Chiens de protection, la solution pour protéger les troupeaux, les bergers et les loups ?
Article rédigé par Agnès GROZELLIER
Source : Formation Agrilearn Mise en place et éducation des chiots destinés à la protection des troupeaux
Dans le sillage du loup
Les chiens de protection des troupeaux ont fait leur retour en France dans le sillage du loup. En effet, après 100 ans d‘absence, le loup, devenu espèce protégée, est revenu dans notre pays au début des années 90, d’abord dans les Alpes du Sud, puis, dans d’autres régions. Si le retour du loup est celui qui présente le plus de difficultés (et celui qui déchaîne les passions), il n’est pas le seul prédateur à avoir réintégré notre territoire à la fin du XXème siècle. Vingt ans auparavant, un autre prédateur avait fait son retour dans les montagnes du Jura puis des Vosges, le lynx. Dans les Pyrénées, c’est à l’ours que les éleveurs ont affaire, même si le nombre d’individus y reste faible.
Après des millénaires passés à vivre avec le loup et surtout à le combattre, les éleveurs et bergers de France ont vécu et travaillé dans les montagnes pendant plus d’un siècle sans que plus aucun prédateur ne mette en danger les troupeaux (si ce n’est les chiens errants). Durant cette période notre monde a beaucoup changé. L’économie des territoires concernés s’est fortement modifiée, avec de nouvelles activités comme le tourisme. Les activités traditionnelles (élevage et pastoralisme) ont, elles, beaucoup évolué et sont devenues de plus en plus difficiles pour les hommes et les femmes qui en vivent. Les conditions économiques de l’élevage ont fortement modifié l’activité, avec notamment des troupeaux beaucoup plus importants et une main-d’œuvre moins nombreuse. Les habitudes de travail ont donc changé, mais surtout le savoir et la culture des moyens de protection, notamment l’usage des chiens de protection, ont disparu.
Plus largement, ces décennies ont été marquées par la disparition d’une culture « du vivre ensemble », qui a pour conséquences d’énormes problèmes d’acceptation sociale, de retour de peurs ancestrales, mais aussi de récupération politique et syndicale. Phénomènes communs aux pays et régions confrontées au retour du loup. Dans ces régions où les activités d’élevage et de pastoralisme connaissent de grandes difficultés économiques et où les éleveurs se sentent souvent abandonnés par les politiques publiques et agricoles, le loup est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Aujourd’hui c’est une véritable guerre qui oppose les radicaux de deux camps : d’une part des écologistes qui souhaiteraient réensauvager les montagnes sans y laisser de place pour les éleveurs et d’autre part des éleveurs, non moins radicaux, pour qui le loup n’a pas sa place dans notre pays.
Pourtant, dans un contexte de perte de biodiversité jamais égalée dans l’histoire de l’humanité, la présence de ces prédateurs, notamment du loup, sur notre territoire est irréversible. L’enjeu est donc crucial, de la cohabitation entre éleveurs et prédateurs, particulièrement entre les deux grands prédateurs que sont le loup et l’homme, dont l’histoire commune est aussi ancienne que mouvementée.
Une histoire millénaire
L’histoire de la collaboration entre l’homme et le chien est très ancienne. Les données archéologiques nous disent que les premiers chiens enterrés avec des hommes (qui démontrent l’intensité du lien déjà établi) remontent à plus de 14 000 ans. Mais les études scientifiques les plus récentes laisseraient à penser que la divergence entre chien et loup remonterait à 135 000 ans. Beaucoup de questions demeurent autour des relations homme-loup, puis homme-chien. Domestication ou alliance ? Lequel de l’homme ou du loup a-t-il pris l’initiative du partenariat ?… Il est une certitude cependant, les hommes n’avaient pas encore inventé l’agriculture ni domestiqué des animaux, il y a 10 000 ans, qu’ils collaboraient déjà avec des chiens depuis longtemps. C’est donc pour la chasse que le partenariat homme-chien a commencé avec un rôle de vigie et de protection. De nombreux scientifiques considèrent aujourd’hui que le partenariat homme-chien a apporté à l’homme un avantage déterminant en matière de survie. Cro-Magnon[1] avait un chien, il a survécu ; Néandertal[2] n’en avait pas, il a disparu ! De là à faire un parallèle sur l’avenir du berger (et du pastoralisme) avec ou sans chien de protection, nous n’irons peut-être pas jusque-là !
