Bulletin #1 - Déboulonner certains mythes sur le leadership
Bienvenue au premier bulletin de Temps blanc consacré au concept de leadership.
L’emploi du genre féminin a pour but d’alléger le texte, d’en faciliter la lecture et de changer les façons de faire ;)
Pour ce premier bulletin, je souhaite revenir sur 4 mythes à propos du leadership :
Je propose un survole de plusieurs sujets que je développerai plus profondémentdans d’autres bulletins (#teaser)
Mythe #1 : Le leadership est un trait de personnalité
Définir le leadership n’est pas simple. En 1995, on comptait 655 définitions. Plus de 10 000 études ont été consacrées au sujet et on peut trouver plus de 50 000 livres faisant référence au leadership sur Amazon.
Selon Google Trend (outil permettant de connaître la fréquence à laquelle un terme a été tapé dans le moteur de recherche Google), nous sommes de plus en plus nombreuses à nous demander qu’est-ce que le leadership.
Graphique : Résultats de “What is Leadership” dans Google Trend.
La revue de la littérature montre que le concept de leadership a évolué dans le temps. Longtemps considéré comme une qualité personnelle, il est maintenant reconnu que le leadership est bien plus qu'un trait individuel puisqu'il est un phénomène complexe dans lequel les collaboratrices (followers) et le contexte ont un rôle très important. Le leadership est de plus en plus vu comme une compétence d'action.
Voici quelques principes directeurs du leadership que je retiens de la littérature sur le sujet :
De ces principes, j’en tire la définition suivante: "le leadership est un processus qui se produit lorsque, dans un contexte donné, certaines personnes acceptent quelqu'un comme leur leader pour atteindre un but commun”.
Et vous, quelle est votre définition du leadership ?
Mythe #2 : Le leadership est un ensemble de principes à suivre
J’adore cuisiner. J’ai un beau livre de recettes avec mes plats favoris que je sors plusieurs fois par semaine. Bien que j’aime les recettes, il n’est pas possible d’en suivre une pour devenir un grand leader.
Et c’est là une partie de l’intérêt du leadership. Il ne peut pas se résumer à quelques principes clés. Bien que plusieurs livres prétendent connaître LES ULTIMES secrets du leadership, celui-ci reste multidimensionnel, dynamique et situationnel.
Il y a un ordre pour les ingénieures, des accréditations pour devenir ostéopathes, mais aucune certification formelle pour les leaders. Avec un MBA (maîtrise en administration des affaires) on ne devient pas automatiquement une leader.
N’importe qui peut donc s'autoproclamer leader. Qu’attendez-vous pour changer votre titre sur LinkedIn ?
Mythe #3 : On est soit leader, soit gestionnaire
On s’attend à ce que la leader soit capable de guider, d’influencer, de se connecter émotionnellement, d’inspirer ou encore de mener le groupe ou l’organisation à un autre stade de son développement. Au sein des organisations, le leadership est souvent associé aux personnes avec un titre de gestionnaire (chef d’équipe, directeur, directeur principal, vice-président, président, etc.). Les rôles exécutifs donnent du pouvoir et de grandes responsabilités, mais ils ne sont pas automatiquement corrélés avec un leadership influent.
Le leadership ne se définit pas par un rôle, mais par ce qu’on fait à l’intérieur de ce rôle.
Personnellement, j’ai apprivoisé le leadership bien avant d’avoir des titres formels (par ex. : président, cadre, etc.). Avec mes ami.e.s pour organiser une activité, au sein de ma famille pour souligner des retrouvailles ou encore lors d’une randonnée avec 35 jeunes comme animateur de camp de jour. Bon OK ce n’est rien à côté du leadership de la Suédoise Greta Thunberg, qui a réussi à faire marcher des millions de jeunes dans 300 villes du monde pour manifester en faveur de l'action climatique.
Recommandé par LinkedIn
Je pense avoir plus appris sur le leadership dans mes expériences de bénévolat qu’en entreprise. Les bénévoles s’investissent dans un projet par choix. Comment motiver une personne à passer 20h dans la production des états financiers d’un organisme à but non lucratif sans rémunération, bonis, titres ou autres récompenses ? De même, comment continuer de faire croître le membership d’un club d’investissement malgré la perte de 30% du portefeuille d’investissement ? C’est dans ces moments-là que j’ai mesuré mon propre leadership.
