Banking 4.0 - épisode 3 : Revitaliser le modèle bancaire français

Banking 4.0 - épisode 3 : Revitaliser le modèle bancaire français

Les banques françaises traversent actuellement une phase de turbulence. Plusieurs facteurs expliquent leurs difficultés : la fragilité structurelle du secteur financier international, le contexte de taux d'intérêt bas, l'accroissement de la pression réglementaire, ou encore l'émergence de nouvelles formes de concurrence.

À travers cette trilogie, j'explore les modalités du renouvellement de la proposition de valeur des activités de banque de détail.

Un premier épisode décrypte les signes attestant la fragilisation de l'oligopole bancaire français et de ses alternatives. Un deuxième épisode propose un panorama prospectif du secteur à partir des mégatendances et des émergences qui affleurent aujourd'hui. Quatre pistes de revitalisation de l'offre bancaire sont enfin exposées à travers le dernier épisode.

Episode 3 - Revitaliser le modèle bancaire français

Marges d’exploitation très faibles, risque systémique élevé, réglementations contraignantes, émergence d’une concurrence sur les usages incarnée par les plateformes numériques et les fintechs, difficulté à orienter la proposition de valeur vers l’utilisateur… Il est urgent pour les banques de réagir et de repenser leur modèle de croissance.

La translation de la proposition de valeur doit s'appuyer sur la dynamique des forces remodelant actuellement le secteur bancaire, mais aussi réaffirmer les atouts et les spécificités du modèle français. Voici quatre axes desquels pourrait se développer le modèle bancaire des années 2020.

1. Renouveler l’offre de service en adoptant le modèle de la plateforme

L’essor généralisé du cloud et l’émergence d’écosystèmes de startup digitales sont les manifestations de l’influence croissante du modèle économique des plateformes digitales. Considérant le rôle prépondérant des SI dans la chaîne de valeur bancaire, l’hypothèse de la transformation du modèle bancaire vers celui de la plateforme numérique mérite d’être sérieusement considérée, d’autant qu’une mutation des usages s’opère actuellement.

Face à cette menace, les majors peuvent abattre différentes cartes. Par facilité, ces dernières sont tentées de s’adonner à un certain immobilisme, légitimé par le constat que la mise à disposition d’interfaces digitales suffit parfois à conserver leurs usagers. A contrario, il leur est possible d’adopter une posture offensive en développant des solutions propriétaires vouées à concurrencer les nouveaux entrants, ou encore de miser sur la cocréation d’usages et de revenus en s’alliant avec des acteurs externes. Cette dernière option permet d’envisager la plateformisation d’un modèle bancaire qui attirerait alors à lui un écosystème de start-up voué à renouveler sa proposition de valeur.

L’adoption d’un modèle basé sur l’exploitation d’une plateforme semble être incontournable mais elle n’est pas pour autant une garantie de succès. Face à des concurrents (GAFA, acteurs des telecoms) ayant pris de l’avance dans le domaine, les banques devront générer de nouveaux usages en captant un réseau de fintechs. Pour cela elles devront s’appuyer sur leur ancrage territorial pour repérer les start-ups à fort potentiel avant que la valeur de ces dernières ne s’envole. C’est notamment le cas d’Arkéa, qui tend à développer un modèle de plateforme s’appuyant sur son écosystème de fintechs pour renouveler sa proposition de valeur autour des usages.

2. S’appuyer sur l’open innovation pour catalyser la valeur

Dans un contexte de marges faibles, les banques doivent trouver des alternatives au financement de programmes d’innovation internes classiques.

La banque peut pour cela s’appuyer davantage sur la multitude de ses usagers afin de repenser les processus de création de produits. Ce désilotage de l’offre bancaire s’accommode parfaitement du mouvement de plateformisation à l’œuvre dans l’économie : l’organisation en plateforme permet en effet d’intégrer au sein d’un écosystème les propositions de valeurs conçues par des acteurs digitaux travaillant sur différents métiers ou usages. Dans cette perspective de construction de services intégrés, le renouvellement de la proposition de valeur bancaire prendra donc la forme d’une diversification horizontale, organisée pour capter de nouvelles sources de revenus en s’appuyant sur trois ressources : l’accès au client, la légitimité en matière de transaction financière et la qualité du back office, conditionnée par sa souplesse et par la documentation de son API.

Dans son évolution vers la cocréation de valeur - ou d'open banking, la banque possède trois alliés naturels : les start-uppers, les intrapreneurs… et les clients ! Plusieurs expériences de cocréation de valeur avec les utilisateurs finaux sont actuellement en cours. La plus ambitieuse semble à créditer au Crédit Agricole, qui s’est doté d’une plateforme communautaire nationale, le CA-STORE, permettant aux usagers de tester de nouvelles applications – développées aussi bien en interne que par des start-up tierces, et de proposer le développement de nouveaux services. Les banques se montrent par ailleurs très actives en matière d’incubation de start-up vouées à nourrir leurs offres. Citons les incubateurs  Bressst  d’Arkéa et Le Village by CA du Crédit Agricole, deux projets s'adressant aux jeunes pousses ancrées sur leurs territoires : non, le start-upping n'est pas un réservé aux Parisiens ! Elles peuvent enfin s’appuyer sur le développement de l’intrapreneuriat, à l’image de la BPCE qui a créé en 2017 son laboratoire  89C3 factory . Le groupe ambitionne d’ouvrir 6 à 7 de ces centres « d’accélération digitale » en France et à l’étranger qui rassembleront les compétences de près de 1 000 collaborateurs autour de 4 pôles d’expertise : expérience utilisateur, données, technologies et transformation digitale.

