écrits depuis longtemps, affirme Delphine POTTIER.

 

Et d’exprimer un vœu : qu’on se réunisse enfin entre défenseurs des animaux en empêchant leurs ennemis de nous diviser pour mieux régner. Quoi de plus nécessaire et urgent, pour leur faire barrage, que de renouer le lien humain !

  

Un lien humain bien malmené

Pendant des décennies, l’agro-industrie a coupé les éleveurs de porcs et de volailles du reste du monde en les confinant dans des bâtiments fermés, en déterminant pour eux tout ce qui concerne les animaux, de la naissance à l’abattage, ainsi que la commercialisation de leurs produits. Les éleveurs ont été conduits à un isolement social souvent délétère qui ne leur a pas permis de comprendre les changements à l’œuvre dans la société, au moins jusqu’à ce que le douloureux agri-bashing ne les frappe de plein fouet. Bourreaux ou victimes ? L’agro-industrie a tenté d’y faire barrage tout en abandonnant certains d’entre eux en rase campagne, comme les éleveurs de poules en batterie. Les seules formations auxquelles les éleveurs ont accès, sont bien souvent, réalisées par les agro-industriels eux-mêmes, minimisant les nouvelles attentes sociétales, vantant le business habituel, c’est-à-dire le productivisme débridé. Le système est intégré et puissant ; l’éleveur isolé, conditionné, en général endetté, s’y trouve coincé.

 

Pourtant les consommateurs ont de la sympathie pour les éleveurs

Les consommateurs interrogés en 2022 dans l’enquête des étudiants SYSPEL de l’ENSAT[12]  éprouvent pourtant une grande sympathie, non seulement envers les animaux mais aussi envers les éleveurs. Ils considèrent en outre que pour faire évoluer la prise en compte du bien-être animal par les éleveurs, le meilleur moyen est le soutien des éleveurs et de leurs initiatives (41 %), avant même la réglementation (27 %), et l’éducation (22 %).

 

Ces bonnes dispositions ne doivent pas rester seulement un baume au cœur réconfortant. Il faut s’en saisir pour aller au-devant des consommateurs et expliquer le métier d’éleveur à ceux, nombreux, qui le méconnaissent. En même temps, il faut engager un changement de système de production et le présenter à ses interlocuteurs. Parler au consommateur en face à face passe par une communication authentique et non par la tromperie ; être capable de l’écouter, de saisir ses attentes, et de lui dire où on en est dans le processus de changement vers le bien-être animal. Si on s’adresse à lui par des supports écrits ou numériques destinés à toucher un public large, il faut le respecter. Tout le contraire d’un support des chambres d’agriculture, illustré de façon humoristique, destiné à combattre dix idées reçues sur le bien-être animal, contre lequel s’insurge Delphine POTTIER qui le ressent comme méprisant et accusateur à l’égard du public. Évitons de dilapider par des maladresses le capital de sympathie des consommateurs.

 

Le changement prend du temps

Le changement de système de production ne peut être immédiat, évidemment, ni même rapide. La réflexion est indispensable pour mener à bien le projet, mais l’aspect psychologique est déterminant ; chacun chemine à son rythme dans les différentes phases de sa progression vers l’acceptation du changement et la mise en œuvre. Dans un groupe, les membres n’avancent pas à la même vitesse. Ce qui compte c’est d’être en mouvement, de ne pas rester campé sur ses positions mais à tout moment ouvert, sans jugement. La nouvelle marque Transition est une main tendue au producteur en chemin vers la transition bio, donc en bas de la courbe du changement, et qui veut se lancer.

 

Où que vous soyez dans la transition, nous dit Delphine POTTIER, du moment que vous êtes dans l’état d’esprit One Welfare, vous pourrez sortir de votre isolement en renouant des liens avec d’autres éleveurs, avec des voisins et avec les consommateurs. Et, bien sûr, la relation qui s’établit ainsi passe par des canaux de communication, principalement orale, mais aussi écrite et numérique.