Au-delà de cette première collaboration, le partenariat entre l’homme et le chien a pris différentes formes dans l’histoire : chien de garde, de chasse, de guerre, de compagnie… Parmi ces fonctions, celle de gardien des troupeaux a sans doute été l’une des premières. Dès le Néolithique, le premier travail du chien auprès du berger fut d’assurer la protection des troupeaux contre les prédateurs.
Le chien de protection fait donc partie de l’identité pastorale depuis des millénaires. Pourtant, il n’a fallu que quelques dizaines d’années pour que ce savoir-faire ancestral disparaisse dans les pays d’où les grands prédateurs avaient été éradiqués.
Qu’est-ce qu’un chien de protection ?
Le premier rôle du chien de protection est d’empêcher les prédateurs d’approcher du troupeau, et non pas de combattre les prédateurs une fois qu’ils sont dans le troupeau. Pour cela ils ont plusieurs techniques permettant d’établir un périmètre de protection autour du troupeau : marquage du territoire par les urines et les crottes et aboiement, de nuit surtout. Grâce à leur odorat très développé, ils détectent à distance l’arrivée des prédateurs et peuvent ainsi les bloquer bien avant qu’ils n’atteignent le troupeau. Le chien est donc un moyen de protection non létale pour le loup. Dans les régions du monde où ils sont bien utilisés, les cas de loups tués par des chiens sont très rares, tout comme les cas de chiens tués par des loups (Ce qui n’est pas le cas en France ou de nombreux chiens sont blessés voire tués et consommés par des loups, preuve qu’ils sont mal utilisés).
Mais le rôle de ces chiens ne s’arrête pas là. Leur mission de protection de chaque individu du troupeau va bien au-delà de la protection contre les prédateurs. Mathieu MAURIÈS nous en donne d’ailleurs des exemples aussi insolites qu’émouvants lorsqu’il nous raconte l’histoire de ce chien se tenant à l’écart et refusant de rentrer à la bergerie parce qu’il restait à côté d’un bouc pris dans la fourche d’un arbre, ou encore celle de cet agneau abandonné par sa mère et égaré dans la nuit, mais veillé par une chienne kangal. Sans oublier ce jour où il est parti à un rendez-vous, oubliant la barrière du parc ouverte et où ses chiens ont emmené seuls le troupeau au pâturage, comme à leur habitude, pour le ramener à midi.
Au moment de l’agnelage, les chiens sont plus vigilants et protègent les agneaux. Ils éliminent les délivrances, les fœtus et les agneaux mort-nés et participent ainsi au bon état sanitaire du troupeau. En repoussant les herbivores sauvages, ils évitent la transmission de maladies. Ces comportements complémentaires à leur premier rôle de protection sont méconnus et négligés alors qu’ils sont un atout majeur pour les éleveurs.
Cependant, pour que ce travail indispensable des chiens de protection soit réellement efficace, certaines conditions sont nécessaires. Les bergers doivent donc se réapproprier cette technique ancestrale.
Le chien de protection peut-il être un moyen permettant la cohabitation entre éleveurs et prédateurs ?
C’est la question à laquelle cette formation tente de répondre. Mathieu MAURIÈS, chercheur, éleveur de chiens de protection et berger, y travaille depuis plus de 20 ans. Il partage avec nous son analyse des erreurs, nombreuses, qui ont été commises en France depuis 30 ans. Mais surtout, il nous donne des clés pour mieux comprendre ces chiens extraordinaires et pour enfin leur permettre de prouver leur efficacité dans la protection des troupeaux, et par là dans la protection du loup.
Pourquoi l’échec du chien de protection en France ?
