BEAmer, publication d'un rapport d'enquête : naufrage du Romain Luca
Le 29 novembre 2020, vers 23h40, le trémailleur ROMAIN LUCA fait route vers Le Grau-d’Agde après avoir relevé ses filets. Le patron et les deux matelots sont à la timonerie, où ils se restaurent.
Simultanément, les alarmes du moteur et de montée d’eau se déclenchent, alors que l’un des matelots signale qu’il y a de l’eau sur le pont, à l’arrière du navire. Le patron fait le même constat en observant la plage arrière après avoir stoppé le moteur. La gîte et l’assiette sur l’arrière s’accentuent rapidement, rendant toute investigation périlleuse. La situation ne semblant pas maîtrisable, le patron ordonne l’évacuation du navire. Dans l’urgence, il omet de donner l’alerte à l’aide de l’ASN par VHF.
Sans s’équiper de gilets de sauvetage ou d’équipements de protection individuels (EPI) contre la noyade, le patron et les deux matelots sautent à la mer. Le ROMAIN LUCA chavire dans les secondes qui suivent.
Les matelots donnent rapidement des signes de panique, bien que le patron tente de les aider à se maintenir à la coque du navire. Mais en peu de temps, ils disparaissent de la vue du patron. Vers minuit le ROMAIN LUCA coule. Le patron parvient à se saisir d’une bouée couronne, puis de la balise de détresse dont il aperçoit le flash lumineux. Environ 1 heure et 30 minutes après le déclenchement de la balise, la vedette SNSM d’Agde est sur zone ; le patron du ROMAIN LUCA est récupéré 15 minutes plus tard en état d’hypothermie et choqué.
Les corps des deux matelots seront retrouvés par les plongeurs de la Marine nationale le 3 décembre 2020, à proximité de l’épave du navire.
À la suite de la croche accidentelle de l’épave par un chalutier, le ROMAIN LUCA a été renfloué le 19 janvier 2022.
L'enquête a été relativement longue du fait du faible nombre d'indices. Une première plongée a été organisée par la Marine nationale. Quelques mois plus tard, une plongée ROV a été organisée par le BEAmer conjointement avec la justice (société CERES). Enfin le renflouement accidentel du Romain Luca a permis de privilégier une hypothèse.
Conclusion
Dans la nuit, l'équipage du ROMAIN LUCA constate l'enfoncement de l'arrière du navire. Le fileyeur chavire quelques minutes plus tard. L’abandon est effectué dans une mer agitée, sans EPI ni brassière, sans avoir donné l’alerte ni pu déployer le radeau de sauvetage.
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Le patron du ROMAIN LUCA est l’unique survivant du naufrage. Après avoir passé environ deux heures dans l’eau à 16° C, il a pu être repéré grâce au bon fonctionnement de la radiobalise de détresse. Celle-ci s’étant déclenchée automatiquement lorsque le navire a coulé.
Les investigations effectuées en décembre 2020 et en mai 2021, à proximité de l’épave du ROMAIN LUCA, ne permettaient pas de retenir une hypothèse suffisamment robuste sur la cause initiale de l’enfoncement de l’arrière et la perte de contrôle de la situation qui en a résulté.
La visite du navire renfloué, effectuée le 19 janvier 2022 permet par contre de privilégier une hypothèse, à savoir la déconnexion d’un flexible d’évacuation de l’eau sur le pont comme étant à l’origine du phénomène d’enfoncement de l’arrière du navire.
L’envahissement n’a pas été limité au compartiment de l’appareil à gouverner. Lorsque l’eau a atteint le niveau du presse étoupe du passage de l’échappement sur la cloison étanche, elle a pu passer dans le compartiment moteur.
Enseignements
1. 2022-E-24 : en se jetant à la mer sans équipement de survie et dans des conditions difficiles (de nuit, par mer agitée, et sans qu’aucune alerte ait été donnée), le niveau de stress éprouvé par les marins du ROMAIN LUCA était de même intensité que si une chute accidentelle à la mer s’était produite dans des conditions analogues.
2. 2022-E-25 : les flexibles sont fréquemment à l’origine de voie d’eau, ils doivent être contrôlés périodiquement.
3. 2022-E-26 : effectuer des exercices de sécurité et d’abandon régulièrement permet d’acquérir les bons réflexes en cas de situation critique.