Aux limites du télétravail
Le télétravail est très tendance, l’épidémie n’y est pas pour rien.
Il semblerait que nous disposions désormais d’un terrain d’étude à grande échelle pour des chercheurs en ergonomie, psychologie du travail mais aussi psychologie clinique et psychologie cognitive.
L’expérience tout d’abord, vécu personnel et observation.
Une grande fatigue passé le premier mois de confinement, puis un véritable harassement à la limite du tableau clinique de l’épuisement professionnel, l’impression de ne plus pouvoir créer une vraie discontinuité entre la vie domestique et la vie du travail salarié.
J’insiste ici sur la dimension salariée en y ajoutant la notion de responsabilité hiérarchique.
Le salariat implique des obligations qui ne se trouvent que partiellement remplies dans le cadre du travail réalisé, au domicile en dehors des repères habituel apportés par l’action de se déplacer sur un lieu de travail, clairement distinct.
Il y a le trajet, les rituels de l’arrivée et du départ, l’informel, les déplacements dans l’espace du travail, les interactions physiques.
Le travail dans un cadre distinct ne se résume pas à des interactions par téléphone, caméra et par une présence presque continue derrière l’écran, bureautique oblige.
L’expérience d’un retour sur le lieu de travail s’est traduite par un vécu de grande fatigue et une certaine lassitude.
S’y ajoutera probablement l’effet des contraintes liées au travail en situation d’épidémie dans un environnement professionnel dédié au soin.
Le professionnalisme oblige à mettre de côté ses propres réticences à prendre au pied de la lettre les différentes consignes et autres obligations liées au travail en situation d’épidémie.
L’opinion privée rencontre l’obstacle d’un travail transformé par des règles dont la stricte application est impossible mais pensée comme telle.
Les dissonances sont multiples et compromettent la possibilité de disposer d’une ligne de conduite claire et cohérente étayée par une réflexion personnelle nourrie par l’expérience et l’observation.
Les personnes rencontrées qui ont assuré la continuité du cadre de travail, la permanence d’un certain nombre de règles de travail collectives, se déclarent elles-mêmes épuisées.
Les professionnels maintenus en travail à partir de leur domicile sont soumis à l’influence des effets de la prise en compte de la menace virale tels qu’ils sont eux-mêmes véhiculés et il faut bien le dire polarisés par la plupart des médias.
L’information concernant l’épidémie apparaît en effet tendanciellement péjorative et tend à agir dans le sens d’une accentuation du vécu de péril imminent pour une partie des professionnels.
Les semaines à venir apporteront peut-être quelques éléments d’information susceptibles d’accompagner un retour à une certaine forme d’objectivité.
Il faut l’espérer pour que l’activité clinique puisse retrouver un cadre de pensée favorable au soin et à l’élaboration d’un cadre thérapeutique préservé de la figure du virus.