Chaque personne peut assumer son propre leadership. On peut assumer son leadership, peu importe son rôle.
En tant que gestionnaire, comment créer des espaces où le leadership peut s’exprimer ? Comment réduire la culture d’autorisation et les processus que certaines structures organisationnelles imposent et qui ne permettent plus aux personnes d’exprimer leur leadership ? Il faut laisser les personnes moins visibles exprimer leur leadership. Les encourager à faire des erreurs, oser et apprendre.
Les rôles de gestionnaire (manager) et leader sont bien différents. Selon Abraham Zaleznik, on a besoin de manager dans un environnement stable et prévisible, car cette personne met l'accent sur la rationalité et le contrôle et adopte des attitudes impersonnelles. Dans un monde imprévisible et en constante évolution, les entreprises auraient davantage besoin de leaders capables de s’adapter au chaos et au changement continu.
Pour un cours 101 sur l’influence des autres, je vous invite à regarder le TED de Simon Sinek au 58 millions de vues qui expliquerait le succès d’Apple, Martin Luther King et des frères Orville Wright et Wilbur Wright.
La gestion (management) c’est maintenir, faire les choses correctement. Le leadership c’est créer et changer de directions, prendre des risques et persuader les autres de le faire.
Je consacre environ 30% de mon temps pour le leadership (influencer, travailler sur la vision stratégique, coaching, communiquer et mener une transformation organisationnelle), 55% pour le management (reddition, recrutement, suivi de projets, régler des enjeux, clarifier des rôles et responsabilités) et 15% pour le rôle d’expert (production d’avis et d’opinion, prise de décision, documentation, vigie sur le domaine). J’aimerais tendre avec un équilibre 60-30-10 d’ici 24 mois.
J’ai encore du chemin à parcourir pour atteindre le niveau 5 sur l’échelle de Jim Collins (The Level 5 hierarchy).
Mythe #4 : Le leadership c’est inné
On ne naît pas leader, on le devient.
Le leadership s’apprend à travers les expériences, l’éducation et le contact avec les autres. Tout le monde ne deviendra pas une leader. Beaucoup de personnes autour de moi ne sont pas intéressées à devenir des leaders. Il y a un investissement important et des responsabilités à assumer.
Le leadership n’est pas réservé aux hommes. Si on manque de représentation de femmes leaders, ce n’est pas par absence d’un gène ou d’une disposition naturelle présents chez les hommes, mais bien le résultat de biais et de la reproduction du modèle de leader.
J’ai moi-même aussi une vision très occidentale du leadership. J’essaie d’être conscient, de mieux que je peux, de mes biais. En étant, entre autre, un homme, blanc, cisgenre, hétérosexuel, valide et favorisé, mes standards de leadership est influencé par mes privilèges. Aurais-je la même définition de ce qui définit le leadership en étant né sans ces privilèges ? Probablement pas.
Authentique, Alpha, réparateur, humain, transformationnel, diplomate … les styles de leadership se multiplient année après année.
Actuellement, la leader authentique est à la mode. Transparent, sincère, bienveillant et ouvert d’esprit sont les qualités du leader authentique et serait la recette pour mobiliser une équipe. Un autre style qui est populaire est celui du leader-coach. Éloigné du leader autoritaire, le dirigeant se met au service de son équipe. Robert Greenleaf parle aussi de leader serviteur. On trouve aussi la notion de leader-coach. C’est au leader de s’adapter et non l’inverse.
Trouver son style et rester authentique est un défi quand on est abreuvé d’images de leaders charismatiques à longueur de journée.
Personnellement, j’aime beaucoup le concept “Leadership from behind” que la professeure d’Harvard, Linda Hill, propose. La leader devient quelqu'une qui comprend comment créer un contexte ou une culture dans laquelle d'autres personnes sont désireuses et capables de diriger. Mandela assimilait un grand chef à un berger “ il reste derrière le troupeau, laissant les plus agiles sortir devant, après quoi les autres suivent, sans se rendre compte qu’ils sont toujours dirigés par-derrière”.