 

Bien communiquer pour accompagner le changement

La plateforme agrilearn.fr propose plusieurs cours en ligne[13] et actions de formation, relatifs à la communication interpersonnelle et en groupe. Chacun peut s’y référer. La première qualité d’une communication saine est l’écoute, une écoute véritable, orientée vers la compréhension de l’autre, dans un esprit d’ouverture. Évitons la dissimulation, la passivité, la fuite, l’agressivité, la dévalorisation de soi et de l’autre, la manipulation… Le but n’est pas de l’emporter sur l’autre mais d’établir et entretenir une relation de confiance qui permettra à chacun de s’enrichir au contact de l’autre et de grandir. L’assertivité définit assez bien l’attitude positive qui favorise la communication interpersonnelle : s’affirmer dans l’écoute et le respect de l’autre, pour une relation apaisée, hors, bien sûr, de toute violence verbale et physique. La Communication Non Violente (CNV) en fournit de précieuses modalités d’application. Tout ce qui est réel et juste, émotion, pensée, demande, peut se dire, mais pas n’importe comment !

  

Bannissons les gestes menaçants, les insultes, les propos agressifs ou méprisants, les reproches, les comparaisons, les dévalorisations, les accusations, les provocations… qui peuvent être ressentis comme violents. Si une colère justifiée nous anime, mieux vaut la verbaliser (sans témoin) à l’interlocuteur que de la manifester par un comportement violent. Refusons les insultes qui nous seraient adressées mais ne nous laissons pas entraîner à y répondre par l’insulte.

 

Dans la société, la communication interpersonnelle, sociale, institutionnelle et politique est trop souvent bien éloignée de ce modèle vertueux ; c’est peu de le dire ! Par exemple, la plaquette des chambres d’agriculture tendant à démonter dix idées reçues sur le bien-être animal peut être ressentie comme accusatrice et agressive, comme les révélations choc de l’association L214. En matière de manipulation, le greenwashing est champion, comme celui de Coca-Cola et de bien d’autres. Refuser d’ouvrir son élevage par peur de remarques excessives est une fuite qui témoigne de la passivité face à une situation désagréable qu’on croit ne pas pouvoir changer. Dommage que l’éleveur angoissé se replie sur lui-même. Échange loyal et respectueux entre deux êtres humains, l’assertivité est la clé d’une communication saine et réussie avec le consommateur.

 

Oser l’assertivité

L’assertivité ne va pas de soi, direz-vous, dans un monde où la communication est parasitée par des tentatives de manipulation et trop souvent empreinte de violence. Comment devenir assertif ? Delphine POTTIER rappelle deux mots clés : empathie et éthologie. Si vous laissez s’exprimer votre empathie naturelle et que vous vous formez à l’éthologie, vous deviendrez tout naturellement assertif. Les améliorations apportées à votre élevage, pour vous, vos animaux et la Terre, prendront tout leur sens et vous rendront fier. Ça vaut la peine d’essayer !

 

Le consommateur, en face de vous, peut se trouver dans des dispositions différentes ; selon sa position, vous n’aurez pas la même discussion mais votre empathie permettra à la relation de s’établir. Les consommateurs français, on le sait, placent beaucoup d’espoir dans leur agriculture pour leur avenir. Dans l’état d’esprit One Welfare, sans le savoir, ils attendent des éleveurs qu’ils produisent des aliments sûrs et de qualité et qu’ils respectent le bien-être animal tout en protégeant l’environnement pour lutter contre le réchauffement climatique. C’est ce qui ressort de l’eurobaromètre publié tous les deux ans par l’Union Européenne. Ne décevons pas ces attentes même si l’expérience montre que, majoritairement, ils achètent encore du prix. Et donc justement, il faut leur parler et leur prouver en actes que vous avez compris la nécessité du changement.

