Aux Etats-Unis, une classe moyenne sans moyens

Aux Etats-Unis, une classe moyenne sans moyens

Bien sûr, cette semaine, on aurait pu vous parler des malheurs des banques américaines, qui sont prises en tenailles entre une régulation de plus en plus exigeante et des marchés financiers de plus en plus capricieux. Leurs bénéfices et chiffre d’affaires fondent comme neige au soleil et cela ne semble pas près de s’arrêter.

On aurait pu aussi s’appesantir sur les bonus des dirigeants de la finance, qui sont dans le collimateur des hommes politiques, période électorale oblige. Après plus de sept ans de tergiversations, les agences de régulation financière, sous l’aimable pression de Barack Obama, ont enfin décidé de s’attaquer à l’encadrement des rémunérations.

Oh, rassurez-vous, il ne s’agit pas de les plafonner ! Ça, c’est bon pour les Européens. Non, le sujet ici, c’est de juguler la prise de risque, en canalisant les conditions de restitution des bonus. Les patrons des six grandes banques de Wall Street, qui ont touché un total de 130 millions de dollars (115,26 millions d’euros) au titre de 2015, ainsi que quelques milliers de collaborateurs parmi les mieux payés sont appelés à faire preuve de plus de patience pour toucher leur pactole. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un projet, qui a encore dix fois le temps d’être édulcoré par le lobby de la finance avant d’être voté.

Mais, cette semaine, c’est un autre chiffre qui a retenu notre attention : 400 dollars. Cette somme, près de la moitié des Américains ne l’a même pas en poche pour faire face à une urgence. C’est ce que révèle l’étude annuelle de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale américaine), qui, chaque année depuis 2013, se penche sur l’état de santé financier des Américains.

Emprunter ou vendre

A la question « Comment paieriez-vous une note de 400 dollars pour une urgence ? », 47 % répondent qu’ils seraient obligés d’emprunter la somme ou bien de vendre quelque chose. C’est ce que le magazine The Atlantic appelle dans son dernier numéro, « Le secret honteux de la classe moyenne américaine ». L’auteur de l’enquête est d’autant mieux placé pour parler du sujet qu’il affirme faire partie de ces 47 %.

« Je sais ce que c’est que de ravaler sa fierté et constamment harceler les gens pour qu’ils me donnent ce qu’ils me doivent afin que je rembourse les autres, explique le journaliste et essayiste américain, Neal Gabler. Je sais à quoi cela ressemble de n’avoir plus que 5 dollars sur mon compte – littéralement –, alors que j’attends que ma paye arrive et je sais ce que c’est que de subsister pendant des jours en ne mangeant que des œufs. (…) Et je sais ce que c’est que d’avoir à emprunter de l’argent à mes filles adultes, parce que ma femme et moi nous n’avons plus de quoi payer le chauffage. »

A ceux qui s’étonnent de l’émergence d’un Donald Trump ou d’un Bernie Sanders alors que le plein-emploi est de retour – les chiffres sont formels –, on ne peut que leur opposer d’autres statistiques. Comme celle du salaire médian, qui, entre 2004 et 2014, a dégringolé de 13 %. L’évolution des revenus réels en dollars constants des ménages américains en dit long sur l’évolution de la répartition de la richesse aux Etats-Unis.

Selon les chiffres du Bureau du recensement américain, ceux du quintile le plus bas ont baissé de 7,5 % en quinze ans, ceux du deuxième quintile le plus bas, de 1,9 %. Ce n’est qu’à partir du quatrième quintile qu’on observe une augmentation (+11 %). Les 5 % les plus riches, eux, ont vu leur revenu progresser de 36 % sur la même période.

Plus de dette, moins d’épargne

Cette classe moyenne, qui vit désormais avec ce « secret honteux », représentait 62 % de la population américaine dans les années 1970. Le chiffre est tombé aujourd’hui à 43 %, selon le think tank Pew Research Center. Le crédit à tout-va a permis à une partie de la population de maintenir, un temps, l’illusion du rêve américain. La dette privée par ménage est passée de 9 300 dollars en 1980 à 65 200 dollars en 2015, tandis que les deux tiers des diplômés de l’enseignement supérieur entrent dans la vie active avec une dette moyenne de 26 600 dollars.

