Apport de valeurs minorées à une société

Apport de valeurs minorées à une société

Dans un arrêt en date du 9 mai 2018 (CE 9 mai 2018, n°387071), le Conseil d’Etat juge que lorsqu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément minorée par rapport à la valeur vénale de l’objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l’avantage ainsi octroyé doit être regardé comme une libéralité consentie à cette société.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, un contribuable a donné à son fils des titres qu’il détenait dans la société M.B. Son fils a aussitôt fait l’apport de ces titres à la société Cérès. Ce contribuable a également fait l’apport de la nue-propriété de titres qu’il détenait dans la société M.B.

A l’occasion d’une vérification de la comptabilité de la société Cérès, l’administration fiscale a estimé que la valeur d’inscription à l’actif des actions de la société M. B était minorée. Par conséquent, elle a réhaussé le bénéfice imposable de la société Cérès à hauteur de la différence entre la valeur comptable d’apport et la valeur réelle des actions.

Par cet arrêt, conformément à l’article 38-2° du Code général des impôts, le Conseil d’Etat réaffirme le principe selon lequel les opérations d’apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du résultat imposable.

Le Conseil d’Etat, se référant à l’article 38 quinquies de l’annexe III du CGI, juge toutefois que l’opération d’apport réalisée à un prix minoré est en partie réalisée à titre gratuit. La société bénéficiaire de l’apport doit dès lors inscrire l’immobilisation reçue pour sa valeur vénale.

Par conséquent, l’opération d’apport emporte des conséquences sur le résultat imposable lorsque les parties à l’opération ont volontairement minorée la valeur d’apport des immobilisations pour dissimuler une libéralité consentie par l’apporteur à l’entreprise bénéficiaire.

Le Conseil d’Etat tire les conséquences de cette position et permet à l’administration fiscale « de corriger la valeur d’origine des immobilisations apportées à l’entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi l’actif net de l’entreprise dans la mesure de l’apport effectué à titre gratuit ».

Dans un second temps, le Conseil d’Etat juge que la différence entre la valeur d’inscription à l’actif des titres et la valeur vénale de ces titres constitue une libéralité qui doit être prise en compte lors de la détermination du résultat imposable.

A ce titre, le Conseil d’Etat affirme que « la preuve d’une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l’administration lorsqu’est établie l’existence, d’une part, d’un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien apporté et, d’autre part, d’une intention, pour l’apporteur d’octroyer, et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l’apport. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d’intérêts ».

Par le présent arrêt, le Conseil d’Etat étend la solution retenue dans l’arrêt Société Raffypack (CE 5 janvier 2005, n°254556) concernant les opérations de cession d’une immobilisation à prix minoré aux opérations d’apport à valeur minorée.

La solution retenue par le Conseil d’Etat pourrait entrainer une double imposition pour l’acquéreur de l’immobilisation. Il serait en effet pénalisé si l’administration fiscale ne permettait pas la correction de la valeur d’inscription des titres à l’actif du bilan, lors de la dotation des amortissements, des provisions ou lors de la cession ultérieure du bien concerné. Il faudra dès lors s’assurer que l’administration fiscale accepte la substitution de la valeur vénale à la valeur d’acquisition à l’actif du bilan.

Jean-Christophe BOUCHARD, Avocat Associé - NMW Delormeau

Intervenant au sein des conférences EFE

Aurélia Allouche, Avocat à la cour - NMW DELORMEAU

www.nmwdelormeau.com

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