 

Si pour le consommateur seul le prix compte, Delphine POTTIER estime que c’est la société qui dysfonctionne, pas le consommateur. Trouvez-vous normal, demande-t-elle, que d’un côté on vante le bio et que d’un autre côté on ne soutienne pas la filière bio ? Ce positionnement de l’État n’est pas logique et doit être revu. Alors quoi ! la pauvreté s’accroît, on le sait, à un rythme très inquiétant. En 2021, un Français sur cinq sautait certains repas pour des raisons financières. En 2022, les banques alimentaires ont constaté que le nombre de personnes accueillies a été multiplié par trois en dix ans[14]. Notre agriculture agro-industrielle « performante » ne permet pas de nourrir tout le monde.

 

Consommation de viande, quelles nouvelles attentes ? 

L’enquête Harris-Interactive de 2021 qui pose cette question, révèle ou confirme que les Français interrogés veulent des informations sur les alternatives à la consommation de viande, ils demandent de les encourager à consommer de la viande de meilleure qualité, de prévenir l’obésité, d’encourager la transition vers une consommation plus durable, d’informer les Français sur l’impact écologique de la consommation de viande, de les encourager à consommer moins de viande, de servir une alimentation de qualité dans les cantines scolaires, d’informer les Français sur la valeur nutritionnelle des aliments qu’ils consomment. Bref, ils réclament une action plus volontariste de l’État.

 

Pourtant, seuls les nantis ont accès au meilleur en matière d’alimentation saine. Il y a de quoi s’insurger. Face aux lobbys de l’agro-industrie, dit Delphine POTTIER, il faudrait vraiment prôner le changement de mode de production alimentaire en prenant ouvertement l’agroécologie comme solution pour une agriculture durable et éthique. Au Salon de l’agriculture 2023, le ministre de l’Agriculture a annoncé que le gouvernement s’engageait à soutenir le bio. Des mesures concrètes ont été annoncées mais ce sont malheureusement surtout des mesures d’urgence. Les mesures structurelles pour le long terme ont bien peu d’ambition.  On comprend que ce sera surtout aux collectivités locales, aux agriculteurs et aux consommateurs de se mobiliser pour accélérer le changement vers l’agroécologie. L’état semble visiblement ne pas faire le poids face aux lobbys de l’agro-industrie.

 

Plus forts, ensemble

C’est le titre d’un album pour enfants[15] poignant, célébrant la bienveillance, l'acceptation d'autrui et l'importance de la solidarité. Quels sont les parents qui n’enseignent pas les valeurs d’entraide et de partage à leurs enfants ? Ils ont raison.

 Mais alors, pourquoi ne pas incarner et défendre de telles valeurs à l’âge adulte ? Puisqu’on ne peut pas attendre du gouvernement qu’il agisse seul face aux lobbys agro-industriels, eh bien prenons les affaires en main, collectivement, en adoptant l’état d’esprit One Welfare : garantir le bien-être humain, le bien-être animal et le respect de l’environnement, en toute bienveillance.

 Ridicule ! Utopique ! Voyons donc, on ne vit pas dans un mode de bisounours ! C’est ce qu’on rétorque dans l’agro-industrie qui a bâti un monde cruel et sans pitié où règne la loi du plus fort, la seule qui permettrait de survivre, comme c’est le cas, d’ailleurs, dans la nature. Une loi naturelle, donc. Surprenant argument après des millénaires de civilisation et de culture censées instaurer une société bien plus évoluée que celle des animaux dans la nature, puisqu’elle a inventé la science, l’art, la morale et plein de choses sophistiquées qui font de nous des êtres supérieurs.

 

Des éthologues et la loi de la jungle

À ce propos, des éthologues qui ont étudié comment survivent les espèces conviennent à présent qu’il faut se débarrasser de l’idée reçue selon laquelle la loi du plus fort régirait la nature. Étonnant, non ? Détonnant, même ! Un livre de Pablo SERVIGNE et Gauthier CHAPELLE vulgarise certaines de leurs découvertes : « L’entraide, l’autre loi de la jungle »[16]. Il est salué par Matthieu RICARD[17] :

 

