Aqualines survolera-t-elle les océans ?
Dirigée par le Basque Guillaume Catala, la start-up Aqualines rêve de créer des liaisons commerciales décarbonées en des temps records. Assemblage malin d'appareils mi-avion, mi-bateau, ce projet d'envergure porté par Steinberg Protocol devrait se poser à Bayonne.
Tout part, ou repart plutôt, d’un jeune entrepreneur russe, Pavel Tsarapkin. En 2013, il sort des cartons un vieux projet de feu l’Union soviétique, développé durant la guerre froide. Nom de code: “Ekranoplan”; une lignée d’engins à effet de sol, développée dans les années 70, pour voler à faible hauteur au-dessus des eaux ou de surfaces planes. Des zincs ayant des traits communs avec les hydravions. Ce n’est qu’en 2018 que Guillaume Catala puis Laurent Godin, homme aux trente années d’expérience dans l’aéronautique et l’aérospatiale, s’associent au projet de Pavel et décident de fonder Aqualines. L’idée est de mettre cette technologie au goût du jour et de la développer à grande échelle, en B to B et B to G (du terme business to government, qui caractérise la commercialisation de produits et de services à destination des pouvoirs publics, ndlr).
“C’est une offre entre avion et bateau. On est plus rapide qu’un bateau, moins cher que l’avion et plus vert que les deux!”, expose Guillaume Catala.
Séduisant. Les machines utiliseraient de petits propulseurs électriques sur batterie pour sortir du chenal, sans bruit, et s’auto-suffiraient en grande partie une fois lancées, pour atteindre des vitesses de 120 km/h pour les premiers modèles, avant de viser les 300 km/h. La capacité optimale, selon les appareils, pourra aller d’un rayon de 40 à 500 kilomètres. Tout ça avec une très faible empreinte carbone.
Un rêve prémonitoire? Tout est fait en tout cas pour qu’il le soit. “On souhaite que Bayonne devienne une vitrine technologique pour notre projet”, souligne Guillaume Catala. Originaire de Saint-Jean-de-Luz, le CEO du groupe Steinberg Protocol – un fonds d’amorçage basé à Singapour – est un autodidacte qui a parcouru le monde et multiplié les expériences professionnelles. Une carrière construite au gré des événements, du réseau, des rencontres et des coups de cœur. “Ma spécialité, c’est la diversité, je me suis nourri de tous ces voyages”, admet-il.
BAYONNE, CHOIX STRATÉGIQUE
L’homme de projets a d’autres arguments : “La technologie est très intéressante pour nos territoires, et en particulier pour nos territoires outremarins. La France dispose de la deuxième zone maritime au monde (1), mais il faut pouvoir l’occuper.” Pourtant, sur les 180 sollicitations reçues de la part d’opérateurs régionaux de transport ou d’agences gouvernementales disséminées sur toute la planète, peu viennent d’acteurs français. D’où l’envie de développer Aqualines en France, et plus particulièrement à Bayonne.
“C’est d’abord un choix de cœur, explique Guillaume Catala, parce que je suis originaire du Pays basque. Mais c’est surtout un choix stratégique: il y a ici un écosystème déjà en place, des structures de recherche comme Compositadour et une vraie culture de l’aéronautique. Nous ne sommes pas loin de Toulouse, centre européen du domaine. Nous avons besoin d’eau, de l’estuaire et de l’océan pour les essais. Rajoutons l’aspect transfrontalier et un très beau quai Saint-Bernard en développement où nous pourrions grandir.”
Une installation au Pays basque qui, précisons-le, est aussi du fait d'Invest French Basque Country (Basque Invest), entité de la CCI dirigée par François Applagnat-Tartet, en collaboration avec Karlos Hebrard-Epalza et Ferdie Teiletchea. “Karlos nous a beaucoup épaulés”, confirme Guillaume Catala. Basque Invest est une structure dédiée à l’implantation d’entreprises françaises ou étrangères sur le territoire basque.