Le chien de protection est de loin le moyen le plus efficace de protéger les troupeaux. C’est l’avis de Mathieu MAURIÈS, et c’est aussi ce que prouvent des siècles de pastoralisme dans le monde entier. Mais l’histoire et la géographie du pastoralisme démontrent également que pour être efficace, le travail des chiens de protection doit répondre à certaines règles. Pour bien travailler, le chien de protection a besoin de l’affection et du soutien de son berger dont il est le compagnon et non un outil de travail. Par ailleurs, le chien de protection travaille en meute et apprend son métier au sein de la meute.
Malheureusement, en France, la réintroduction du chien de protection n’a absolument pas tenu compte de ces deux impératifs : une relation berger-chien basée sur le respect et la confiance et le rôle déterminant de la meute. Financé par les pouvoirs publics, le chien de protection a été proposé aux éleveurs comme un outil (parmi d’autres) pour défendre leurs troupeaux. L’outil a d’ailleurs été fourni avec son manuel d’utilisation : la méthode Coppinger, importée des Etats-Unis.
Pour Mathieu MAURIÈS, cette méthode simpliste va totalement à l’encontre des besoins des chiots. Elle consiste à faire naître des chiots en bergerie, pratiquement sans contact avec l’homme, et à isoler très tôt le chiot de ses congénères sous prétexte de favoriser son attachement au troupeau. Le chien, cet animal éminemment social, se voit alors privé de ses besoins fondamentaux : jouer avec ses semblables, apprendre des adultes, se sentir en sécurité grâce à la présence de chiens adultes et d’un maître protecteur et affectueux. Ce chiot se construira donc sur la peur avec, pour modèle, des herbivores ! Quand on sait que le chiot apprend d’abord par observation et imitation, pas étonnant que certain se retrouvent à manger du foin ! Pourtant, il devra plus tard être un chien assez courageux pour affronter le loup et suffisamment intelligent et équilibré pour réaliser son métier dans un environnement particulièrement difficile : protéger le troupeau, parfois au risque de sa vie, sans attaquer les randonneurs, ni leurs chiens !
La méthode Coppinger, érigée en vérité, faute de recherches appliquées au contexte de notre territoire, a abouti à la diffusion de clichés et de savoirs erronés qui discréditent aujourd’hui les chiens de protection et leur travail.
Rétablissons quelques vérités
· Le chiot puis le chien peuvent, et doivent, être manipulés par l’homme. Dès les premières semaines de sa vie, le chiot doit être manipulé par son éleveur. À défaut, il deviendra un chien craintif vis-à-vis de l’homme, difficile à manipuler, voire incontrôlable.
· Le chien n’a pas vocation à rester en permanence avec le troupeau. Son rôle étant d’empêcher les prédateurs d’approcher, les individus de la meute se répartissent le travail, certains chiens restent au milieu du troupeau pendant que d’autres patrouillent à la périphérie. La meute de chiens de protection a la capacité de faire évoluer sa stratégie de protection en fonction de la stratégie des prédateurs, et notamment du loup.
· La naissance en bergerie n’est pas une condition nécessaire ni suffisante pour faire un bon chien de protection. La formation donnée par le naisseur, les conditions de vie des chiots et les conditions d’introduction dans le troupeau sont tout aussi déterminantes.
· Un chien SEUL NE PEUT PAS protéger un troupeau. Ils doivent être deux au minimum, sachant que leur nombre dépend de la taille du troupeau et de l’environnement dans lequel ils travaillent. Seul, le chien ne peut pas se reposer, son travail en pâtit, mais son bien-être et sa durée de vie aussi. Dans tous les pays qui ont une longue tradition pastorale, les chiens de protection travaillent en équipe, avec d’autres chiens et le berger, voire des ânes.
· Les chiens d’une même portée peuvent travailler ensemble, c’est même un atout. En effet, les liens de sang qui unissent des chiens qui ont toujours vécu ensemble, renforcent leur efficacité dans l’indispensable collaboration pour protéger le troupeau. Ce sont d’ailleurs ces liens qui font la redoutable efficacité des meutes de loups.
