CODIR : Les nouvelles pratiques en matière de décision
À la tête d’une entreprise, prendre une décision ensemble peut vite devenir un calvaire. Beaucoup de décideurs ont du mal à aligner leur équipe rapprochée sur le prochain choix stratégique. La communication est alors rouillée et la dynamique de groupe rompue. Or, de nouvelles méthodes fleurissent et promettent de beaux jours aux décideurs et aux équipes.
Quelles sont ces nouvelles pratiques en matière de décision, dans ces instances qui dessinent le futur de l’entreprise? Quels enjeux ? Réponses à suivre…
Pour simplifier cet article, je vais utiliser le terme CODIR pour désigner le comité réunissant les principaux cadres de la direction d’une entreprise. Mais ces réflexions s’appliquent autant aux COMEX, COPIL ou autre Comité Stratégique…
Comment prendre la bonne décision en évitant les biais cognitifs ?
Lors de son intervention TEDX à l'Echappée Volée, Olivier Sibony questionnait les biais cognitifs. Mais d’abord, qu’est-ce qu’un biais cognitif ? Eh bien, c’est une manière de se tromper qui est universelle et prévisible et qui fausse complètement notre raisonnement de ce que l’on peut percevoir à l’avance. Par exemple, à la question « est-ce que je conduis bien? », je suis davantage tenté(e) de répondre que je figure parmi les meilleurs conducteurs que parmi les pires. Et cette réponse est quasi systématique pour tous et toutes.
Il existe une multitude de biais, que certains instituts repertorient pour en compter près de 200 déjà connus. Les plus fréquents lorsqu'il s'agit d'une equipe dirigeante étant l'aversion à la perte, l'excès d’optimisme, l'erreur de planning, l'inertie, l'excès de confiance, la malédiction du gagnant, entre autres. Ce sont tous des manières de se tromper systématiquement. Plusieurs livres les commentent et disent que si l’on parvient à les reconnaître et à détecter les signaux, alors on peut corriger les problèmes. Or, si cela était si simple, nous le saurions depuis bien longtemps… Car on a beau avoir lu tous les livres, quand le problème se pose, on tombe tous quand même dans le piège.
D'ailleurs, c'est avec l'éminent Daniel Kahneman et Cass Sunstein de "Nudge" qu'Olivier Sibony a co-écrit son dernier ouvrage "Noise", qui dénonce encore le bruit sourd dans lequel nos dirigeants prennent leurs decisions.
Les solutions ? Voici trois nouvelles pratiques innovantes et bienveillantes
Vous l'aurez compris, on ne peut rien y faire individuellement, mais on peut amoindrir l’impact de nos biais cognitifs individuels en travaillant au niveau de l’équipe de direction. Il faut mettre en place un système de prise de décision. Voici 3 nouvelles pratiques qui s'avèrent efficaces.
Pratique 1: Apporter une méthodologie (un « framework ») pour cadrer la réflexion collective.
Ainsi, on recueille les inputs que l’on cherche à obtenir de chacun, et aller à l’encontre de sa tendance naturelle à chercher avant tout la confirmation.
Des exemples ?
Pour lutter contre un biais, il faut parfois chercher des désaccords et discuter explicitement de ses incertitudes. On peut avoir deux équipes qui étudient un problème, l’une pour, et l’autre contre. Puis, on écoute les deux partis et on décide. Mais on peut également utiliser la méthode pre-mortem, soit l’autopsie de l’échec qui n’a pas encore eu lieu. Enfin, il est également envisageable d’utiliser la technique de la check-list qui consiste à fixer à l’avance les critères qu’il faut remplir pour que la décision soit bonne.
En amont d’une decision, dans un but d'idéation cette fois-ci, un autre exemple connu est le « design thinking » qui propose d’intégrer des phases de convergence et de divergence des idées.
Enfin, il m’arrive de proposer à des cadres de commencer par 15 minutes de questions exclusivement, pour être sûrs de poser la bonne problématique afin d’éviter de se lancer en profondeur sur une problématique mal définie.
De nombreux « framework » existent. Le plus dur reste encore de choisir celui qui correspond le mieux à la décision à prendre.
Pratique 2: Des dirigeants prennent le temps d’expliciter des règles de fonctionnement de «savoir être » en séance CODIR.
Ces dernières permettent de poser le débat au bon niveau stratégique, et surtout de proposer des manières de ramener constructivement les contributeurs qui s’égarent. Ainsi, on s’assure que la conversation reste à l’altitude souhaitée. Là encore, il y a des règles générales qui fonctionnent, mais pour que la théorie soit mise en pratique, c’est le CODIR qui doit co-créer ses propres règles ensemble. Elles reflètent souvent les valeurs que l’entreprise porte. Elles sont uniques à chaque équipe dirigeante et peuvent évoluer en fonction du « framework » retenu pour une instance en particulier.
Pratique 3: L’époque l’impose malgré elle, il est désormais fortement recommandé voire indispensable d’utiliser la technologie pour recueillir les inputs sans avoir à tout verbaliser.
Pour y parvenir, de nombreux outils sont à disposition des équipes : le chat/discussion, le tableau blanc… Plutôt que de reprendre des idées déjà verbalisées, on apprend à s’exprimer en silence et on se positionne sur une idée pour abonder par exemple.
Maintenant que nous avons pris connaissance des outils disponibles, encore faut-il savoir les utiliser.
En effet, avoir un système de prise de décision, ce n’est pas seulement d'utiliser ces pratiques une seule fois, c’est le faire de manière systématique et formelle.
C’est exactement pareil que lorsque l’on apprend: c’est le principe de répétition qui ancre la connaissance et c’est la régularité qui nous permet de déconstruire des biais dont nous ne sommes pas conscients.
Conclusion : Et si on devenait tous des Ulysse?
Souvenons-nous du célèbre passage d’Ulysse et des sirènes. Ce dernier a demandé à ses marins de l’attacher au mât et de ne surtout pas le détacher même s’il en faisait la demande. Cet entrepreneur est impressionnant et exemplaire en ce qu’il a assemblé un équipage en qui il a entièrement confiance. De fait, il est prêt à placer sa vie entre leurs mains. D’autre part, l’équipage a également entièrement confiance en leur guide puisque ses membres sont prêts à le suivre en dépit de tous les dangers.
C’est de cette confiance mutuelle, de ce goût du risque et du renouveau dont nous avons besoin pour dépasser nos biais cognitifs et prendre les bonnes décisions, celles qui au-dela d’avoir été prises au plus haut niveau de l’entreprise, sont naturellement adoptées par l’ensemble des collaborateurs. Alors, prêts à tenter l’aventure?
Julie Benichou Azan
Pour aller plus loin : Masterclass: Les fondamentaux d’un CODIR performant
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Responsable du DLA 92 (France Active) Conseil aux asso (Free lance)
3 ansBruno Zilberg, intéressant!