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Développer son leadership passe par la connaissance de soi. Pour ça, les évaluations 360, panier de gestion et autres tests psychométriques peuvent aider. Il ne faut pas sous-estimer l’expérience et surtout la rétroaction de ses collègues et employées. Il faut déboulonner le mythe selon lequel une leader est une personne complète et performante dans tous les domaines. Il est nécessaire de se montrer humble, confiant de ses forces et travailler avec les autres pour combler ses propres faiblesses.
Prendre le temps de faire un bilan est aussi une manière de se poser les bonnes questions. D’ailleurs ce premier bulletin m’a fait réfléchir sur plusieurs aspects.
Et vous ? Avez-vous pris un temps blanc cette semaine pour réfléchir à votre posture de leader, à votre propre style de leadership ou encore à la répartition de votre temps entre le rôle de leader, gestionnaire ou collaborateur ?
Cheffe d’équipe Fondation TI-Gestion des identités et des accès
2 ansMerci pour ce partage Julien! Je suis une femme authentique dans mon leadership et je m’entoure des gens qui m’inspirent.
Exécutif de transformation
2 ansQuelles belles réflexions sur le leadership, merci Julien. J’ajouterais des éléments d’intégrité, de cohérence, de façons d’être qui inspirent de l’adhérence au leader. Le leader doit tirer vers le haut, vers le but, quelque chose de plus grand que soit et de rassembleur. Au lieu de pointer vers lui-meme, le leader pointe dans une vision, vers un but commun.
Dirigeant-entrepreneur, conseiller sénior en management, innovation et neuromanagement, formateur au MBA de l'UdS, mentor au Réseau Mentorat. Franchement passionné par les humains et leurs paradoxes.
2 ansSelon les neurosciences, le leadership n'est qu'une perception des autres sur soi et une prétention que certains osent affirmer sur les autres. Les mythes que vous soulevez sont vrais, surtout ceux qui s'adressent à des processus, des méthodes et recettes à succès. C'est de la fumisterie ces croyances, merci de l'effort de corriger ces faussetés populaires trop commercialisées. Pour moi, le leadership est un sous-produit du communityship soit cette conscience de son environnement et des vivants qui la composent. C'est l'expression neuronale de certains cerveaux particulier qui décident d'agir selon les circonstances à venir. Le leadership n'est qu'une expression momentanée et temporelle. Bon leader/manager un jour, mauvais leader/manager un autre jour. Les leaders/managers durables, sont ceux qui construisent une vision d'un futur possible et s'adaptent en conséquence selon leur entourage. Il s'agit donc d'une faculté intellectuelle, presque innée. Il ne faut pas essayer de rationaliser le leadership, il faut juste savoir à quel moment il s'exprime, presque spontanément selon le contexte. J'en suis à penser que le leadership et la créativité sont des amis proches, au service du communityship, comme dirait Mintzberg.
Consultante en gestion agile
2 ansExcellente réflexion Julien. Merci d'avoir partagé. La leader transparente et la leader coach revient à la mode en effet. Au début de ma carrière, j'ai eu la chance d'avoir un mentor qui était un véritable leader transparent et coach. Il avait également cette qualité, que j'ai pu observer chez les leaders les plus inspirantes et résilientes que je croise occasionnellement, soit cette volonté de faire briller/mettre en valeur les autres autour d'eux.
Leader de pratique Engagement socio-économique au Mouvement Desjardins
2 ansMerci Julien pour ces réflexions documentées. Je t'ai lu jusqu'à la fin avec intérêt. J'ai envie de pousser la réflexion plus loin. Suffit-il d'être un leader ou encore faut-il s'assurer d'être un leader qui amène une évolution positive? Je tombe dans le manichéisme par raccourci parce que définir ce qui est positif serait trop long. Ceci étant, ce que je veux dire, c'est qu'il ne faudrait pas que le berger mène le troupeau vers un précipice... Qu'en penses-tu?