· Le chien de protection doit être en contact avec les autres chiens de l’exploitation (chiens de conduite, de compagnie ou de chasse). Rappelons-le encore une fois, le chien est un animal social, qui a un besoin impératif de jeux avec ses semblables jusqu’à l’âge de 2 ans. C’est à l’occasion de ces séances de jeux que les adultes leur apprennent des limites que ne pourront jamais leur apprendre des brebis. Par ailleurs, le chien de protection doit considérer tous les chiens de la ferme comme faisant partie de son troupeau, au sens large du terme.
· Le chiot doit apprendre à connaître d’autres environnements que celui de l’exploitation. Notamment des environnements plus urbains, même s’il ne sera pas appelé à les fréquenter souvent. Lui apprendre à marcher en laisse dans une rue, à monter dans une voiture, font partie des expériences variées qu’il doit connaître jeune, afin d’abaisser son seuil de réactivité, gage de sécurité pour les rencontres ultérieures qu’il pourrait faire avec d’autres usagers du territoire.
· Le chien de protection mange naturellement les délivrances et les cadavres, c’est NORMAL, et cela ne doit surtout pas être sanctionné. Par contre, il est important de pouvoir le superviser lors des premières expériences du jeune chien. Ce comportement participe d’ailleurs au maintien de l’état sanitaire du troupeau.
· LE CHIEN DE PROTECTION NE SE PREND PAS pour un mouton ! Si c’était le cas il partirait en courant devant le loup !
Bilan du retour des chiens de protection en France
Force est de constater, trente ans après le retour du loup, que la prédation ne cesse d’augmenter et que la méthode d’éducation et d’introduction des chiens dans les élevages français est un échec. Elle produit des chiens difficiles à gérer, y compris par leur propre berger, et pas toujours très efficaces du fait d’un manque de formation au travail de protection et d’une mauvaise utilisation de la part des bergers.
Par ailleurs, pour les bergers, la solution au problème de la prédation s’avère souvent synonyme de soucis voire de galères sans fin. Plaintes des voisins parce que les chiens aboient la nuit, cohabitation difficile avec des randonneurs, vététistes, chasseurs et autres usagers du territoire, ayant souvent des comportements inappropriés. Sans compter que pour un éleveur débordé de travail, le temps nécessaire à l’éducation et à la formation de ces nouveaux partenaires est souvent sous-estimé. De plus, travailler (et vivre) avec des chiens de protection suppose de la part du berger un lâcher-prise totalement en opposition avec la façon de travailler avec des chiens de conduite. Si le chien de conduite doit répondre à des ordres précis, il est inutile et inefficace de vouloir maîtriser un chien de protection au risque de le bloquer dans son travail.
Pour Mathieu MAURIÈS, le bilan de ces trois décennies est catastrophique sur tous les plans. Les bergers souffrent de supporter toujours plus d’attaques, avec le stress que cela engendre. Les conséquences financières sont non négligeables malgré les indemnisations. Les troupeaux souffrent, au-delà des brebis tuées, car les conséquences des attaques sur le long terme sont importantes (stress, avortements, stérilité). Les chiens souffrent aussi car ils travaillent dans de mauvaises conditions, souvent en sous-effectif et sans réel soutien de leur berger. Ils sont même parfois tués par les loups.
Et pendant ce temps, l’efficacité du chien de protection est remise en cause, la prédation continue et les extrémistes de tous camps campent sur leurs positions. Quel échec !
Quelles solutions pour se réapproprier ce savoir-faire disparu ?
Les bases d’une stratégie
Mathieu MAURIÈS pose les bases de ce que devrait être une véritable stratégie de lutte contre la prédation par le moyen le plus efficace, le chien de protection. Il conviendrait notamment :
· De former les bergers, mais aussi les jeunes en formation agricole, à l’élevage et à l’usage des chiens de protection.
· De financer l’acquisition par les bergers de chiens de qualité, les subventions actuelles étant largement insuffisantes, notamment pour permettre aux bergers d’avoir le nombre de chiens nécessaire à la taille de leur troupeau.
· D’accompagner les éleveurs lors de la mise en place de chiens de protection dans leur troupeau, pendant un an au minimum, par le naisseur ou par un technicien pastoral formé. En l’absence de chiens de protection adultes et compétents dans un élevage, ne placer que des paires de chiots.