3. Oser l’agence expérientielle et phygitale

La phygitalisation désigne l’ensemble des dispositifs digitaux mis en place dans les points de vente physiques afin de faciliter ou d’améliorer le processus d’achat. Cette tendance phygitale marque actuellement le renouvellement de l’expérience client dans le secteur du commerce de détail. Les agences bancaires peuvent s’inspirer dans cette mouvance expérientielle en s’appuyant sur le phygital mais également sur la mise à disposition de services connexes.

Dans le secteur de l’assurance, la MAAF a ainsi lancé en 2017 un nouveau concept voué à endiguer l’érosion de la fréquentation de ses points de vente (-30% entre 2012 et 2017). Cette modernisation met l’accent sur un design épuré, la mise à disposition d’interfaces digitales dans la salle d’attente et… la prise en charge personnalisée du client !

La major américaine Capital One se montre encore plus ambitieuse en proposant une expérience client inédite. Son nouveau concept, cocréé en partenariat avec l’enseigne Peet’s Coffee, transforme les agences bancaires en des lieux de coworking et de networking ouverts à tous. L’intérieur des agences ne diffère guère de celui d’un café, ou de grandes tables et de confortables fauteuils s’offrent aux clients souhaitant rencontrer un conseiller bancaire ou simplement travailler autour d’un café.

4. Réinventer le sens de l’activité : une banque user centric et collaborative

La France comptait 37 261 agences bancaires en 2017. Las ! Cet excellent maillage ne se traduit pas par un ancrage territorial affirmé en comparaison aux voisins allemand et italien. Les acteurs coopératifs (BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel) voient au contraire leurs modèles décentralisés se rapprocher sensiblement de celui des banques nationales. Cependant, c'est le mouvement inverse qui semble le plus souhaitable, aussi bien du point de vue de la cohésion territoriale que de celui de l’utilité sociale de l’institution bancaire. En cela, la volonté d’Arkéa de sortir du CM11-CIC en phase de centralisation fait sens : elle correspond au fort ancrage géographique et à la tradition de décentralisation du groupe coopératif breton.

Les banques françaises, toujours bien dotées en agence et en conseillers-clientèle, disposent de réels atouts pour restaurer le lien avec leurs clients en misant sur la proximité, le conseil personnalisé et le financement de l’activité économique locale. Dans une perspective user centric, la proposition de valeur bancaire devrait se muer en facilitation de projets personnels ou entrepreneuriaux. Par exemple, pour l’achat d’un domicile, la banque user centric débordera du rôle traditionnel de fournisseurs de crédit et d’assurance, et s’appuiera sur son écosystème de partenaire pour accompagner l’utilisateur depuis la recherche du bien jusqu’à son acquisition.

Tout comme la tendance user centric contribue à la reconfiguration de l’offre autour des usages, le renouvellement de la banque coopérative peut tirer parti du virage collaboratif afin de réinventer la mission de l’institution. La banque collaborative se présenterait comme une structure ouverte qui viserait à faciliter le financement d’initiatives locales. Elle mettrait une partie de ses ressources (locaux, logiciels, temps de travail des collaborateurs, licence bancaire…) à disposition de ses sociétaires dans une logique bottom-up. Elle se constituerait en quelque sorte en acteur d’utilité publique, plateforme physique et numérique, capable à la fois d’irriguer financièrement les projets des acteurs de son bassin territorial et d’en faciliter la réalisation. Par leur tradition et par leur ancrage, les banques coopératives historiques françaises (Crédit Agricole, Crédit Mutuel, BPCE…) auraient les moyens de relever le défi de la banque collaborative… si elles n’avaient pas choisi le chemin inverse, en suivant un tropisme centralisateur inspiré des établissements nationaux.

Enfin, le choix d’un axe collaboratif, qui trouve des synergies immédiates avec les facilités de communication et de développements de produits customisés offertes par le digital, présente un ultime avantage : celui de repositionner la banque comme prestataire légitime d’un service financiers de proximité – positionnement dont les plateformes géantes américaines et chinoises, aussi puissantes soient-elles, ne pourront jamais se prévaloir.

🌞 Cyrine Hayouni 🌞

🚀 Coach & Formatrice SoftSkills | Spécialiste des Relations en entreprise | Certifiée DISC | Facilitatrice de Cercles de parole 🎯 Thérapeute de couple Imago ❤️

5 ans

Sujet brûlant et fumant. Il est urgent de réinventer la banque de détail et il me semble que dès qu'il y aura des offres "user centric" nous serons des millions à changer de banque. Je suis excédée par l'incompétence et l'inutilité de ma banque pro et je ne trouve aucune alternative. Je suis preneuse si vous avez des idées...

AMOUR DIMALET

BaaS, E-payment, Fintech, MFS, Gateway, Mobile Banking, Sales Manager/ Business development/ Project Manager

5 ans

Bientôt, on aura oublié la banque classique en effet..

AMOUR DIMALET

BaaS, E-payment, Fintech, MFS, Gateway, Mobile Banking, Sales Manager/ Business development/ Project Manager

5 ans

Très intéressant

Emmanuel DORNINGER

Catalyseur d’innovation chez Euro Protection Surveillance [avis personnel sauf indication]

5 ans

Beau publi reportage pour Arkéa... 😏

Jean-André HEBEL

Expert Finance Durable 🧭 I PME/ETI l OTOKTONE l Banque Populaire Grand Ouest

5 ans

Je crois beaucoup au point n°3 et 4. merci pour ce point de vue

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