Au Togo, mal conduire devient plus dangereux que piller la Patrie
Au Togo, des âmes innocentes tombent pour leur opinion. Certains perdent le droit à la vie pour avoir changé d’avis ou d’opinion. Des enfants soucieux de leur avenir et qui réclamaient leurs enseignants sont tombés. Ceux dévoués à apprendre le métier qui fera d’eux des hommes de demain sont abattus. Ceux-qui sortent pour réclamer la réduction des prix des produits exagérément augmentés (selon eux) sont réduits, à jamais, au silence. Atroce !
Ici, qu’on soit désormais militaire ou civil, on est tous sous la menace de se voir tuer. On peut se faire éliminer comme un lézard dans la rue et ce, au vu et au su de tous.
Le dernier meurtre en date, et qui ferait frémir même un fou, reste celui du jeune Mohamed. Mohamed a choisi de rester noble et digne. Il a compris qu’il n’y a point de sot métier. Il est laveur d’engin. Il en a fait son gagne-pain, pour la survie de sa petite famille. Mais ce 21 Mai, lui sera définitivement fatal, sous le regard impuissant de son fils âgé de quelques années seulement.
Selon des versions concordantes, Mohamed aurait conduit une voiture immatriculée, à vive allure en dépassant des agents dits de l’ordre à Sun City à Lomé. Cela aurait été toute sa faute. Ces agents visiblement n’étaient pas en mission officielle, puisqu‘ils allaient au domicile de l’un d’entre eux. Ils se sont mis à poursuivre, à moto, ce jeune, qui de son gré, a garé la voiture. Ces agents auraient par la suite, souhaité lui retirer les clés de la voiture, ce à quoi il s’est opposé. Dans les altercations, l’un d’eux aurait sorti une arme blanche (un couteau) que le jeune aurait réussi à lui retirer. (Voici ce genre de jeune que nous voudrions voir dans les rangs de nos forces de l’ordre)
Voyant la situation devenant incommode, Mohamed aurait pris la fuite laissant dans la voiture son fils, témoin de la violence des Forces de l’ordre sur son père. C’est donc dans sa course qu’un agent dont nous taisons le nom, n’aurait pas trouvé mieux que de lui tirer dessus et l’atteindre mortellement. Le fils a vu son père s’écrouer sous une balle de celui qui devrait le protéger, en plein jour et sous plusieurs autres regards.
Cette mort, comme je le disais plus haut n’est qu’une énième d’une liste, déjà très longue, dont peuvent se réjouir les forces de l’ordre au Togo.
Suite à cette mort, on a lu et vu des remous par ici et là. Un communiqué du ministère de tutelle a qualifié l’acte de « grave ». Mais au-delà une question toute simple vient au bout de toutes les lèvres : que vaut la vie au Togo?
En effet, le Togo semble rentrer dans une forme de banalisation de la vie humaine. Une affaire aussi grave que portant sur la vie d’un citoyen, n’est « étouffée » que d’un simple communiqué, le genre que les journalistes des chaînes nationales finiront par connaître du bout des lèvres.
Pensant à la disproportion de la réponse à l’acte dans cette scène digne d’un film de Rambo II, quelques idées me passent par l’esprit.
Tout d’abord, il me semble que les agents en question doivent être mis aux arrêts, puis, après leur peine, remerciés pour crime et indélicatesse.
Au Togo, lorsqu’on vole et pille les biens publics, on est promu. Lorsqu’on n’est porté que par une toute petite frange de la société, on est l’homme de tous. Lorsque par des voies tordues, l’on glane des papiers équivalents à des diplômes, on est le plus proche du prince.
On est parfois même attristé lorsque, des « imméritants » pavanent en clamant le nom du prince ou de ses sbires pour se faire une place au soleil. On est écœuré lorsque pour leur ventre, des intellectuels sèchent leur savoir au soleil de la corruption.
Toute société qui a atteint un tel niveau de décadence, ne rassure plus personne, même pas les agenceurs principaux de la situation chaotique.
Personne, même pas le prince, n’est en sécurité et c’est bien pour cette raison que tout le monde devrait se ressaisir afin de repartir sur des bases sereines et intelligentes.
Quand le vol est promu, la loyauté et la dignité des hommes sont bafouées à leur plus bas niveau. Une mauvaise conduite d’engin soit-elle, peut-elle être source de mort ou de tuerie avec des armes payées par les frais du contribuable?
Sommes-nous devenus si assassins que tuer un être humain soit désormais si banal?
A quel degré de bestialité sommes-nous arrivés?
Sommes-nous dans une société « bananière » ou tout va au gré du plus fort physiquement?
Que viendrait chercher une arme même blanche, dans une situation où l’autre partie vous fait face les mains vides?
De quel droit poursuit-on un conducteur à bord d’une voiture immatriculée?
A quoi servent les immatriculations donc?
Visiblement ces agents indélicats ont agi pour deux raisons principales: le complexe de supériorité qui anime les agents de forces de sécurité au Togo face aux civils et la corruption avancée qui gangrène le secteur (toutes les situations sont bonnes pour se faire un peu d’argent quitte à appauvrir davantage un pauvre laveur de voiture).
Le Togo compte de trop la quantité de sang de ses fils fauchés capricieusement pour des émotions vives ou partisanes.
Cette mort fait tellement mal. Un policier rentrera chez lui et fera de doux câlins à ses enfants pendant que lui, a froidement ôté à d’autres enfants le droit et le plaisir de revoir leur papa.
Qu’aucun laveur de conscience ne réussisse à ôter de cette âme assassine, la lourdeur de ce péché commis contre l’humanité.
Dieu bénisse le Togo et ses dignes fils.
K. Nevaeme A.