· D’apporter un soutien et une protection juridique aux éleveurs qui sont trop souvent critiqués, voire assignés en justice pour des accidents dont les chiens ne sont pas responsables.
· De créer une filière permettant de sauvegarder des lignées saines et rustiques et ainsi de ne pas perdre les acquis d’une sélection millénaire. Le potentiel génétique existe dans plus de trente races ; il convient donc de le mettre en valeur à travers un réseau d’éleveurs-naisseurs organisé, voire labellisé, avec des programmes de sélection adaptés.
· De communiquer auprès du grand public sur ce qu’est un chien de protection, son rôle et les comportements à avoir (ou à éviter) à l’approche des troupeaux.
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Comment aller vers le chien de protection idéal ?
On a maintenant compris que le travail d’un chien de protection est particulièrement complexe. Pour un chien de protection efficace, six facteurs sont déterminants. Si l’un de ces éléments est défaillant, le résultat ne sera pas concluant, avec les conséquences que l’on connait en France depuis des décennies.
· Le patrimoine génétique du chien. L’attachement au troupeau et la non agressivité envers les humains sont les principales caractéristiques des chiens de protection, sélectionnées depuis des siècles partout à travers le monde. Ce patrimoine génétique doit donc faire l’objet d’une sélection rigoureuse permettant à la fois de conserver une variabilité génétique garante de la capacité d’adaptation des chiens, et de choisir sur des critères définis et quantifiables, les meilleurs individus pour la reproduction.
· La méthode d’élevage du naisseur. À l’opposé de la méthode Coppinger, Mathieu MAURIÈS a développé une méthode d’élevage de ses chiots, basée sur la proximité au quotidien, le respect mutuel et l’affection envers ses compagnons de vie.
· La méthode de mise en place dans le troupeau. Acquérir des chiens de protection, ce n’est pas simplement ajouter des chiens dans un élevage ; c’est un véritable bouleversement des conditions de travail des éleveurs. De son expérience de vingt ans de travail avec ses chiens et plus de 200 chiots placés dans des troupeaux partout à travers le monde, Mathieu MAURIÈS a mis en place un protocole d’introduction des chiots dans les élevages permettant de garantir au mieux cette étape-clé.
· L’implication du berger. Elle est cruciale, les premiers mois notamment. Le berger doit passer du temps avec son chien, quotidiennement, en particulier pour faire les indispensables exercices d’éducation. Cette implication du berger est d’autant plus importante qu’en l’absence de chiens adultes, c’est lui qui sera à la fois le parent et le professeur du chiot, celui qui rassure et qui éduque.
· Le suivi du placement. L’éleveur qui débute avec des chiens de protection doit bénéficier d’une personne ressource qu’il pourra consulter durant les premiers mois, voire les deux premières années. Dès qu’un problème de comportement ou de santé apparaît, il est impératif d’intervenir rapidement et donc de pouvoir consulter une personne compétente dans les meilleurs délais. Mathieu MAURIÈS assure quant à lui un suivi à vie des chiens qu’il place, et reste disponible 7 jours sur 7 pour répondre aux questions des débutants.
· Le travail des chiens en meute familiale. Le nombre de chiens nécessaires à la protection d’un troupeau a largement été sous-estimé en France. Ce nombre dépend de plusieurs facteurs : la taille du troupeau bien sûr, mais aussi l’espèce des animaux à protéger, la topographie du terrain (boisé, ouvert, montagne, plaine), la nature et le comportement des prédateurs, la disponibilité des proies sauvages, la constitution et le comportement de la meute elle-même (race, âge des chiens, présence de femelles non stérilisées…). Donner un nombre précis de chiens nécessaires est donc difficile. Cependant Mathieu MAURIÈS propose les chiffres indicateurs suivants :
Au-delà de l’effectif, la composition de la meute est importante. À côté des chiens âgés qui sont la mémoire de la meute et les éducateurs des jeunes, celle-ci doit comporter à la fois des chiens adultes expérimentés et physiquement au mieux de leurs capacités, et de jeunes chiens en apprentissage qui assureront la relève. La culture de la meute se transmet ainsi de génération en génération. Une meute c’est beaucoup plus qu’un simple groupe d’individus. C’est d’ailleurs cette notion de meute familiale qui fait l’efficacité des meutes de loups.