« Il ne fait aucun doute que l’entraide est omniprésente dans la nature. Chez les humains, elle est l’une des manifestations les plus directes de l’altruisme. Elle mène au double accomplissement du bien d’autrui et du sien propre. L’étude pénétrante de Pablo SERVIGNE et Gauthier CHAPELLE qui dresse le portrait de cette autre « loi de la jungle » est donc plus que bienvenue à une époque où nous avons tant besoin de favoriser la coopération, la solidarité et la bienveillance, pour construire ensemble un monde meilleur »

 

Vers une société de l’entraide

Ne pensez-vous pas, interroge Delphine POTTIER, qu’il est temps de tourner la page d’une société de consommation auto centrée pour ouvrir une nouvelle page, celle d’une société de l’entraide ? L’économiste Éloi LAURENT le confirme :

 

« Si l’on veut aller vers des sociétés de bien-être, c’est-à-dire à la fois de santé et de bonheur, la coopération est la clé. Une très belle étude conduite à Harvard montre que la qualité des relations sociales constitue le facteur essentiel à la fois pour l’espérance de vie et le bonheur.»[18]

 

Déjà en 2013, « Donnant, donnant », le livre de Adam GRANT[19] avait pris le contrepied d’une vision quasi belliqueuse de la vie en entreprise, prônant au contraire la générosité. On peut réussir en étant un donneur plutôt qu’un preneur. Pour se protéger des preneurs mieux vaut les ignorer que les combattre. De la même façon, il vaut mieux chercher ensemble des solutions pour progresser dans la transition agroécologique. Inutile de lutter contre l’agro-industrie, vous risquez d’y perdre des plumes, prévient Delphine POTTIER qui connaît bien ce monde. Organisons plutôt la lutte POUR l’agroécologie, un pilier du One Welfare.

 

Une initiative : l’accueil social à la ferme

(Re)générer des solidarités, des services rendus, c’est ce que propose l’Accueil social à la ferme et en milieu rural, organisé en France par Accueil Paysan et le réseau des CIVAM[20]. Des initiatives comparables existent dans d’autres pays. Ainsi, des agriculteurs et autres acteurs ruraux accueillent des personnes qui éprouvent la nécessité d’une rupture momentanée avec leur quotidien. Le mouvement s’attache à concilier des valeurs sociales et solidaires avec la valorisation des territoires agricoles et ruraux, et la défense de l’environnement. Ils façonnent une manière de vivre ensemble plus proche les uns des autres. L’élevage y a toute sa place, qui ouvre ses portes et contribue au réconfort des personnes accueillies.

 

Nous sommes, répétons-le, à la croisée des chemins. Nous pouvons décider de continuer à vivre dans une société où la compétition et la lutte individualiste pour l’accès à toujours plus de richesses et de pouvoir est la clé, ou bien nous pouvons reformater collectivement nos disques durs et passer à une nouvelle ère où l’empathie et la coopération seraient les nouvelles règles à suivre. On ne saurait trop recommander le magnifique livre de Frans DE WAAL, « l’Age de l’empathie »[21]. Dans cet ouvrage plein de vie et d’humour, cet ethnologue réputé démontre que l’instinct de compassion n’est pas l’apanage exclusif de l’homme. Il révèle également que l’empathie et la coopération représentent des avantages sélectifs décisifs pour la perpétuation des espèces. Un livre de nature et de science à l’évidente portée politique.

 

Nous avons le pouvoir de décider

Regardons comment les animaux ont évolué et prenons exemple sur eux pour nous reconnecter à eux et à la planète. Nous avons le pouvoir de choisir le mode de société que nous voulons pour nos enfants, à condition de nous engager dans la courbe du changement, maintenant.

 

Nous avons autant besoin des animaux qu’ils ont besoin de nous. Si on laisse l’agro-industrie ou les GAFAM prendre la main, alerte Delphine POTTIER, nous risquons de perdre définitivement le lien millénaire qui nous unit aux animaux, mais aussi le lien qui nous relie aux autres humains. De l’avenir de l’élevage dépend aussi l’avenir de notre humanité. Voulons-nous perdre définitivement notre empathie pour les animaux et pour les hommes ; c’est là le véritable enjeu de la lutte pour l’agroécologie car seul l’élevage agroécologique peut s’inscrire dans une société respectueuse de tous les êtres vivants et à la Terre.

