Colères
Bonjour !
De vous à moi, je suis en colère contre l’utilisation à tort et à travers du mot... colère ! Pas un jour sans que les médias relaient la « colère » des retraités, des agriculteurs, des fonctionnaires, des taxis, des policiers, des enseignants, des maires... Avant sa chute, mardi soir, le Premier ministre martelait encore : « Il y a beaucoup de colère dans le pays ». Bref, si à 50 ans, t’as jamais exprimé ta colère, c’est que t’as raté ta vie ! Et vous, êtes-vous un PDG, un administrateur, un cadre, un salarié en colère ?
Banques
Cette éruption des mécontentements n’a rien de spontanée. Le philosophe Peter Sloterdijk a raconté l’histoire de la colère, « alimentée par ceux qui, à tort ou à raison, pensent être lésés, exclus, discriminés ou pas assez écoutés ». Il existait deux « banques de la colère », l’Eglise et les partis de gauche, exutoires à la rage. Or au XXIe siècle, cette haine contre les élites accusées d’avoir trahi le mandat populaire « s’exprime de manière plus désorganisée, des mouvements “no global” jusqu'à la révolte des banlieues ».
Addition
Dans Les ingénieurs du chaos, Giuliano da Empoli montre comment les nationaux-populistes visent à réveiller les passions, puis à les agréger sans souci de cohérence. Si le vieux jeu politique consistait à unir, à présent, « pour conquérir une majorité, [il faut] additionner les extrêmes. » Pour lui, la fronde des Gilets jaunes prouve que la rage ne naît pas de causes objectives, mais d’une rencontre entre l’affaiblissement des fameuses banques de la colère et l’irruption de médias formatés pour exacerber les tensions.
Energie
Je cite encore Giuliano da Empoli : « Les ingénieurs du chaos ont compris avant les autres que la rage était une source d'énergie colossale, et qu’il était possible de l’exploiter pour réaliser n’importe quel objectif, du moment qu’on en comprenait les codes et qu’on en maîtrisait la technologie. »
Concret
Le communicant Philippe Moreau-Chevrolet utilise la même grille d’analyse à propos de Jean-Luc Mélenchon : « Il veut fédérer des colères chauffées à blanc, sans nécessairement de rapports entre elles, qui chacune le considéreront comme leur champion […] Il veut être l’homme politique qui rassemble toutes les colères : antivax, pro-russe, pro-Hamas… » Et le sondeur Brice Teinturier : « Marine Le Pen surfe sur les colères, les humeurs, les insuffisances ou les contradictions du gouvernement ».
Charge
Ne vous méprenez pas. Je ne minore pas cette colère, ni son rôle dans l’affaissement de notre modèle social-libéral. Ce que je dénonce, c’est l’usage ad nauseam d’un mot-valise à la charge sémantique très politique. Il ne s’agit pas de l’interdire, mais de l’employer à dessein. De réfléchir sur la prédominance de l’affect sur la rationalité. De s’interroger sur la survalorisation d’un état affectif éruptif soi-disant supérieur par rapport à la responsabilité individuelle...
Ah, une dernière chose !
Un quart des plus de 50 ans déclarent avoir vécu des discriminations et la moitié disent avoir connu des « relations de travail dévalorisantes » d’après une étude dévoilée mercredi. A suivre...
Génération X’O
Génération X’O, c’est un X comme eXpérience et un O comme Opportunité, pour les plus de 45 ans qui estiment que la plus belle part de leur carrière est devant eux, en mode plutôt zen qu’en colère. Partagez X’O, suivez-nous sur LinkedIn !
Recommandé par LinkedIn
Bonne lecture !
Rémi Godeau, rédacteur en chef de l’Opinion
NIZON CONSULTANT MANAGEMENT SI EXPERT EN IA GENERATIVE & ANALYSE FINANCIERE
3 sem.Si les Gaulois aiment à cultiver leur esprit frondeur, il est temps d’envisager un modèle politique davantage tourné vers l’entente et la coopération, à l’image de certaines démocraties européennes. Ces dernières démontrent qu’il est possible de gouverner sans majorité absolue en trouvant des compromis au service de l’intérêt 😊 collectif, et non en attisant les divisions. Plutôt que de s’enfermer dans une posture de mécontentement perpétuel, pourquoi ne pas s’inspirer de cette culture politique plus mature et efficace, qui valorise la négociation et l’action collective ?