Mathieu MAURIÈS : vingt ans de travail et de recherches au service d’une cause
Méthode de sélection des chiens de protection
La sélection réalisée par les bergers depuis des siècles a permis d’écarter de la reproduction les chiens impropres à la protection des troupeaux ainsi que les chiens agressifs envers l’homme. Mais aujourd’hui le résultat de cette sélection millénaire, à savoir des chiens rustiques et aptes au travail de protection, est mis en péril par l’absence de programmes de sélection basés sur des critères scientifiques et opérationnels. L’augmentation de la consanguinité, notamment sur les races rares en France (comme les kangals ou bergers d’Anatolie), réduit la variabilité génétique et les capacités de défense de l’organisme, d’où l’émergence de tares et de maladies. Par ailleurs le concept de race, figeant les populations sur des types précis, va à l’encontre de cette nécessaire variabilité génétique. Cette notion de race, souvent centrée sur les aspects physiques plus que sur la fonctionnalité des chiens, a produit de nombreuses aberrations, tels ces chiens de berger qui n’ont plus de berger que le nom : berger allemand, beauceron, belge ou picard… ils sont depuis longtemps perdus pour le pastoralisme. Seul le border collie, dont l’examen de confirmation comprend un test d’aptitudes au travail, reste un véritable chien de berger.
Dans ce contexte, Mathieu MAURIÈS a donc mis en place, au sein de son élevage du Hogan des Vents (Haute-Garonne), un programme de sélection basé sur des critères physiques et opérationnels, indispensables au travail du chien de protection. Des critères physiques : l’aboiement, la qualité de la fourrure, la dentition et le gabarit. Des critères fonctionnels de rusticité et de reproduction : la prolificité et la productivité. Une chienne de protection doit être capable de se reproduire de façon naturelle (saillie et mise-bas) et d’élever seule ses petits pendant les trois premières semaines. La vitalité des chiots et les qualités maternelles de la mère se mesurent au nombre de chiots vivants à douze semaines sur le nombre de chiots nés, vivants et morts. Un critère d’efficacité au travail, la note « troupeau », est par contre un critère plus subjectif qui ne peut être évalué que par le propriétaire du chien. Compte tenu de son importance, cette note se voit dotée d’un coefficient plus élevé que les autres notes. En fonction des différentes notes obtenues (note de synthèse), les bergers pourront faire de meilleurs mariages et éviter la reproduction des chiens de qualité trop moyenne.
Mais le potentiel génétique ne fait pas tout, il ne faut pas oublier que le meilleur des chiens pourra être gâché par les mauvaises pratiques de son éleveur ou de son berger. Être né dans un troupeau avec de bonnes souches génétiques n’est pas suffisant pour faire un bon chien de protection.
Protocole d’introduction des chiots
En conséquence, Mathieu MAURIÈS a mis en place un protocole d’éducation des chiots basé sur quelques règles et conseils ainsi que sur des exercices simples à pratiquer quotidiennement. Par ailleurs, il a fait le choix de ne placer que des paires de chiots, c’est la première des conditions indispensables pour un bon développement des chiots et la réussite de l’intégration.
Parce que, même si le chien de protection est le meilleur moyen de protéger le troupeau des prédateurs, mieux vaut ne pas avoir de chiens de protection que d’avoir des chiens mal éduqués et mal préparés à leur métier.
Les règles de base
· Accueillir son chiot dans les meilleures conditions ; le premier contact et primordial et la sécurité du chiot doit être assurée.
· Comme on l’a vu, les chiots ont besoin de jouer, il est donc nécessaire de leur prévoir des objets adaptés, bouts de bois ou gros os crus (jamais d’os cuits à un chien), au risque qu’ils ne choisissent vos chaussures !
· Interdire de mordre et mordiller.
· Interdire de sauter ; le chien doit toujours avoir les quatre pattes au sol.
· Travailler le rappel à la voix avec un ordre précis, et toujours féliciter chaleureusement le chiot qui exécute un ordre.
