Chronique d'une catastrophe annoncée
« La violence est aujourd’hui déchaînée au niveau de la planète entière, provoquant ce que les textes apocalyptiques annonçaient : une confusion entre les désastres causés par la nature et les désastres causés par les hommes...Nous sommes la première société qui sache qu’elle peut se détruire de façon absolue. Il nous manque néanmoins la croyance qui pourrait étayer ce savoir». René Girard.2011. Achever Clausewitz. Flammarion.
Progressivement les recherches montrent que l'ampleur des défis posés par la lutte contre le dérèglement climatique dépasse tout ce que l'humanité a dû affronter dans son histoire. En se limitant à l'aspect financier, on sait que le coût de cette lutte sera considérable et s'étalera sur une ou plusieurs décennies et ce coût sera d'autant plus difficile à supporter qu'il ne correspond pas véritablement à un progrès des niveaux de vie: il s'agit souvent de remplacer des équipements polluants existants pas des équipements non (ou moins) polluants mais pas plus efficaces, sans gain de productivité. Au mieux cela permettra à terme (dans dix ans?) de réduire la facture des énergies importées et de renforcer la souveraineté des nations importatrices.
Si l'on compare la lutte contre le dérèglement climatique au développement fulgurant des chemins de fer dans le monde à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, on peut se faire une idée de la difficulté à financer la lutte contre le réchauffement climatique. Le chemin de fer avait mobilisé des moyens financiers considérables par l'endettement international. Mais le chemin de fer non seulement représentait un progrès considérable des moyens de transports des hommes et des marchandises, mais il devait en contrepartie générer des revenus permettant de rembourser les emprunts. Rien de semblable dans la lutte contre le dérèglement climatique: prenons l'exemple de la voiture électrique, le service rendu sera le même que celui de la voiture thermique mais il coûtera bien plus cher: il y aura donc une perte de bien être selon la terminologie des économistes.
Maintenir le réchauffement climatique à moins de 1.5°C (encore que certains estime que les efforts actuels n'y suffiront pas) n'apportera rien de plus en termes économiques mais il nous évitera peut-être la catastrophe annoncée. Ça reste une perspective difficile à vendre.
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Une difficulté majeure de la mobilisation contre le dérèglement climatique tient au fait que l'événement se manifeste de mille manières différentes sans que l'on soit certains dans chaque cas de la cause: un été caniculaire, des inondations catastrophiques, la sécheresse, la disparition accélérée de nombreuses espèces, etc. Dans chaque cas on peut être tenté de dire que ces événements ne sont pas uniques dans l'histoire ("on en a déjà vu d'autres"), dans chaque cas il est possible de trouver d'autres raisons. Mais ce qui est certain c'est que l'accumulation des catastrophes sur un laps de temps exceptionnellement court n'est pas le fait du hasard.
La prise de conscience progresse et les évaluations des mesures à prendre se précisent un peu plus chaque jour, les sommets se succèdent et les états s'engagent de plus en plus. Mais dans le même temps, devant l'ampleur des efforts à faire, "le front du refus" se fait de plus en plus vocal, et certains états ne respectent pas leurs engagements.
Une autre difficulté majeure de la lutte tient au fait qu'il faut changer de mode de production et de mode de consommation: en d'autres termes il faut changer notre mode de vie et certaines de nos valeurs (par exemple la recherche du profit maximal, moteur central du développement de nos économies) ce qui n'est peut-être pas possible; alors que tout nous démontre que la paix et la négociation sont supérieurs à la guerre cela n'empêche pas que les conflits armés se multiplient au risque d'un embrasement généralisé. René Girard nous a prévenu une autre catastrophe est possible.