 

Renouer le lien à la Terre

L’inéluctable réchauffement climatique est anxiogène ; chaque épisode de canicule, chaque feu de forêt, chaque période de sécheresse ou d’inondations dévastatrices ravivent notre anxiété. On peut couper le flux des informations ; inversement, on peut décider d’agir. L’action est un bon remède à l’angoisse. Faute d’empêcher le dérèglement climatique, il existe des solutions simples pour réussir ensemble à en limiter l’impact sur nos vies et celles de nos enfants. Les bonnes pratiques d’élevage en font partie.

 

Le rapport de synthèse du GIEC, publié le 20/03/2023 sonne à nouveau l’alerte et donne des préconisations pour limiter la hausse des températures en dessous de 2o C d’ici la fin du siècle :

 

Ne plus ouvrir aucun gisement de pétrole ni gaz, sortir du charbon, prendre moins l’avion, arrêter la déforestation, manger moins de viande, développer les énergies renouvelables, les transports en commun, voitures électriques, vélo, la rénovation énergétique et l’agroécologie. Mises en œuvre à grande échelle, ces dispositions pourraient faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre de 40 à 70 % d’ici 2050.

 

Et le représentant du GIEC d’ajouter :

La période est cruciale, on le sait. Les choix d’aujourd’hui conditionnent le climat de demain, pas celui de 2100 mais déjà celui de 2040-50. Pourtant la majorité des investissements publics et privés reste dirigée vers les énergies fossiles au lieu de financer des solutions plus favorables au climat.

 

L’élevage peut y contribuer

Dans le milieu de l’élevage, deux propositions retiennent particulièrement l’attention : réduire notre consommation de viande, développer l’agroécologie. Une courte vidéo réalisée par Ipes-food[22] enfonce le clou :

 

La révolution verte a produit l’augmentation des rendements mais au prix de la pollution des sols et des eaux, de l’uniformisation des paysages, de la disparition des petits agriculteurs, de l’effondrement de la diversité biologique et alimentaire, de la perte des habitats naturels, créant les conditions parfaites pour que des maladies dangereuses se propagent aux populations humaines. Que faire maintenant ? Continuer l’agriculture intensive, des réglages techniques pour combattre les ravageurs et contrôler notre environnement ?

 

L’avenir de l’agriculture pourrait toutefois être très différent. Partout dans le monde des communautés convergent vers un concept simple mais puissant, l’agroécologie. Elle mise sur la diversité dans les champs et dans l’alimentation des communautés, sur la coopération, les solidarités, les circuits courts. C’est une façon d’organiser différemment nos systèmes alimentaires. Allons-nous rester piégés dans le 20è siècle, ou allons-nous adopter l’agroécologie comme prochaine évolution des systèmes alimentaires ?

  

Manger moins de viande

En France, entre 1800 et 2000, nous avons quasiment multiplié par cinq notre consommation de viande[23] C’était considéré, il faut le dire, comme une conquête sociale. À présent, nous en connaissons les impacts négatifs sur la santé et l’environnement. Prise de conscience d’une population toujours plus sédentaire et accroissement de la pauvreté, chez les adultes la consommation moyenne hors volaille (pourquoi est-elle exclue ?) diminue depuis 2010. Le site d’INTERBEV[24] a d’ailleurs opté pour un slogan mieux adapté aux changements à l’œuvre dans l’opinion publique : « Aimez la viande, mangez-en mieux ».

