Chroniques du Recrutement en France #18: Quand recruter revient à jouer au poker menteur

Ah, la fausse transparence... Cet art subtil du demi-mensonge où les entreprises s’imaginent que tout passe mieux sous une couche de vernis bien lisse. Promettre un poste "ambitieux" dans une structure "alignée" sur des valeurs fortes, tout en sachant que la réalité ressemble plutôt à un champ de ruines. C’est un peu comme vendre une voiture d’occasion en vantant son moteur "fiable" et en omettant de mentionner que les freins sont défectueux.

Mais ce jeu cynique ne reste pas sans conséquences. Derrière chaque promesse non tenue, il y a des désillusions, des carrières brisées, des vies chamboulées… et, inévitablement, une facture à payer pour l’entreprise elle-même.

Un recrutement, des promesses… et la douche froide

Tout commence par un appel LinkedIn où le recruteur, sourire dans la voix, vous assure que vous êtes le candidat idéal. Traduction : "Vous ne correspondez pas vraiment à ce qu’on cherche, mais on va essayer de vous caser tant bien que mal." Et pour séduire, rien de tel que des phrases toutes faites :

• "Nous valorisons l’autonomie et la créativité." (Traduction : Vous serez livré à vous-même dans un chaos absolu.)
• "Nous sommes en pleine transformation digitale." (Traduction : Rien n’est en place, tout est à refaire, et tout le monde va résister à vos idées.)
• "Nous aimons les profils qui osent sortir des sentiers battus." (Traduction : On espère que vous vous adapterez à nos processus archaïques sans trop râler.)

Et vous, plein d’optimisme, acceptez l’offre. Vous croyez en cette entreprise qui vous promet monts et merveilles, et vous imaginez déjà faire partie d’une aventure passionnante. C’est touchant.

Puis vient le premier jour. Vous poussez la porte, sourire aux lèvres, prêt à tout donner. Et là, kaboom. La réalité s’écrase sur vous comme un piano tombant du dixième étage.

• Le poste "stratégique" se résume à éteindre des incendies quotidiens.
• L’équipe "alignée" est en fait une horde divisée, prête à monter un syndicat contre la moindre proposition de changement.
• Les outils et processus "robustes" ? Une pile de fichiers Excel datant de 2003.

Bienvenue dans la guerre des tranchées

On vous a vendu une mission de transformation stratégique ? Vous avez signé pour faire bouger les lignes et embarquer les équipes dans une aventure ambitieuse ? Magnifique. Sauf que personne ne vous a dit que ces équipes tiennent leurs lignes… comme si leur vie en dépendait.

La réalité ? Vos propositions sont disséquées, critiquées, ou pire, ignorées avec des phrases comme "C’est intéressant, mais on a toujours fait comme ça." Les alliés promis sont introuvables. Les équipes se regroupent pour former un comité anti-changement. Et vous voilà seul, en terrain hostile, à lutter pour avancer d’un centimètre.

Conséquence : Les entreprises qui recrutent pour transformer sans préparer leurs équipes sabotent elles-mêmes leur succès. Le leader recruté finit isolé, incapable d’accomplir sa mission, et quitte l’entreprise, usé et amer.

Les top performers sous cloche : un gâchis monumental

Vous avez entendu parler des game changers, ces talents capables de transformer une entreprise ? Super. Mais pourquoi les recruter si c’est pour les empêcher de jouer leur jeu ?

La réalité ? Vous êtes devenu une pièce d’exception dans un mécanisme conçu pour l’immobilisme. Chaque pas en avant est suivi de deux pas en arrière.

Recruter des top performers pour maintenir le statu quo est non seulement une perte de temps mais aussi un immense gâchis de talents. Ces individus ne cherchent pas à "s’intégrer" à des systèmes défaillants, ils veulent les transformer. Lorsqu’on leur refuse les moyens ou la liberté de faire leur travail, ils finissent par partir, emportant avec eux leur énergie et leur vision.

Quand le candidat devient l’otage de son contrat

Et si, après toutes ces frustrations, vous décidiez de partir ? Bonne idée. Sauf que votre contrat, cet innocent morceau de papier signé à votre arrivée, contient quelques surprises :

• Une clause de non-concurrence si large qu’elle pourrait s’appliquer à la boulangerie en bas de chez vous.
• Une période de préavis si longue qu’elle découragerait les recruteurs les plus motivés.
• Ou, pire encore, des obligations implicites qui rendent toute transition professionnelle compliquée.

Vous êtes libre, en théorie. Mais en pratique, chaque porte semble fermée. Vous voilà pris au piège d’une situation qui détruit lentement votre moral et vos ambitions.

Le cercle vicieux : tout le monde y perd

Ce cocktail explosif de résistances internes, d’immobilisme et de blocages contractuels ne détruit pas seulement les talents, mais aussi l’entreprise elle-même :

• Turnover chronique : Les leaders et top performers finissent par partir, incapables de s’épanouir ou de faire avancer les choses.
• Réputation ternie : Les candidats connectés partagent leurs expériences négatives, et les recruteurs peinent à attirer des talents.
• Innovation en panne : Sans talents capables de remettre en question les pratiques obsolètes, l’entreprise stagne et se fait dépasser par ses concurrents.

Et qu’en est-il du respect mutuel ?

Plutôt que de masquer la vérité sous des promesses illusoires ou des contrats piégeux, pourquoi ne pas jouer cartes sur table ?

• Préparez vos équipes au changement avant de recruter des leaders.
• Donnez à vos top performers la liberté et les moyens d’agir.
• Proposez des contrats équilibrés, qui reflètent une vraie relation de confiance.

Car au fond, une entreprise qui attire les talents par la transparence et l’honnêteté en sortira toujours gagnante. Vous ne voulez pas que vos recrues soient prisonnières. Vous voulez qu’elles soient engagées, enthousiastes, et prêtes à donner le meilleur d’elles-mêmes. Et pour cela, il suffit parfois d’arrêter de jouer au poker menteur et de miser sur la sincérité.