· Apprendre à cesser d’aboyer, toujours avec un ordre précis mais après avoir identifié les causes de l’aboiement. Attention, les chiens de protection aboient beaucoup à la tombée de la nuit pour signaler leur présence aux prédateurs, dans ce cas, il faut évidemment les laisser faire et, si besoin, expliquer cette nécessité à d’éventuels voisins grincheux !
· Ne pas laisser seuls et sans surveillance de jeunes chiens (de moins de deux ans) avec des agneaux.
· Éviter les exercices violents et soutenus, avant l’âge de deux ans au risque de les blesser. En effet la croissance des chiens de protection est lente et se termine vers quatre ou cinq ans.
· Les jeunes chiens en apprentissage doivent être chaleureusement encouragés lorsqu’ils font bien, mais ils ne doivent pas être grondés lorsqu’ils font des erreurs. Les erreurs sont normales lors de l’apprentissage.
Les exercices
Tous ces exercices sont bien sûr à réaliser en douceur et sans brutalité. Il conviendra d’éviter de travailler avec le chiot si vous êtes stressé ou énervé ; votre stress se transmettra au chiot, lequel ne sera alors pas en capacité d’apprendre. Les exercices présentés par Mathieu MAURIÈS consistent à apprendre au chiot à :
· Accepter des manipulations corporelles,
· Marcher en laisse,
· Rester à l’attache,
· Monter en voiture,
· Découvrir le monde extérieur,
· Découvrir une habitation humaine,
· S’habituer aux chats et aux volailles.
Ces conseils et ses exercices sont illustrés dans les vidéos où le jeune Snoopie, notamment, se prête docilement aux exercices. Pour plus de détails, vous en retrouverez aussi dans un guide précieux pour les débutants : Mathieu MAURIÈS, Chiens de protection des troupeaux – Comprendre et éduquer les chiots - Agrilearn Éditions, 2021.
Au-delà des nombreux enseignements que nous apporte cette série de vidéos sur l’élevage et l’éducation des chiens de troupeaux, on retiendra ces éléments essentiels, à savoir que les chiens de protection ne sont pas un outil à proposer aux éleveurs comme « solution miracle » aux problèmes de prédation. Qu’intégrés aux troupeaux dans de mauvaises conditions ils apportent plus de désagréments que de solutions. Mais qu’une collaboration efficace entre berger, chiens de protection et chiens de conduite est bien la seule voie permettant une coexistence apaisée des prédateurs et des troupeaux. Ce n’est pas une utopie. Cette efficacité repose évidemment sur un ensemble de bonnes pratiques mais avant tout sur la qualité de la relation entre le berger et ses chiens. Relation basée sur le respect et l’affection mutuels et non sur un principe de domination éculé. Il n’y a d’ailleurs qu’à regarder Mathieu MAURIÈS évoluer avec ses nombreux chiens pour apprécier la qualité de la relation qui les unit.
Permettre au monde pastoral, aux éleveurs et aux futurs éleveurs, de se réapproprier les compétences perdues, de réapprendre à travailler avec des chiens de protection est une nécessité. C’est aussi une urgence, la présence du loup sur notre territoire s’accroît et, comme Mathieu MAURIÈS nous en donne l’alerte, quand le loup est là, vous avez déjà quatre ans de retard !
[1] Cro-Magnon (27 680 ans avant le présent) appartient au genre Homo sapiens.
[2] Néandertal, 400 000 ans d’existence tout de même !
Animatrice de formation Community manager Responsable qualité Référente financements OPCO Spécialiste santé animale
4 moisJ'ai eu ce matin en ligne la maman d'un jeune berger, emprisonné pour 3 ans pour avoir tué un loup qui menaçait son troupeau de brebis. La couverture médiatique s'organise m'a t-elle dit. Il souhaite se former avec Agrilearn. Quand 2 prédateurs évoluent sur le même terrain, il y en a un de trop....
Associée co-gérante SARL Agrilearn
4 moisUne lecture très intéressante 🐶 et très agréable en ces fortes périodes de chaleur ⛱