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Dans le meilleur des mondes, l’installation du projet Aqualines dans le port de Bayonne se fera début 2022. Par convention, Aqualines a obtenu une autorisation d’occupation temporaire sur le port de la sous-préfecture pour construire un bâtiment de 1600 m² sur un terrain de 6500 m2 . S’ensuivra alors une étape de trente mois. “ Comme tout le monde, nous avons des processus classiques à suivre, explique Guillaume Catala, comme le permis de construire, les études d’impact sur l’environnement, etc. Dans l’indice de maturité TRL (Technology readiness level) propre aux start-ups, nous sommes aujourd’hui à 4 sur une échelle située entre 0 et 9. Zéro, c’est l’idée, 9, c’est la commercialisation. Nous voulons nous installer à Bayonne pour franchir les étapes 5 à 9. Le 5 permettra de passer des modèles réduits aux prototypes à l’échelle. ”
Une volonté affirmée, les planètes alignées
Quand on écoute Guillaume Catala lisser les contours du projet, disséquer chaque pièce des appareils, on a envie de monter à bord et de foncer avec lui. Mais dans ce genre d’aventure, il faut savoir rester prudent. Les collectivités territoriales sont séduites, la région Nouvelle-Aquitaine est attentive, l’État aussi. Reste à conclure en toute sérénité, pour que le rêve devienne effectivement réalité. “Je comprends que l’on puisse émettre des réserves sur la nature d’un tel projet, admet Guillaume Catala. Déjà, parce que l’objet est un OVNI ; on n’en voit pas tous les jours, dans le coin. Mais la volonté est affirmée, tous les investissements sont faits pour que les planètes soient alignées. On doit avancer. Nous sommes convaincus de la réussite du projet, mais nous ne contrôlons pas tous le process. Donc nous ne sommes pas à l’abri d’un retard; mais la volonté et les moyens sont là, pour que ça se passe à Bayonne.” Une motivation et une détermination qui forcent à l’espoir. Une inspiration qui n’est pas sans rappeler Pierre-Georges Latécoère qui, en 1939, a réussi le pari de relier Biscarosse à New York avec son hydravion “ Laté 521 ”, imaginé dix années plus tôt et piloté par Henri Guillaumet. Le secret de cette réussite ? La persévérance et des soutiens indéfectibles. Pour le projet Aqualines, plusieurs lignes tests sont déjà en ligne de mire. “Nous avons un opérateur en stand-by, pour une ligne Tallinn-Helsinki. Pour relier ces deux capitales européennes de la mer Baltique, il y a 82 km de traversée. C’est long pour un ferry, trop court pour un avion. Notre solution propose un trajet en trente minutes.” Dans ces lignes tests s’invitent également les trajets Bayonne-Bilbao ou Bayonne-Saint-Sébastien qui, si la météo le permet, permettront de relier les cités basques en dix minutes une fois sorti du chenal. Pas mal pour aller prendre quelques Pintxo, non?
(1) Grâce à ses départements d’outre-mer et à ses collectivités territoriales, la France possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE), à hauteur d’environ 11 millions de km2, derrière les États-Unis (environ 12 millions de km²). Vient ensuite, l’Australie (environ 9 millions de km²).
Zoom sur Basque Invest
Invest French Basque Country, de son petit nom Basque Invest, est une entité de la Chambre de commerce et d’industrie qui œuvre auprès de chefs d’entreprise de France et d’ailleurs, pour faire du Pays basque un lieu d’implantation économique. Imaginée il y vingt et un ans par Bernard Darretche et Jean-Jacques Lasserre, la structure compte trois professionnels : Ferdie Teiletchea, Karlos Hebrard-Epalza et François Applagnat-Tartet. Ce dernier souligne: “Aujourd’hui, notre objectif est de prospecter (y compris à l’étranger) et se donner les moyens d’aller chercher des entreprises qui vont enrichir le tissu économique du territoire. Pour cela, une bonne connaissance du territoire est indispensable, tout comme savoir compléter une chaîne de valeurs pour chacun des secteurs d’activité. Nous nous concentrons sur ce qui manque à ces chaînes de valeurs, pour tenter de combler les vides.” Avec, en ligne de mire, la création d’emplois. Depuis ses débuts, la structure a connu de belles réussites, en accompagnant l'implantation d'entreprises comme Volcom, Laminoir des Landes ou encore MFA (à Saint-Palais). Et, avec elles, la création de près de 3500 emplois.
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Industrial Performance Engineer
2 ansNoam Janitor
Chef d'entreprise, ARTFORM
2 ansProjet incroyablement génial!
Big up Guillaume Catala
In the world of industrial performance and digital transformation i help our customers to move toward industry 4.0
2 ansGenial on peut le voir en operation ?
Projet industriel à fort impact pour le #PaysBasque, indentifié et accompagné par #BasqueInvest Ongi Etorri/Bienvenue #AqualinesSAS Merci #LeConnecteur pour cet article