Carte blanche #1 - Overshoot day, on va te péter les dents !
Cette carte blanche est coécrite par le collectif des slips en fougère, une bande de quelques idéalistes qui ont à coeur de partager leurs réflexions sur ce que nous vivons au regard du changement climatique. Ce texte n’a d’autre prétention que de donner quelques semences d’inspiration pour répondre à la question : comment est-il possible de combiner une vie désirable tout en diminuant drastiquement notre empreinte environnementale ? Il est destiné au grand public, mais aussi aux politiques qui nous gouvernent. Son objectif ? Agir et faire réagir. D’ailleurs vous serez souvent bouleversés, parfois choqués. Et alors ?
La carte blanche dont vous êtes le héros
Au-delà de son aspect informatif, cette carte blanche est un organisme vivant : chaque chapitre apportera son lot de questions dont vos réponses enrichiront son contenu au fur et à mesure de sa rédaction.
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Chapitre 1 - Overshoot day, on va te péter les dents !
Overshoot day, c’est ce funeste jour J où l’on dépasse, sans même s’en apercevoir, et bien trop à l’avance, ce que la terre peut nous fournir pour notre propre survie pendant une année complète. En Belgique, nous l’avons dépassé le 4 avril pour l’année 2019. Ce constat nous révèle que nous avons pris l’habitude de consommer quatre fois trop. Notons que plus le PIB d’un pays est élevé, plus son jour d’overshoot est atteint tôt dans l’année. En revanche, cet overshoot n’a rien à voir avec le bien-être de la population. Voyez plutôt le schéma de cet excellent bouquin : “Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous ?” de R. Wilkinson & K. Pickett :
Nous vivons dans une société de surconsommation que nous n’avons pas choisie, mais que nous avons fini par adopter. Notre empreinte environnementale est largement supérieure à celle que nous autorise durablement notre planète. Pour éviter de brûler avec le navire, il est vital, en Belgique, de diviser par quatre (2,7 en moyenne dans le monde, 6 fois pour les USA) dès aujourd’hui les émissions de carbone par rapport à nos émissions standards et arriver à zéro émission carbone en 2050.
Certains d’entre nous sont tout à fait lucides quant au fait que l’humanité court littéralement à sa perte. Cependant, nous avons nos habitudes, nos contraintes, et surtout nos envies. Cette dichotomie nous fait vivre au quotidien un réel déchirement entre le sentiment selon lequel nous devrions diminuer notre empreinte carbone, tout en continuant de répondre à nos besoins d’homme moderne : réunir notre famille, faire grandir nos enfants, nous épanouir au travail, mais aussi… payer notre maison, nos factures, nos vacances, etc. La routine quoi… (immuable ?)
Comment concilier ces deux aspects ? Comment sommes-nous censés agir pour qu’à la fois nous puissions maintenir notre équilibre personnel et oeuvrer en tant que citoyen ?
Dans notre société, le capitalisme fait loi : il nous impose ses idées et son idéologie, où l’argent est devenu le Saint Graal. Outre les conséquences environnementales, les retombées sur les humains sont détestables : inégalités, pauvreté, assèchement des ressources naturelles, migrations, esclavagisme moderne, travail d’enfants, guerres, etc. Le capitalisme fait système de manière tentaculaire et étend son emprise à tous les niveaux de notre société contemporaine.
Vous avez repéré ces affiches prônant la durabilité ? Par exemple à Forest (en Belgique), cet écran géant qui annonce que l’usine Audi a atteint le CO2 neutre. Une multinationale prend-elle la peine d’inscrire sur un écran géant qu’elle est “durable” sans rien y gagner ? Vous le savez, c’est du greenwashing. Il y a une contradiction totale entre le message transmis et l’activité. Entre les actions prises et la réalité d’une société qui vend des voitures. Pour l’ADEME, il s’agit d’éco blanchiment [qui] “consiste pour une entreprise à orienter ses actions marketing et sa communication vers un positionnement écologique. Pour blanchir leur image de marque, ces entreprises dépensent dans la communication. C’est le fait, souvent, de grandes multinationales qui, de par leurs activités, polluent excessivement la nature et l’environnement.”
Tu es patron chez Audi. Que fais-tu pour diminuer drastiquement l'empreinte carbone de ta multinationale ?
La puissance de frappe de cette multinationale nous dépasse. Or, si nous voulons sauver la planète, la biodiversité et l’espèce humaine qu’elle abrite, ces codes doivent être abolis. Soyons choquants : quand l’esclavage était à la mode, les négriers se demandaient comment ils allaient pouvoir “survivre” (dans le sens maintenir leur niveau de vie) sans cet acquis (une manière de vivre si ancrée pourtant). Nous avons pu dépasser cela, et de loin. C’est pour le moins réjouissant.
Aujourd’hui, alors que l’abolition de l’esclavage est une évidence, se rejoue ce même scénario de résilience. Nos actions font du tort à une frange importante de la population mondiale, que ce soit en détruisant leur environnement ou en ne leur permettant pas de vivre convenablement grâce à des emplois décents. Cet esclavage a priori aboli, il est toujours là, en filigrane, perceptible seulement quand on y songe.
Quels types d'esclavagisme moderne pourrait-on abolir, et comment ?
Le réel changement qui s’opère actuellement est citoyen, mais il ne sera efficace que lorsqu’il sera politique. Les initiatives individuelles sont importantes et ont le mérite d’exister. Outre le fait de montrer l’exemple, ces personnes inspirantes sont de véritables moteurs du changement. Néanmoins, elles oeuvrent séparément. Et l’urgence est là : la seule manière pour nous de réussir le défi environnemental est de fonctionner de manière globale, systémique et cohérente.
Ce manifeste n’a d’autre prétention que de donner quelques semences d’inspiration pour répondre à notre question de départ : comment est-il possible de combiner une vie désirable tout en diminuant drastiquement notre empreinte environnementale ?
Prochain chapitre - "Après moi le déluge" : putain de cerveau humain.
Coordinateur qualité au département qualité et gestion des risques au sein de HUMANI
4 ansSuper texte!! Voici deux réflexions tout à fait personnelles. (...)" Cette dichotomie nous fait vivre au quotidien un réel déchirement entre le sentiment selon lequel nous devrions diminuer notre empreinte carbone, tout en continuant de répondre à nos besoins d’homme moderne"(...) Si nous pouvions déjà définir et appliquer la différence entre nos besoins fondamentaux et nos désirs d'homme moderne. A mon sens, le mot "moderne" est inadéquat. Une des définitions est "qui bénéficie de progrès récents". Pour moi, moderne c'est aussi être en accord avec son temps. Nous bénéficions peut-être de progrès, mais notre égoïsme ne le fait bénéficier qu'à nous mêmes comme vous le décrivez si bien. Nous ne sommes pas en accord avec notre temps puisque nous ne mettons pas ces progrès au bénéfice de la planète. Ma définition d'homme moderne serait = qui doit utiliser les progrès récent pour le faire bénéficier à tous dans une vision altruiste, respectueuse et à long terme. Belle journée.
Senior Sustainability Consultant
4 ansbravo!