Assurance décennale et activité complémentaire ou accessoire à l’activité principale déclarée : arrêt de la Cour de Cassation du 24 mars 2016
Dans un arrêt du 24 mars 2016, la Cour de Cassation considère que les travaux relevant d'une activité répertoriée comme accessoire ou complémentaire faisant l'objet d’un marché de travaux à part entière sont garantis même s'il n'existe pas de marché de travaux relevant des activités déclarées à titre "principal" (Cass. 3ème, 24 mars 2016, n°15-12745).
Les faits :
Un maître de l’ouvrage fait effectuer des travaux de réparation de la toiture (ayant des fuites) de son entrepôt par une Société laquelle provoque en cours de travaux un incendie, étant précisé que ladite Société est assurée au titre de 3 activités selon son attestation d’assurance, à savoir :
- chaudronnier avec travaux extérieurs,
- serrurier métallier,
- charpentier fer, étant observé que l’attestation fait référence à la notion de complément sur les activités de CHARPENTIER FER : « Cette activité comprend également les travaux de : - murs rideaux, bardage sur structure métallique quel que soit le matériau de remplissage, - pose d'éléments de couverture et de bardage lorsque ceux-ci sont fixés directement à l'ossature, - application de peinture, notamment anti-rouille en atelier ou sur site, en prestation accessoire et/ou complémentaire de la construction d'un ouvrage de charpente fer » .
L’assureur de la Société dénie sa garantie et soutient :
- que les travaux à l'origine du sinistre incendie ne relevaient pas des activités déclarées puisqu’ils portaient exclusivement sur la réparation de fuites en toiture, de sorte qu'ils n'étaient ni complémentaires ni accessoires à l'une des trois seules activités déclarées par la Société, ni ne constituaient une simple modalité d'exécution de travaux relevant des activités ainsi déclarées ;
- que les travaux réalisés relevaient de l'activité d'étanchéité et se rattachaient à une activité distincte de celles déclarées par la Société au vu même de la nomenclature qui s'impose aux assureurs depuis le 1er janvier 2011.
En d'autres termes, l'assureur soutient qu'il ne peut pas y avoir de garantie au titre d'une activité "accessoire" sans un marché de travaux relevant des activités principales déclarées.
Les arguments de l’assureur sont repris par la Cour d’Appel, laquelle juge que les travaux litigieux, qui portaient sur la réparation de fuites en toiture,
- n'étaient ni complémentaires ni accessoires à l'une des trois activités déclarées par la société de construction et ne constituaient pas une simple modalité d'exécution de travaux relevant des activités déclarées,
- se rattachaient à des activités distinctes de celles déclarées,
… de sorte qu'au regard du contrat d'assurance, ils étaient étrangers au champ de la garantie souscrite par cette société.
Décision :
La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel au motif que l'activité «charpentier fer» comprend également les travaux de pose d'éléments de couverture de sorte que la Cour d'Appel a dénaturé les termes clairs et précis de l’attestation d’assurance.
En d'autres termes, la Cour de Cassation considère que les travaux relevant d'une activité répertoriée comme accessoire ou complémentaire faisant l'objet d’un marché de travaux à part entière sont garantis même s'il n'existe pas de marché de travaux relevant des 3 activités déclarés à titre "principal".
Points marquants :
La lecture des attestations d’assurances opérée par la Cour de Cassation n’est manifestement pas celle retenue par la Fédération Française des Sociétés d’Assurances.
La FFSA a élaboré en 2007 une nomenclature des activités du BTP pour les attestations d’assurance des constructeurs, prenant effet du 1er janvier 2011 (cf. document de la FFSA référence 2007/ABR 64 – note d’information du 27 décembre 2007) et ce document indique notamment que les réflexions menées sur la nature des activités ont également conduit les assureurs à retenir la notion de travaux accessoires et/ou complémentaires qu’un constructeur peut être amené à réaliser dans le cadre de son activité, étant précisé :
- que par cette notion, il faut entendre les travaux nécessaires et indispensables à l’exécution des travaux de construction relevant de l’activité principale garantie (par exemple : travaux de raccordement électrique du matériel réalisés par une entreprise garantie pour l’activité de plomberie),
- que ces travaux répertoriés comme accessoires ou complémentaires ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’un marché de travaux à part entière ; à l’inverse, ces travaux seraient alors réputés non garantis.
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Dirigeant Atelier Partagé SHARE WOOD WORKSHOP
8 ansC'est bien dommage de créer une telle confusion alors que la notion de travaux accessoires aux activités garantie est plutôt claire pour le commun des mortels. Pourtant, restreindre les activités assurées à celles réellement maîtrisées par l'entreprise et ne pas lui permettre de faire travaux pour lesquels il n'est pas compétent est une mesure de saine prévention.