Ce que la crise du COVID-19 nous apprend
L'annonce du confinement généralisé à l'échelle du pays par le Président, hier soir, était attendue par la plupart des concitoyens au vu de l’évolution dramatique du nombre de personnes contaminées ces derniers jours.
Très rapidement, nombreux sont ceux qui ont critiqué la gestion de la crise par le Gouvernement français : décisions pas suffisamment rapides, pas suffisamment strictes, ou alors tout simplement pas cohérentes (pourquoi avoir tenu les élections municipales pour confiner le pays 24 h plus tard ?). De l’autre côté, nombreux ont salué les actions mises en œuvre : des décisions nécessaires et courageuses pour que le risque envers nous-même et nos proches soit le plus faible possible.
Ce qui me frappe, c’est l’acceptation générale des mesures prises sans réelle discussion.
Analysons un peu l’impact de ces mesures, en commençant par celle du confinement. Qui est confiné ? Évidemment tout le monde, sauf dans le cadre du travail où il y a ceux qui peuvent faire du télétravail et ceux qui sont obligés de se rendre sur leur lieu de travail. Dans ce deuxième cas, on pense évidemment aux soignants, aux commerçants (alimentaire) mais aussi les éboueurs, les forces de l’ordre, les agents de sécurité, les routiers et de nombreux autres. Les sans-domiciles sont également touchés, malgré eux. Il est évident que plus vous multipliez les contacts, plus vous avez de risque d’être infecté ou d’infecter les autres. Ces catégories de population sont donc les personnes les plus à risque. Et cela ne vous aura peut-être pas échappé, mais ces personnes comptent parmi la catégorie socio-professionnelle intermédiaire (à l’exception des médecins). Au contraire, la très grande majorité des cadres peuvent travailler de chez eux.
Cette injustice est d’autant plus grande, que de nombreuses familles ayant des résidences en campagne ont fui la ville, pour passer cette période dans de meilleures conditions (au contraire des plus modestes qui vivent souvent dans des endroits étriqués et qui de toute façon auraient dû y rester pour travailler). Avec cette fuite, s’accompagne inévitablement d'une plus grande dispersion du virus vers des lieux encore inoculés…
Premier Enseignement : les classes moyennes sont bien plus exposées que les classes supérieures.
La question que l’on peut se poser ensuite est celle de l’existence d’une alternative. Que pouvons-nous faire d’autres ?
A cette question, il n’y a pas de réponse simple, mais les chiffres peuvent nous donner des pistes. Le 16 mars en Allemagne, il y avait 6 012 cas déclarés, alors qu’en France, il y en avait 6 633, donc un stade d’avancement similaire. Voici quelque chose de plus étonnant : la différence du nombre de morts (12 contre 129). La structure de la population (âge moyen, richesse, condition de vie, etc.) est assez proche entre les deux pays, la seule différence étant les mesures prises. Dans un cas, il y a un dépistage massif qui s’intensifie de jour en jour, dans l’autre cas, on teste avec parcimonie uniquement les personnes avec des symptômes importants. Au vu de ces éléments, il y a donc fort à parier que le nombre de contaminés par le virus soit au moins dix fois plus important en France que celui qu’annoncent les autorités de contrôle. Or, il est connu et reconnu que l’on ne pilote que ce que l’on mesure. Et en France, on mesure très mal le nombre de contaminés.
Mais au-delà des données, ce sont les actions mises en place qui ne peuvent pas être les mêmes. Lorsque vous avez un taux de détection de près de 100 %, vous pouvez confiner uniquement les personnes touchées. À l’inverse, lorsque vous détectez 10 % des malades, ne pas confiner l’ensemble de la population est une aberration. En France, les autorités ont choisi de ne pas pratiquer de dépistage massif (pour des raisons idéologiques principalement et non de production), au détriment de la liberté des français.
Deuxième enseignement : les français continuent d’accorder un haut degré de confiance dans un pouvoir exécutif qui gère mal la crise grâce à une incroyable unité et un grand sens des responsabilités.
Le dernier point consiste à s’interroger sur les conséquences d’une telle crise. Il y a eu des dizaines de drames et il y en aura bien d’autres, sans doute franchirons-nous la barre des milliers de décès. Personnellement, je ne crois pas aux scénarios de plusieurs centaines de milliers de morts comme certains peuvent l’annoncer. D’abord parce que les chiffres actuels n’indiquent pas une telle tendance, et parce que je pense que des mesures radicales seront prises avant. Mais après la crise sanitaire, vient la crise économique. La bourse s’est effondrée. Sur le CAC40, il a été enregistré une baisse de moins 35 % en quelques jours : un record historique battu. Notre économie se relèvera et très rapidement. Elle sera cependant conditionnée aux dégâts causés sur l’économie des entreprises qui vont tourner au ralenti pendant de longues semaines. Étant moi-même entrepreneur, mon activité est arrêtée et je n’ai aucune visibilité sur sa reprise ni sur sa pérennité. Selon le ministre de l’Économie, aucune entreprise ne fera faillite ; nous verrons bien. Ce qui est sûr, c’est que d’ores et déjà, nous allons perdre 1 mois d’activité, soit au minimum une baisse de 10 % de l’activité. Il y aura donc beaucoup d’épreuves à affronter pour toutes les entreprises ainsi que leurs salariés. Au final, cela pourrait se traduire par des licenciements, des fermetures, des baisses de salaires, etc. Par ailleurs, cela nous aura appris que notre interconnexion mondiale est une force incroyable, mais également notre talon d’Achille, et qu’en quelques jours, tout peut s’effondrer.
Troisième enseignement : notre société est autant productive que fragile et nous montre à quel point celle-ci est inadaptée aux prochains enjeux qui nous font face.
Arriverons-nous à dépasser le covid-19 ? Je suis à peu près sûr que oui, notamment parce que collectivement nous sommes conscients et responsables. Arriverons-nous à dépasser les prochaines crises et notamment écologique ? Je suis à peu près sûr que non mais cet épisode est une lueur d'espoir.
Bon confinement à tous.