 

Carbone4[25] a réalisé en 2021 un graphique donnant l’empreinte carbone moyenne en France en kg d’équivalent CO2 par personne. Par ordre décroissant, on trouve d’abord les déplacements (notamment la voiture), puis l’alimentation, le logement, les achats, enfin notre part dans les dépenses publiques. L’empreinte carbone de la consommation de viande est importante (autant que gaz et fioul cumulés ou que les achats de la maison + loisirs). De 2019 à 2050, il faudrait passer d’un total de onze tonnes équivalent CO2 à deux tonnes. L’effort, considérable, doit être collectif : les individus, les entreprises et les pouvoirs publics. L’agriculture n’est pas en reste.

 

Aller vers l’agroécologie

Passer du système agro-industriel à l’agroécologie, répétons-le, exige une véritable refonte des valeurs. Il ne s’agit pas de verdir son élevage mais de changer vraiment de système de pensée et d’élevage. Un mode de vie plus conscient, plus ouvert sur les autres, plus solidaire, plus tolérant. Adopter l’état d’esprit One Welfare pour ne laisser ni l’homme, ni l’animal, ni la Terre de côté. Penser global, agir local.

 

Tout ça est bel est bon dans le discours, même s’il est loin d’être partagé, mais concrètement, qu’en est-il ?

 

La plateforme agrilearn.fr propose plusieurs documentaires sur des fermes engagées dans la démarche. Le module 4 du cours en ligne d’Alain PEETERS « Réussir sa transition vers l’agroécologie » montre une douzaine de témoignages très convaincants.[26] Dont une jolie citation pour donner envie de les écouter toutes et de faire connaissance avec ces paysans épanouis :

 

Partager notre métier et apprendre (aux autres) les beautés de ce métier...

Il nous permet de nous dépasser et de viser toujours

plus haut à chaque nouveau défi rencontré.

L'environnement est au centre de nos préoccupations.

En plus d'être bio, nous sommes également

en agriculture de conservation des sols.

Il ne faut pas être fou pour travailler ici

mais ça aide... !

Florian Henneuse - Éline Dufossez

Maraîchers & éleveurs ovins

 

Sur le Web, on peut trouver de nombreux témoignages d’éleveurs. Pour en apprécier la valeur, une boussole, One Welfare : les humains, les animaux et l’environnement sont-ils pris en compte ? N’hésitez pas à les contacter pour constituer votre réseau.

 

Pas de modèle, mais un exemple

Parmi ces témoins, le réseau CIVAM présente Jérôme AUDURIER à Saint-Varent (Deux-Sèvres). Avec ses trois associés de l’EARL Les Versaines et un apprenti, il cultive 190 ha, élève 110 vaches laitières et 180 brebis. Installé seul en 1994, il a commencé en conventionnel comme son père avant lui. Au début des années 2000, s’interrogeant sur son recours massif aux produits phytosanitaires, il a visité une exploitation qui a fait le choix d’un système herbager. Il s’est informé, a rejoint le CIVAM, s’est formé pour mieux comprendre la plante et le sol et s’est lancé dans le changement progressif de son système. Son but : produire de façon économe, pour une agriculture durable qui impacte le moins possible l’environnement, en créant de l’emploi et en s’épanouissant dans le travail.

 

En 1994, l’IFT[27] était de 2,64 ; il est descendu progressivement à 1,25, puis 1,18 puis 0,63 pour arriver à zéro. Oui, c’est possible de se passer des pesticides tout en assurant des rendements et un revenu satisfaisants. Ce n’est pas un retour en arrière vers une agriculture fragile et misérabiliste comme ses détracteurs veulent le faire croire, mais au contraire un grand progrès. Comment ? En introduisant des prairies temporaires de graminées + légumineuses dans la rotation des cultures, puis des mélanges céréaliers, il a réduit pas à pas les fertilisations azotées, puis les insecticides, les fongicides, puis les herbicides, puis finalement les cultures de vente. On aurait mille questions à lui poser sur ses pratiques culturales, les choix variétaux, la fertilisation, l’alimentation de ses animaux, etc. Il reconnaît qu’il a encore plein de choses à améliorer : la technique de pâturage, l’aspect sanitaire du troupeau, la génétique vers un troupeau plus rustique, peut-être la vente directe en créant de l’emploi… C’est ça qui rend le métier passionnant. On s’éclate, dit-il en conclusion. Bravo !

