La mode des Abonnements
Le e-commerce mondial est en pleine ébullition. Il y a à peine quelques semaines, le géant Walmart a mis $16 milliards sur la table pour contrôler Flipkart et ainsi prendre une bonne part du commerce Indien. Dans le même temps, Amazon s’associait au groupe français Casino pour une distribution croisée avec les magasins Monoprix et ainsi mettre un pied dans le commerce du frai européen.
L’une des tendances de consommation fortes de ces dernières années est la généralisation des abonnements. Les abonnements s’incrustent partout. Et même désormais dans des domaines complètement inattendus, aidés par la technologie et par l’innovation.
Nous allons examiner quelques cas pour voir l’avantage que procurent les abonnements dans chacune de ces situations. Bien-sûr, l’avantage immédiat pour le vendeur est le revenu récurrent. Mais c’est loin d’être l’unique avantage.
Streaming et produits culturels
Nous avons déjà parlé des smart speakers, ces enceintes équipées d’assistant vocal et capables de répondre à une multitude de requêtes verbales. Ce qui fait le très fort intérêt pour ces accessoires est qu’elles représenteront un moyen dominant d’accès au web et permettent ainsi de vendre une multitude d’abonnements ; par exemple, pour écouter la radio ou pour diffuser de la musique ou des films en streaming. Nous avons déjà vu comment le modèle du streaming de Spotify a pris le dessus sur le modèle iTunes, qui est lui sur le déclin. Pourquoi ?
Tous les grands amateurs de produits culturels le savent : que ce soit le livre, la musique, le cinéma ou autre. Le grand problème dans ce domaine est la manière de découvrir de nouvelles œuvres qui correspondent à nos goûts. D’où le grand succès des applications comme Shazam, rachetée par Apple $400 millions : dès que vous entendez une musique qui vous plait, vous lancez l’appli, vous identifiez le morceau avec la possibilité d’aller direct sur le site pour l’acquérir !
Avec le streaming, on a accès à des dizaines de millions de titres. A volonté. Le bonus, c’est que la magie du big data, de l’IA et des algorithmes d’analyse de vos goûts vous suggère du nouveau contenu en permanence, en fonction de vos goûts et de la situation dans laquelle vous vous trouvez (musique pour dormir, pour travailler, pour voyager, une playlist de nouveautés..) qui ont toutes les chances de vous plaire. J’en parle en toute connaissance de cause.
Et le modèle économique ?
Il s’agit d’un contrat à 3 parties : le producteur de l’œuvre, le diffuseur et le consommateur. On l’a compris, l’avantage pour le diffuseur, c’est la garantie d’un revenu récurrent. Ce qui n’était pas le cas avec iTunes par exemple. Amazon l’a bien compris : avec ses 100 millions d’abonnés à Prime, il a une rentrée régulière de $1 milliard par mois garantie avec un coût marginal égal à zéro !
Le producteur de l’œuvre, lui, est rémunéré non pas pour l’œuvre mais à chaque fois qu’elle est consommée. Spotify rémunère les artistes au temps d’écoute, Amazon au temps passé dans la lecture d’un livre,…
Pour le consommateur, la nouveauté est de devoir renoncer définitivement à l’idée de posséder une copie de l’œuvre : à la fin de votre abonnement Spotify, Netflix, Apple ou Amazon, il ne vous restera aucun morceau à écouter, aucun film, aucun livre. L’envie de posséder les choses est encore encrée dans nos mentalités d’algériens et représente une barrière provisoire à ce genre de modèles.
Manger par abonnement
Depuis 7 ans, la startup berlinoise HelloFresh, filiale du géant allemand Rocket Internet, livre des kits repas à préparer pour les foyers souhaitant manger sainement. Mais HelloFresh n’est pas la seule à fournir ce genre de services.
Imaginez : vous avez une famille, vous travaillez l’un et l’autre dans le couple, vous avez des enfants, vous n’avez pas envie de nourrir votre famille de fast food ou de nourriture industrielle. Vous voulez manger viande, poisson et légumes frais. Mais vous n’avez pas le temps de faire le marché, choisir les légumes, apprendre à cuisiner, chercher chaque jour des idées de recettes. En plus, chaque fin de semaine, vous risquez de vous retrouver avec des légumes pourris au fond de votre frigo !!!
Contre un abonnement, HelloFresh vous livre chaque semaine un colis avec des ingrédients avec l’exacte quantité, emballés individuellement et des instructions de préparation à suivre. Des repas frais, variés, riches, sans se casser la tête. Voilà la promesse de HelloFresh. Pour ce prix, vous économisez votre temps, les ingrédients périmés, l’apprentissage de la cuisine et les tracas pour savoir quoi cuisiner d’original ce soir à votre famille.
Pour réussir ce défi, la startup a dû mettre en place une logistique de folie capable de livrer des milliers de colis frais personnalisés. Elle offre une solution à un problème qui tracasse potentiellement toutes les familles… mais aussi tous les célibataires endurcis ! Dans le même genre, il existe de plus en plus de solutions pour acheter des vêtements ou des produits de beauté par abonnement par exemple.
Et se raser…
Quand en 2012, je lisais un article sur les startups les plus prometteuses du moment, j’ai entendu parler de DollarShaveClub. Sur le coup, j’ai dû ricaner ; je ne comprenais pas ce que vendre des rasoirs sur internet avait de révolutionnaire.
Je suis tombé des nus il y a 2 ans, quand j’ai appris que la startup en question a été rachetée par Unilever pour pas moins d’un milliard de dollars en cash. J’ai compris alors l’étendu de mon ignorance.
En fait, dans le prix final d’un rasoir -et plus généralement des produits d’hygiène personnelle- le marketing représente une proportion importante. Il s’agit d’un marché très concurrentiel qui nécessite un investissement important en marketing et en image. La vente par abonnement permet dans ce cas de réduire sensiblement le prix final. En rachetant DollarShaveClub, Unilever achète une expertise dans la vente directe de produits d’hygiène personnelle qui lui permet de baisser ses prix et de lancer une guerre commerciale contre son concurrent direct P&G et sa marque phare Gillette.
Un modèle et un monde de possibilités
Nous venons de voir que le modèle de l’abonnement apporte une foultitude d’avantages, aussi bien pour le fournisseur du service que pour le consommateur. Il peut faire gagner du temps, réduire le prix, augmenter le choix ou résoudre d’autres problèmes encore.
Il n’est cependant pas toujours évident à mettre en œuvre. Songez qu’Unilever, avec son revenu de plus de $50 milliards n’a pas l’agilité nécessaire pour déployer ce genre de services. C’est la chance des startups, capables d’explorer les habitudes de consommation et d’identifier des besoins critiques.
(Cet article a été initialement publié dans N'TIC Magazine)