Comment le retour en présentiel est-il vécu par les employés?
La levée de l’obligation du travail à domicile en Suisse a été un nouveau départ pour le monde professionnel - juste pas de la manière que nous croyions. Nombreux sont ceux qui télétravaillent encore. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cela: les employés se sont habitués au travail à domicile, la place qu’a le travail dans leur vie a changé et le fait que s’ils retournent au bureau, c’est pour continuer à faire des appels vidéo.
Un article publié par Bloomberg le démontre clairement: selon une étude de l’entreprise de consultation de management AWA (Advanced Workplace Associates), 86% des employés de bureau aux États-Unis souhaitent maintenir une méthode de travail hybride qui leur permettrait de travailler au moins 2 jours par semaine depuis leur domicile. De plus, les bureaux américains ne sont occupés qu’à seulement 39,5% selon Kastle Systems, qui fournit des services de sécurité pour les espaces de bureaux commerciaux.
Ceux qui ont pris la décision de revenir au bureau ont cependant dû constater que les appels vidéo sont encore un aspect central de leur quotidien professionnel. En effet, appeler ses collègues est plus facile que de rassembler un groupe dans une salle de conférence, et dans certains cas, c'est une nécessité pour les équipes travaillant dans d’autres villes, voire d’autres pays. Pour ceux qui préfèrent travailler à domicile, mais qui sont maintenant obligés de venir au bureau, c'est devenu une source de frustration: "Avec mon équipe, nous n'allons pas tous au bureau les mêmes jours, donc si nous avons une réunion, ce sera sur Zoom, ce qui est ennuyeux", a déclaré une jeune femme de 26 ans qui travaille dans le secteur de la finance à Dallas. "C'est sans intérêt. Même lorsque nous sommes au bureau, nous ne collaborons pas plus que si nous étions simplement sur Slack à la maison. (...) Ils essayent de faire pression pour que nous retournions au bureau, mais c'est une contrainte financière et mentale", dit-elle. "Et il n'y a toujours pas de communication réelle en personne".
Pareil en Suisse: beaucoup de bureaux sont à moitié vides (ou à moitié pleins). Quelles solutions s’offrent aux entreprises? Certaines ont instauré leur propres alternatives, tel qu’un tournus entre équipes de collaborateurs qui se rendent au bureau, afin d’assurer des échanges sociaux en présentiel: “Les employés qui veulent retourner au bureau recherchent la socialisation et l'établissement de relations plus que toute autre chose”, a déclaré Brian Elliott, chef exécutif du Slack Future Forum, qui étudie l'évolution du travail. "Lorsque vous posez la question aux cadres, vous avez plus de chances d'obtenir une réponse au sujet de la collaboration ou pire encore de la productivité, alors que les gens ont passé les deux dernières années à prouver qu'ils pouvaient être productifs en travaillant à domicile." D’autres entreprises ont décidé d’installer une partie de leurs bureaux dans des espaces coworking tel que Gotham. En effet, y élire son domicile a de nombreux avantages, tel qu’une baisse considérable des coûts des locaux et de leur entretien, leur situation géographique près des transports publics qui permet d’être flexible et mobile, ou bien l’opportunité d’assurer à ses employés un environnement grouillant de vie et d’inspiration.
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Cecilia Macaluso, City Manager chez Gotham Coworking, confirme qu’une nouvelle manière de travailler s’instaure en Suisse: “En effet, nous avons pu observer une augmentation de la demande de places dans nos coworking. Nos deux espaces Lausannois sont actuellement entièrement occupés, et les demandes persistent. Les entreprises se rendent compte que leurs employés ont besoin de flexibilité, de mobilité et d’un contexte social pour réseauter ou échanger des idées, comme des événements, workshops etc. Le coworking permet de réunir ces facteurs qui sont devenus si importants depuis la crise sanitaire.”
Lors de l’implémentation d’une méthode de travail hybride, il est maintenant au tour des entreprises de s’assurer: “comment et pourquoi leurs employés viennent au travail en présentiel” selon Lauren Mason, consultante principale pour le secteur des carrières chez Mercer, le plus grand cabinet de conseil en ressources humaines. Cet aspect serait actuellement négligé à cause de l’empressement de rouvrir les bureaux. “Lorsque les gens reviennent et qu'ils sont toujours concentrés sur les appels vidéo, cela crée encore plus de frustration et de ressentiment à l'idée de devoir retourner au bureau.”
La difficulté pour les entreprises consiste désormais à déterminer la meilleure façon de continuer à utiliser la technologie de l'ère pandémique qui a facilité de multiples aspects du travail, tout en encourageant à maintenir les interactions dans la vie réelle. "Tout le monde est encore en train de le découvrir", selon Mme. Mason. "Tout comme il y a deux ans, nous avons été forcés de travailler à distance, nous avons maintenant les mêmes défis à relever pour passer à l'hybride. Il va y avoir une période d'ajustement."