 

Résilience alimentaire

Faute de pouvoir arrêter le dérèglement climatique, en particulier son réchauffement inéluctable, il faut tout mettre en œuvre pour d’une part le limiter, et pour d’autre part en atténuer les effets. En remplaçant notre système alimentaire actuel, délétère pour la planète, par un système plus durable, l’agroécologie, on pourra absorber en partie les chocs du dérèglement climatique ; c’est ce qu’on appelle la résilience. Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, rappelle Delphine POTTIER, en adoptant l’état d’esprit One Welfare appliqué dans l’agroécologie qui intégre le respect des êtres humains, des animaux et de la Terre. Chacun peut s’impliquer dans son développement, ne serait-ce que par des actes d’achat réfléchis et militants.

 

Elle adjure l’État de soutenir l’agroécologie, de montrer qu’il n’est pas seulement la proie consentante des lobbys agro-industriels, qu’il se soucie de préserver notre avenir et celui des générations futures, qu’il n’est pas sourd à l’appel de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) à choisir One Welfare pour parvenir aux objectifs de développement durable.

 

Pour une insurrection des consciences

Il est temps que les consciences s’éveillent, comme s’employait à le dire Pierre RABHI[28] auteur notamment de L’agroécologie, une éthique de vie :

 

« Il nous faudra répondre à notre véritable vocation qui n’est pas de produire et de consommer, mais d’aimer, d’admirer et de prendre soin de la vie ».

 

Si nous voulons que nos enfants grandissent dans un monde simplement vivable, rappelons-nous que produire toujours plus d’animaux selon le modèle agro-industriel peut engendrer comme lourdes conséquences animales, humaines et environnementales. Rappelons-nous que laisser l’intelligence artificielle s’occuper de nos enfants, de nos animaux et de nos aînés à notre place pourrait avoir des conséquences désastreuses pour notre propre bien-être humain. Privés d’animaux, nous ne pourrions plus développer notre empathie ni recevoir les soins muets et réconfortants que nous produisent spontanément les animaux en état de bien-être. Si on nous privait d’animaux domestiques élevés dans le respect de leur bien-être, notre humanité serait gravement altérée.

 

 

Pour conclure, écoutons le directeur de la FAO de 2012 à 2019, José Graziano da Silva, agronome et écrivain :

 

Nous devons encourager un changement en profondeur de la manière dont nous produisons et consommons les aliments. Nous devons promouvoir le système alimentaire durable qui offre une alimentation équilibrée et nutritive, les services éco systémiques et une meilleure résilience face au climat. L’agroécologie peut contribuer au processus de transformation de nos systèmes alimentaires.

  

Avec l’agroécologie comme objectif et One Welfare comme boussole, avançons ensemble vers un monde meilleur. Merci à Delphine POTTIER d’en ouvrir la porte.

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 [1] Mohandas Karamchand GANDHI : dirigeant politique et spirituel, leader du mouvement pour l'indépendance de l’Inde (1869-1948).

[2] À propos de l’empathie, voir dans le Monde diplomatique d’avril 2024, l’article d’Evelyne Pieiller : La bonne réaction.

[3] L’empathie se distingue de la sympathie qui évoque l’attirance ; elle n’est pas non plus, évidemment, l’antipathie, proche de la répulsion. L’empathie suggère une disponibilité de l’esprit et du cœur, une disponibilité à l’autre, sans jugement.

[4] Anthropomorphisme = tendance à attribuer aux animaux et aux choses des réactions humaines.

 [5] Publié en 1954 par Casterman, "Martine à la ferme" de Gilbert Delahaye (texte) et Marcel Marlier (illustrations). Nous ne saurions trop recommander aussi un autre livre illustré paru en 2023 : Paysans, le champ des possibles, de Marie-France Barrier, Céline Gandner et Marie Jaffredo, Ed. Les Escales/Steinkis.

