Ces libéraux qui arrêtent de cotiser
Ils seraient de plus en plus nombreux à renoncer à leur organisme de protection sociale pour souscrire une assurance privée…
Le mouvement de contestation s’amplifie. D’où vient-il et que risquent ces professionnels (Artisans, commerçants, professions libérales) qui décident de rompre avec le système social ?
1- La genèse de la contestation
La protection sociale Française abrite en son sein une grande diversité de statuts sociaux. Cette hétérogénéité s'explique essentiellement par l’Histoire qui a vu ces régimes se créer sur une base professionnelle (régimes des fonctionnaires, des entreprises publiques et des non-salariés).
Les régimes de sécurité sociale, très emprunts de corporatismes, ont également été largement façonnés par la négociation paritaire (régimes complémentaires des cadres et non cadres), par la volonté de l’Etat de traiter spécifiquement son personnel (régimes spéciaux des fonctionnaires et des entreprises publiques) ou encore de constituer un socle minimum, généralisé au plus grand nombre (régime de base des salariés du privé).
Les ordonnances de 1945 créent un « bloc » régime général ayant vocation à rassembler l’ensemble des actifs (salariés des secteurs privé et public, exploitants agricoles, travailleurs indépendants et secteurs spécifiques d’activité). Cependant, les travailleurs indépendants refusent d'adhérer à ce régime pour plusieurs raisons :
- La maîtrise de leur patrimoine : à cette époque, la valeur du fonds de commerce permettait à un travailleur indépendant de s’assurer un revenu pour sa retraite.
- Une réelle réticence à déclarer ses revenus.
- Le refus de se soumettre à un système obligatoire : ce sont des indépendants !
- D’importantes réserves en lien avec la gouvernance syndicale des organismes de sécurité sociale : en effet, les travailleurs indépendants ne représentent que 20 % de la population active, leur protection sociale aurait été gérée par les organisations syndicales de salariés largement majoritaires dans ces instances…
De fait, des conceptions philosophiques et politiques vont s’affronter, elles vont contribuer à façonner les différents régimes.
C’est sur ce terreau que naissent les mouvements de contestation d'adhésion à un régime social obligatoire. Ils ne cesseront de faire entendre leur voix, et le feront parfois de manière très violente :
- L'UDCA (Pierre POUJADE) dans les années 1950
- Le CIDUNATI (Gérard NICOUD) à la fin des années 1960
- La CDCA (Christian POUCET) dans les années 1980
- actuellement le MLPS (Docteur REICHMAN)
Après d’âpres et longues joutes juridiques, la cour de Cassation confirme une nouvelle fois l'obligation d'être affilié à un organisme de Sécurité Sociale dans un arrêt du 18 juin 2015.
2 - Le droit français & européen
Portés par les promesses et les arguments attrayants des mouvements contestataires, certains professionnels libéraux décident de rompre avec le système et arrêtent sciemment de payer leurs cotisations sociales.
Que dit le droit Français?
Le code de la Sécurité sociale rappelle dans ses articles L.111-1 et L.111-2-2, le principe de solidarité comme fondement de la Sécurité sociale et proclame l’obligation de s’affilier à un régime de Sécurité sociale pour les personnes qui travaillent en France.
Sur le plan Européen?
Le juge communautaire a validé à maintes reprises ce principe d’affiliation obligatoire. Il a rappelé que les États membres sont libres d’organiser comme ils l’entendent leur système de Sécurité sociale et, notamment de fixer dans leurs législations nationales pour chacun des risques, le niveau des prestations, le mode et le niveau de financement, les modalités de fonctionnement du régime et son degré de solidarité entre les citoyens ;
Les règles européennes de la concurrence ne sont pas applicables à la Sécurité sociale qui n’exerce pas des activité économiques au sens des règles européennes de la concurrence (arrêt de principe « Pistre et Poucet » - 1993) ;
Enfin, les directives européennes sur l’assurance, notamment avec les dispositions de la directive 92/49 CEE sur l’abolition de monopoles ne visent pas la Sécurité sociale mais l’assurance privée.
3 - Les sanctions encourus
Le refus de cotiser à la Sécurité sociale fait encourir au professionnel libéral d’importantes sanctions civiles et pénales.
- En vertu des articles L. 244-1, R. 244-4 et R.244-5 du code de la Sécurité sociale, le refus de cotiser à la Sécurité sociale, expose l’employeur et le travailleur indépendant à une amende.
- Tout contrat d’assurance souscrit pour garantir des risques couverts par la Sécurité sociale par un travailleur indépendant qui refuse d’acquitter ses cotisations de sécurité sociale, encourt une nullité d’ordre public (art. L.652-4 du code de la sécurité sociale).
Le gouvernement a durci les sanctions à l'encontre de ceux qui refusent d'être affilié dans un régime social :
- 6 mois d’emprisonnement et 15 000 € d’amende pour "toute personne qui refuse délibérément de s’affilier ou qui demande à ne plus être affiliée à un régime de sécurité sociale en méconnaissance des prescriptions de la législation en matière de sécurité sociale".
La loi sanctionne également lourdement l’aide et l’incitation à cesser de cotiser à la Sécurité sociale :
- L’incitation à ne pas payer ses charges sociales obligatoires est punissable de de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
Attention
Les libéraux, comme tous les autres assurés, tentés de se « libérer de la Sécurité Sociale » doivent avoir conscience qu’il s’agit avant tout d’un combat politique et idéologique et que les risques encourus sont importants.