Assurance construction : quelles responsabilités pour les courtiers grossistes ?

Dans une interview au « Moniteur », Bernard Delas, le vice-président de l’ACPR, revient sur les défaillances en cascade d’assureurs étrangers opérant grâce au passeport européen. Et répond, par la même occasion, au président de la CSCA, Bertrand de Surmont.


Elite, CBL, Alpha, Gable : « leurs noms sont connus », rappelle Bernard Delas, le vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans les colonnes du Moniteur (groupe Infopro Digital, maison-mère de l’Argus). Ces assureurs étrangers opéraient en France sur le marché de l’assurance construction grâce au passeport européen, la Libre Prestation de Services (LPS). Leurs défaillances en cascade ont défrayé la chronique, mettant en lumière « les failles du système européen ». Dans ces affaires, qui risquent de sérieusement mettre à mal le secteur de la construction, qui est responsable ?

Pour le président de la Chambre syndicale des courtiers d’assurance (CSCA)Bertrand de Surmont, « il faut prendre le problème dans l’ordre et ne pas analyser ce sujet en commençant par le dernier échelon de la chaîne de distribution… Le sujet du législateur et du régulateur, c’est la première strate à traiter. Une fois que ce sera fait, il sera temps d’évaluer le rôle des courtiers.» Une réponse cinglante à celle de l’ACPR.

Les failles de la supervision

Le superviseur des assurances en France n’a eu, en effet, de cesse d’expliquer qu’il n’était pas compétent pour intervenir vis-à-vis de ces assureurs étrangers insuffisamment provisionnés car « seule l’autorité de supervision du pays d’origine de ces assureurs est compétente », expliquait Bernard Delas dans nos colonnes. A l’initiative de l’ACPR, des plateformes de coopération entre autorités de supervision ont été mises en place sous l’égide du superviseur européen, l’EIOPA. Mais cela s’est révélé, visiblement, insuffisant. « Le problème est que ces plateformes de coopération sont établies à la demande des autorités des pays d’accueil afin de gérer les conséquences, une fois que les acteurs défaillants ont été identifiés. La vraie question est : comment empêche-t-on, en amont, cette situation de se produire ? », confiait une source proche à l’Argus de l’assurance en mai dernier.

Bernard Delas appelle ainsi, de nouveau, à faire de l’EIOPA « une vraie autorité de coordination, dotée de la faculté de sanctionner les autorités nationales de supervision ».L’une des solutions passerait aussi par une modification des textes sur la LPS, afin d’encadrer le recours au passeport européen. « Il serait souhaitable de refuser l’autorisation d’exercer dans un autre Etat-membre à un acteur dont le seul but est de conquérir des parts de marché en commercialisant un produit qui n’est pas vendu dans son pays d’origine », martèle depuis plusieurs mois le vice-président de l’ACPR.

Devoir de conseil des courtiers

Un chantier réglementaire et législatif qui ne doit pas empêcher de s’interroger sur la responsabilité des différents maillons de la chaîne, et notamment des courtiers grossistes. Comme le rappelle Bernard Delas au Moniteur, les assureurs étrangers « opportunistes » ayant profité des libertés du marché unique pour se « développer de manière rapide » sur le marché de l’assurance construction « se sont reposés sur les seules compétences des courtiers grossistes, qui leur apportaient les affaires, pour l’appréciation des spécificités du marché ainsi que pour la sélection et la tarification des risques ». 

Ces courtiers grossistes peuvent-ils donc être tenus pour responsables ? Deux cas de figure se présentent. Lorsque les intermédiaires ne réalisent que la commercialisation des contrats, ils sont responsables au regard du devoir de conseil vis-à-vis des assurés. « Il leur appartient à ce titre de vérifier que l’opérateur auprès duquel ils placent les risques de leurs clients jouit de la meilleure réputation professionnelle et dispose d’une structure financière solide », fait valoir Bernard Delas.

responsabilité directe des assureurs

En revanche, lorsqu’un courtier grossiste réalise l’ensemble des opérations incluant la souscription et la gestion de contrats pour le compte d’un assureur, il s’agit d’une activité externalisée au sens de Solvabilité 2. C’est le cas du courtier SFS qui était mandataire de l’assureur CBL en France. Selon la directive européenne, les assureurs sont maîtres de leurs risques, y compris lorsqu’ils externalisent. Ils sont « par conséquent tenus d’exécuter l’ensemble de leurs engagements contractuels et peuvent donc être mis en cause directement », rappelle Bernard Delas. Dans l’affaire SFS, la responsabilité directe de l’assureur irlandais CBL serait ainsi engagée

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