Mais la crise de 2008 a rappelé à chacun qu’il ne faut pas confondre crédit et pouvoir d’achat. D’autant que, dans le même temps, le taux d’épargne, lui, a connu une évolution exactement inverse, passant de 13,3 %, en 1971, à 5,1 % aujourd’hui. Plus de dette, moins d’épargne : telle est l’équation implacable qui a conduit à ce « secret honteux de la classe moyenne ».

Aujourd’hui, la croissance aux Etats-Unis est repartie, nous disent les économistes. Mais les 46 millions d’Américains qui ont eu au moins une fois recours dans l’année à une banque alimentaire, comme l’affirme l’association à but non lucratif Feeding America, en sont moins sûrs. Tout comme les 20 % d’enfants qui vivent grâce aux bons d’alimentation financés par la puissance publique, selon le Bureau du recensement américain.

Avant la crise financière, ils n’étaient que 12 % à se nourrir grâce à ces subsides. Eux aussi ont du mal à se retrouver dans les statistiques flatteuses du chômage, qui ne donnent qu’un aperçu bien partiel de la réalité économique du pays.

Alors, bien sûr, Wall Street a des soucis ces jours-ci. Mais pour oublier les méchants régulateurs et les affres des marchés financiers, rien de tel que de se retourner sur la façon dont le reste du pays vit cette fameuse « reprise ».


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/04/26/une-classe-moyenne-sans-moyens_4908885_3232.html#8Wvsiev1zcAbM4mb.99

Crédit photo: Jae C. Hong / Associated Press

Fernando Manso

Directeur Software Factory: Border l'Inconnu Ensemble Pour Mieux l'Aborder

8 ans

intéressant et très clair... mais comparer ces chiffres à ceux de quelques autres grandes puissances économiques (GB, France, Allemagne, japon...) permettrait une meilleure appréhension de la situation...

Rakotomalala Patrick

Directeur associé de Many to Many

8 ans

un des symptômes de fin de notre modèle économique et social, c'est que les pouvoirs comptent sur des catégories sociales oubliées de leur programme. Elles sont uniquement rassemblées autour de slogans dénués de sens et sans avenir pour les maintenir en bon ordre. Il ne faut pas oublier que les classes moyennes font partie des "influenceurs" et des communicants noyés dans la masse. A méditer car les organisations sociales sont lentes à réagir mais les accélérations sont terribles... un peu à la manière des lanceurs d'alertes.

Pascal BESNARD , MBA, DTM

Consultant Investissement Immobilier I Coach et Manager d'équipe @ Immotech Partners

8 ans

Vivant aux USA, tout est dans l apparence..un peu comme un Iphone. C est magique, c est blanc et ca fait rever certains. MAIS une fois dedans, tout est payant, les gens l achetent pour se mettre a un "niveau" Bref, apres la subprime, la prochaine crise sera celle des prets etudiants. Les etudiants sont incapable de rembourser ses sommes, change de vie ou alors pour raisons de sante abandonne....qui va payer pour eux???

didier lafaye

ex.Responsable unité de production chez SFC PANADAYLE

8 ans

Des régulations sociales et financières sans cessent mises en stand bye par nos gouvernants qui participent de plus en plus a un partage inéquitable et honteux des parts de gâteaux. Resultat, les pauvres de plus en plus pauvres les couches moyennes sociales dans le monde qui les rejoignent et des nantis qui en viennent mêmes à ce sentir mal à l'aise de tans d'opulences qui les inondes d'argents et de devises.

Sandra BETTENS

Responsable développement commercial chez Sky Ingenierie - BE STRUCTURE & MAITRISE D'OEUVRE

8 ans

oui enfin ils se disent endettés mais quand on va chez eux c'est "full equiped" alors tout ça se paye un jour ou l'autre. n'oubliez pas que la devise des américains c'est "buy now pay later"

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