[6] www.pour-elles.com/la-therapie-par-les-animaux-ou-le-lien-animal-humain/

 [7] Voir La Maison Bleue, réinventons la crèche

www.la-maison-bleue.fr/actualite/maison-bleue/actualites-crèches/la-mediation-animale-la-maison-bleue

 [8] Si la prise de conscience est là, existe-t-il des alternatives ? Benoît BRINGER, journaliste d'investigation, part à la rencontre de celles et ceux qui inventent d'autres modes de production, plus respectueux de la nature et des animaux. Il met bout à bout les initiatives concrètes qui fonctionnent déjà et pourraient figurer le mode de consommation de demain. (1h10). Production Premières Lignes.

[9] Le régime flexitarien est une alimentation principalement végétarienne, avec une consommation modérée de viande.

 [10] GAFAM : acronyme des géants du Web : Google, Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft.

[11] Fermes usines, même à plusieurs étages comme en Chine.

[12] AgroToulouse, spécialisation SYSPEL (systèmes et produits de l’élevage). Colloque Éleveur et animal, une histoire, deux bien-être, le 17 février 2022.

 [13] Agrilearn.fr : voir en particulier Six outils pour mieux communiquer, de Danièle GUILBAUD.

[14] Source : journal Les Echos.

[15] Plus forts ensemble de Susan Vaught (texte) et Kelly Murphy (illustrations), aux éditions Circonflexe. 2021.

[16] L’entraide, l’autre loi de la jungle, de Pablo SERVIGNE et Gauthier CHAPELLE. Ed. Les liens qui libèrent. 2017.

 [17] Matthieu RICARD, essayiste, philosophe et moine bouddhiste tibétain, né en 1946.

[18] Éloi LAURENT économiste, professeur à Sciences Po et à l’université de Stanford (Californie), dans la revue Alternatives Économiques, article intitulé « Ce qui fait la prospérité humaine, c’est notre capacité à coopérer ». 10 août 2024.

[19] « Donnant, donnant, quand générosité et entreprise font bon ménage », d’Adam GRANT. Ed. Pearson France, 2013.

[20] CIVAM : Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural.

[21] Frans DE WAAL, “L’âge de l’empathie, leçons de la nature pour une société solidaire ». Ed Babel. 2011.

[22] Ipes Food est un panel d’experts internationaux sur les systèmes alimentaires durables.

 [23] Bernard SAUVANT, INRA.

[24] Interprofession bétail-viande.

[25] Carbone4 est un cabinet de référence sur les enjeux énergie et climat, son nom est issu de l’engagement pris par la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à 1990.

 [26] Un précédent article en rend compte : « En chemin vers l’agroécologie, des agriculteurs engagés témoignent ».

[27] L'Indicateur de Fréquence de Traitements phytosanitaires (IFT) est un indicateur de suivi de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques (pesticides) à l’échelle de l’exploitation agricole ou d’un groupe d’exploitations. L’IFT comptabilise le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d’une campagne culturale.

 [28] Pierre RABHI (1938-2021), agriculteur, écrivain et figure pionnière de l’agroécologie, fondateur de l’association Colibris, auteur notamment de Vers la sobriété heureuse, son best-seller, et de L’agroécologie, une éthique de vie, changer l’agriculture pour changer la société, Ed. Actes Sud/Colibris – 2015, entretien avec Jacques CAPLAT.

Mégane Klein Architecte

Architecte HMONP spécialités équipements agricoles et sportifs, intérêt pour les architectures remarquables et atypiques

3 mois

Bonjour Je travaille sur des bâtiments d’élevages expérimentaux et éthologiques prenant en compte le point de vue animal. Il s’agit de prendre en compte concrètement les différentes caractéristiques complexent qui les définissent. L’objectif est de redéfinir la connexion humain et animal mais aussi l’environnement dans lequel ils évoluent conjointement. Merci à Yves Le Guay pour son article.

Rose Lienhardt

Associée co-gérante SARL Agrilearn

3 mois

Merci Yves Le Guay pour cet article très complet!

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